Quelques mots avec… matthew mayfield

Avec Prizefighter tout juste sorti de la presse, voilà l’occasion idéale pour moi d’échanger avec Matthew Mayfield. Processus créatif, fantômes, et rock’n’roll étaient au cœur de notre discussion. Interview.

PRIZEFIGHTER ET PROCESSUS

Unis Son : Prizefighter semble très personnel et très différent de Gun Shy, ton album précédent, qui était d’une certaine façon plus doux. Quel a été le processus d’écriture de Prizefighter?

Matthew Mayfield : Pour être honnête, il m’est comme tombé dessus. C’est la plus longue période que j’ai passée entre deux albums – cinq ans, je crois. Il y a eu la pandémie, des problèmes de budget et toutes sortes de changements… Le thème principal de l’album est de se relever, tout simplement. Après avoir été renversé par cette industrie pendant 21 ans, les chansons me sont un peu tombées dessus. Undertow, Fumes, Die in a Ghost Town… certaines étaient déjà là avant. Mais, probablement un mois ou deux avant que nous allions en studio, j’avais un tas de chansons que je pensais être nulles, et puis tout ce lot de bonnes chansons est juste venu à moi.

US : Oui, et dans Die in a Ghost Town, que je pense être l’une de mes préférées, tu demandes : do you believe in ghosts (croyez-vous aux fantômes) ? Il est maintenant temps de répondre à cette question : crois-tu aux fantômes ?

MM : Ouais, ouais! Bon, je n’en ai jamais vu. Mais j’ai fait un autre album, il y a des années intitulé A Banquet for Ghosts et je pense que ce sont les choses qui ne nous laissent pas tranquille. Les choses du passé. Même s’il s’agit de personnes sur cette planète et qui sont encore en vie. Je pense que ça hante plus que tout de devoir abandonner une relation ou abandonner quelque chose qui nous est cher. Ce sont les fantômes que je connais.

US: J’ai vu que tu as dit sur Instagram que « le rock and roll est toujours vivant mais pas bien portant ». Alors, que penses-tu du rock dans l’industrie musicale actuelle et de l’industrie en général ? Que voudrais-tu voir plus souvent ?

MM : Pour moi, le rock and roll n’est pas seulement un son, c’est une attitude. Mes héros sont principalement des artistes rock. Et je considère qu’on peut voir Johnny Cash et dire qu’il est aussi rock and roll que possible. Il n’a jamais vraiment pris une guitare électrique en main. Donc, c’est différent. Mais je pense qu’il y a une nature rebelle à ça. Et tout le monde suit les règles maintenant. J’ai fait un chapeau et ça a fait flipper certaines personnes parce que j’ai utilisé un chapeau rouge. Il disait « rendre le rock and roll dangereux à nouveau » (Make Rock’n’Roll Dangerous Again) et non « Rendre l’Amérique grande à nouveau » (Make America Great Again). Les gens ont flippé. Tout ce que j’essayais de dire, c’était « oui, vous allez paniquer, mais rendons le rock and roll dangereux à nouveau ». Le rendre fun de nouveau, tu vois.

Il y a quelque chose dans le rock maintenant qui est tellement doux et tout le monde marche constamment sur des œufs. Et c’est pas le rock and roll avec lequel j’ai grandi. C’est pas l’âme que j’ai. Je ne suis pas une méchante personne du tout. Quand on voit un groupe de rock and roll comme Queens of the Stone Age ou Foo Fighters de nos jours, ils sont géniaux.

Ils sont incroyables. Mais on n’en voit pas assez. Et ce sont principalement des groupes de catalogue. Ce sont tous des groupes qui ont des hits. Mais on a rarement des batteries, des basses, quelques guitares et un chanteur qui font leur truc. C’est rare dans mon monde. Il y a beaucoup de grands groupes de rock and roll. Mais pour moi, je pense que nous avons perdu une partie de cet esprit en cours de route. J’essaie de le ramener.

ROCK SOULS

US : Je pense qu’on sera surpris dans les années à venir parce que ça semble revenir, renaître, en tout cas pour moi et de mon point de vue non-créatif.

MM : Je suis totalement d’accord avec ça, à 100%. Et je pense que ça revient. C’est comme, je veux dire, la musique c’est des cycles, tu vois. Je veux être au sommet de la vague quand elle commencera à déferler sur la scène pop. Ça va arriver. Ce sera une sorte de renaissance, une rétribution. Et j’aimerais être au sommet de cette vague quand elle déferlera. Je ne suis pas un snob mais il y a des choses que j’aimerais voir disparaître, je suppose. Je ne pense pas être le seul à le penser.

