Sur la platine– saviors – green day

Publié le 05 février 2024 par Unis Son @unissonmag

Avec sa date de sortie et ces premiers singles, Green Day a mis la barre très, très haut pour Saviors. Longue review de ce nouvel album du groupe majeur de pop-punk Californien.

SAVIORS – GREEN DAY

Est-ce une bonne idée de la part de Green Day de dire de Saviors qu’il est le pont parfait entre Dookie, sorti en 1994, et American Idiot, sorti en 2004 ? Certains diront qu’il s’agit d’un argument marketing arrogant, bien qu’efficace, qui surf sur les deux plus gros albums des californiens. D’autres diront que cet argument à un fond de vrai tant la sonorité de l’opus se rapproche de l’un et l’autre.

Mais là où Dookie innovait, apparaissant exactement au bon endroit au bon moment avec sa rage adolescente colorée, Saviors pourrait être une redite. Là où American Idiot se posait comme concept opéra-rock politique ambitieux sur fond de guerre en Irak et d’éclatement social, Saviors pourrait sembler plus fade. Ce ne sont ici que des suppositions. Qu’en est-il vraiment ?

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De ses premiers singles, Saviors m’a fait me dire que oui, effectivement, le Green Day de mon enfance et adolescence à refaire surface. Même qu’un peu. The American Dream Is Killing Me fait écho à l’intro mordante de l’album de 2004 – un écho qui a son charme, une belle attaque, une grandeur, mais qui n’égale pas American Idiot ou encore Holiday. Look Ma, No Brains! fait davantage pensé à l’imprévisible Basket Case, une touche de maturité en plus. C’est plus propre, et bien sûr formé par les treize albums précédents.

Mais alors, Green Day a-t-il décidé d’exploiter à nouveau ses vieux mantras ? Bobby Sox prouve qu’ils explorent d’autres choses, avec un son doux, des chœurs entêtants, un refrain efficace, et des paroles touchantes et ouvertes. Elles sont sans doute bien plus faciles à avancer en 2024 que dans les précédentes décennie – bien qu’Armstrong ait été très clair sur sa bisexualité depuis 1996. Ici, c’est une question de justesse… mais surtout de marquer les générations pour qui Green Day sera avant tout Saviors.

Si l’intro est incroyablement proche de So What de P!nk, avec une ligne qui me fait aussi penser à Dis-Moi des BB Brunes, One Eyed Bastard est un titre qui prendra toute sa forme en live. Dilemma est une autre pépite ici. Un son vraiment 2004 avec une touche de modernité, et, principalement, un thème fort. Loin de s’apitoyer sur son sort, le groupe montre une envie d’avancer, de devenir meilleur. Évoquant les addictions à diverses substances, c’est un autoportrait saisissant, acéré, dramatique.

PETIT CREUX.

15 titres, c’est un peu long, alors c’était possible. 1981 est court, pleins de comparaisons à la guerre froide pas toujours des plus solides. Son refrain reste comme un hymne punk nostalgique aux guitares hurlantes. Mais c’est presque trop propre. Donc Goodnight Adeline suit. C’est le petit moment émo, pas aussi touchant que d’autres classiques, avec quelques idées opératiques. Coma City et Corvette Summer sont plus oubliables, malgré des répétitions bien trouvées et un air de road trip pour des paroles en mode musicothérapie. Enfin, Suzie Chapstick pose beaucoup de questions, sur un air romantique nostalgique, avec moins de tranchant. C’est plutôt pop-classique que pop-punk.

La mort de David Bowie devient un marqueur de l’avant et l’après sur Strange Days Are Here to Stay. Sans mettre le 10 janvier 2016 comme date exacte du changement, le groupe donne une piste. Chacun pourra alors choisir sa date dans l’histoire de la musique qui marque le tournant de ces jours étranges. Et Living in the ‘20s est une belle suite à cette idée. Le refrain s’ouvre sur Congratulations, best of luck and blessings (Félicitations, bonne chance, et prières), et le titre fini sur une voix hurlée qui caractérise plutôt bien un sentiment montant sur cette décennie déjà bien entamée.

Alors oui, c’est facile, mais, pour citer d’autres punks, la musique compliquée, c’est pour les gens qui ont des vies simples. Et le pop-punk n’a, à la base, pas prétention à être compliquée non plus. Simplement parfois un peu moins politique que son parent le punk, et plus coloré aussi, elle ne s’interdit pas d’explorer des sentiments universels. Et là, ça fait mouche. Plus en tout cas pour moi que le très beau et orchestral Father To A Son, qui résonnera beaucoup plus chez les parents. C’est le titre le plus élaboré et surprenant de l’album, et, s’il ne me prend pas aux tripes, j’en reconnais facilement l’intelligence musicale ici.

Cet immanquable chanson est suivie par le vif Saviors, qui donne donc son nom à l’album. Moins mordant que je ne le pensais, c’est un titre avec un bon cri de ralliement qui fonctionnera sans doute en live. Enfin, c’est la douceur de Fancy Sauce qui clôt l’album. Il dure 45 minutes. Dookie en faisait 38. American Idiot, en version Deluxe, 1h 05. C’est un bon compromis pour Saviors qui se veut passage entre les albums.

PARI RÉUSSI ?

Est-ce donc un pari réussi ? Alors que la galette rose néon, moucheté d’un vert tout aussi néon, fini de tourner sur ma platine, je me demande. Oui, certes, je retrouve des sonorités qui viennent des deux albums. Il y a quand même une prédominance pour le son American Idiot, pour être franche. Et ce n’est pas une surprise vu les albums qui lui ont succédé, restant souvent dans son ombre (comme le paquet de trois Uno, Dos, et Tré, sortis en 2012), ou essayant de le faire revivre, souvent sans le même succès (21st Century Breakdown, Revolution Radio, Fathers of All).

Dookie a eu le même effet sur ces successeurs, dont certains sont injustement oubliés (Warning, Insomniac, Nimrod), parce qu’ils n’ont pas le même impact. La musique, c’est une question de timing. Et le timing de Saviors n’est pas mauvais. Ce n’est pas Demolicious, compilations de démo du groupe sorti en 2014, qui aurait pu prétendre au titre de conclusion de la trilogie.

Après tout, Saviors arrive à l’aube de l’élection présidentielle américaine. Dookie a participé à la renaissance du punk californien, au moment de la mort de Kurt Cobain. Americain Idiot était une réaction viscérale aux conséquences du 11 septembre… La date marque, 30 ans après un énorme banger, 20 après un deuxième, 10 après un trou… C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Green Day s’en offre une belle avec Saviors.

En écoute : Bobby Sox


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