Mais je pense qu’être une âme rock, c’est quelque chose d’inné. C’est quelque chose que j’ai toujours aimé, quelque chose qui m’a toujours complètement fasciné, et fait constamment essayer de prendre cette guitare électrique. Je suis d’abord un guitariste, ensuite un auteur-compositeur et un chanteur parce que je dois l’être. J’ai écrit les chansons et il n’y a personne d’autre pour les chanter. J’adore les guitares sales et les concerts dans les arènes et beaucoup de mes groupes préférés ont juste une témérité en eux qui me fait penser que tout le monde la joue un peu trop gentil en ce moment.

EN ÉCOUTE : DIE IN A GHOST TOWN

Et je ne veux pas dire qu’il faut être un connard avec vos fans ou Axl Rose, tu vois ce que je veux dire? J’adore Guns and Roses, le prend pas mal, Axl si tu écoutes. Ou Liam Gallagher. J’adore Liam. Je pense qu’il est incroyable. Les gens disent que c’est un connard. Je m’en fout. On fait plus de rock stars comme avant. Ce type est une rock star. Il y a des aspects de ça qui sont vraiment agaçantes. Et il y a des aspects qui sont la magie nécessaire. Si Noel se pointe et commence à chanter toutes les chansons d’Oasis, tout le monde s’en tape.

Il y a une raison qui fait que Liam doit être ce genre de mec, tu vois? Cette querelle et l’attitude de Liam de se ficher de tout… J’adore ça. Ça peut sembler arrogant, bien sûr. Mais il semble avoir un sens de l’humour à propos de ce qu’il était. Il parle des mêmes choses dont je parle, c’est-à-dire des trucs rock and roll. Donc je ne joue certainement pas dans des stades comme lui. Mais je pense que nous sommes fait du même bois, dans une certaine mesure. Je ne me bats juste pas autant.

Prizefighter - Matthew Mayfield

US : Et en parlant de groupes et de recommandations, as-tu des recommandations ou des inspirations que tu aimerais que les gens écoutent ?

MM : Oh oui ! La liste est longue. Je suis d’abord un fan avant d’être un artiste. Il se passe des choses en Alabama qui sont vraiment belles. Jason Isbell et The 400 Unit sont vraiment géniaux. Mon ami John Paul White est super. Il était dans ce groupe The Civil Wars avec Troy Williams. Et ils ont une nature poétique Americana très honnête. Et puis certaines des choses de catalogue que j’ai écoutées, c’est le bordel.

J’ai envoyé une playlist l’autre jour à quelqu’un qui m’a demandé. Il m’a dit « mec, qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? » Il y avait Fleetwood Mac puis Pearl Jam puis Jason Isbell avec une chanson intitulée Speed Trap Town. Et ensuite, il y avait Crossfire de Brandon Flowers. J’adore les mélodies cools. C’est vraiment mon truc. Ce qui me fascine le plus dans la musique, c’est quand elle reste. On a l’impression d’avoir tapé dans une sorte de magie.

RETOUR SUR LE RING

US : Alors, quelle est la suite ? Une tournée ? Des projets de nouvelle musique ?

MM : Ouais, je vais certainement jouer cet album en live. Ce ne sera probablement pas avant la fin de l’été-début de l’automne juste à cause de certains problèmes de booking. Le classique, bienvenue dans le business de la musique. C’est toujours des hauts et des bas, je suppose. Mais je veux vraiment jouer ces morceaux en live. Je n’en ai peut-être joué qu’un ou deux titres lors de concerts. Il n’y a pas une chanson sur cet album que je ne voudrais pas jouer en live. L’album est si frais. On avait quelques vidéastes vraiment géniaux dans le studio, tout le temps pour chaque chanson. Donc, on publie du contenu vidéo tout le temps à partir des sessions et Die in a Ghost Town est la dernière en date.

Et puis il y a une chanson appelée Monsters. C’est une sorte de morceau profond, juste moi et une guitare et Paul Moak le producteur juste aux claviers à côté de moi. C’est un truc en une seule prise. Je l’ai mis à la piste six parce que c’est le début de la face B.

Je veux vraiment continuer à sortir ces chansons. En tant qu’artiste qui a fait beaucoup d’albums, il y a beaucoup de chansons que j’évite un peu. Qui pourraient être meilleures. Mais dans cet album? Je n’en ai aucune. Tu vois, je pense que chaque titre pourrait être un single en soi et c’est le meilleur sentiment au monde en tant qu’artiste. Il n’y a pas de remplissage, mais je suis peut-être la seule personne à le penser.

EN ÉCOUTE : BELLE OF THE BALL

Ensuite oui, j’écris toujours. Même si c’est nul. Je vis dans un petit appart’ de deux chambres, rien de spécial, mais dans la deuxième chambre, pendant la pandémie je me sentais comme Picsou avec la machine à écrire et juste comme ‘ah, mais c’est nul’. Et je le jette par-dessus la tête. J’écris généralement tout à la main mais cette fois, j’ai fait ça et j’ai laissé le tout sur le sol. Et puis j’y suis revenu quand j’étais prêt, je savais que j’avais quelque chose de spécial. Et ces morceaux de papier sont ceux qui m’ont donné les lignes dont j’avais besoin.

J’étais vraiment comme ‘nan, c’est vraiment nul. Je ne veux rien avoir à faire avec ça. Je le jette dans le coin‘. Et puis tu y vas et tu le déplies, tu regardes et tu te dis eh mec, ce sont les deux lignes dont j’avais besoin pour cette chanson‘. Donc c’est juste comme ça que j’écris. J’aime ça, c’est ma partie préférée. L’écriture en studio est ma partie préférée mais ça me manque vraiment beaucoup de jouer en live pour les gens. Donc je suis excité de revenir sur le ring.

DOUX SOUVENIRS

US : C’est la dernière question : quel est votre premier souvenir musical ?

MM : Ooh. Alors… J’ai grandi dans une maison où je partageais la même chambre avec mon frère, sur des lits superposés et j’étais sur le lit du bas. Mon père jouait de la guitare tout le temps et il a une belle voix. Il ne le dirait jamais. Mais il a une belle voix. Très bon guitariste, vraiment bon. Il m’a montré mes premiers accords quand j’étais petit. Mais quand j’avais cinq ou six ans, je pouvais l’entendre jouer Neil Young, Old Man, Blackbird des Beatles ou Sweet Baby James de James Taylor, beaucoup de trucs folk sur cette vieille Martin HD 28 de 76 que j’ai actuellement à côté de moi pendant que je parle – nous avons échangé. Je lui en ai offert une pour la fête des pères et il m’a donné celle-là.

Donc juste l’entendre chanter à travers ces murs fins, je pleurais. Je veux dire, je pleurais à torrent et je n’avais aucune idée de ce qu’il chantait. À cet âge, tu sais pas. On n’a aucune idée de ce que Blackbird signifie… mais le son, c’était quelque chose qui me faisait pleurer à chaudes larmes. Et si ma mère ou quelqu’un entrait dans la pièce et disait ‘qu’est-ce qui ne va pas ?‘ je répondais ‘je sais pas’. Je ne suis pas sûr, mais je pense que c’est le pouvoir de la mélodie. Même si tu comprends pas les paroles et que tu es un petit garçon dans son lit superposé, le pouvoir de la musique est là. Parce que je ne pleurais pour aucune autre raison que le son.

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Il y a une raison pour laquelle la musique est un langage universel, aussi cliché que cela puisse paraître, je pense que c’est honnête. Il y a des enfants que je vois aux concerts qui sont jeunes. Ils viennent avec leurs parents et ils ne savent pas de quoi je parle. Ils savent que je chante et que c’est sincère. Je donne une performance passionnée et convaincue et ils peuvent l’entendre. On peut le voir dans leurs yeux et parfois on peut le voir derrière leurs yeux. Je pense qu’il y a quelque chose qui résonne, ça réveille un truc en eux et j’adore ça. Parce que je reconnais mon jeune moi en eux.

Tout ce que je veux, c’est m’assurer que la prochaine génération qui arrive sache qu’ils n’ont pas à s’excuser pour leur style, quels que soient leurs sentiments, ce qu’ils veulent chanter. Ils en ont le droit. Je suis très reconnaissant de voir ça. C’est juste amusant de voir les gens s’illuminer comme je le faisais.

Je tiens à remercier Matthew Mayfield d’avoir pris le temps de discuter avec moi de ces merveilleux thèmes et Caroline pour avoir rendu cette conversation possible. Prizefighter est disponible sur toutes les plateformes.


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📷MATTHEW MAYFIELD
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