Dirt
Sony International
Sortie : Octobre 1992
Quelle meilleure entrée en matière pouvait bien trouver Alice in Chains que ce “Them Bones” pour ouvrir l’album qui devait les placer à tout jamais au panthéon des groupes de Seattle ? Un cri plaintif mais agressif, un riff imparable (comme tous ceux de l’album d’ailleurs, qui viendra confirmer a tous ceux qui en doute qu’avec Kim Tahyil de Soundgarden, Jerry Cantrell est définitivement le guitar hero de ce qu’on n’appelle pas encore le grunge).
Tout en lourdeur sautillante, “Damn That River” vient enfoncer le clou, diablement évident d’efficacité, avant que le tordu “Rain When I Die” calme un peu les choses de son rythme hypnotisant et son refrain gorge de rage contenue. Préciser que depuis CSNY on n’a rarement connu pareille complémentarité entre les voix des 2 chanteurs Layne Staley, trop tôt disparu et, donc Jerry Cantrell qui non content d’être un guitariste au feeling inhumain n’en est pas moins un excellent chanteur.
Dirt, tout en lourdeur poisseuse, douleur moite et frustration paralysante et même s’il s’écoute d’un bloc, est un album incroyablement varié, il suffit, pour s’en convaincre de jeter une oreille à “Sickman”, qui compile en un titre autant d’idées que l’intégrale de… ouais non, je ne vais citer personne, ce serait trop long.
Donc oui, le ciel est gris et plombe au pays d’Alice, “what the difference i’ll die“, le climat de Seattle sans doute… ou la fatale addiction opiacée de Layne. Et pourtant, cette noirceur porte en elle une dynamique métal sans doute héritée des débuts “glam” du groupe, début qui lui vaudront d’être regarde avec mépris par les autoproclamés gardiens du temple grunge, mais vous reconnaître avec moi qu’on s’en moque comme de notre première chemise de bucheron canadien, qu’Alice soit grunge ou pas, quelle importance? Alice in Chains sera toujours, toutes modes passées, l’un des groupe majeur du métal des 90s. Un “Would”, un “Down in a Hole” ou le superbe hommage de Jerry Cantrell a son père, soldat au Vietnam, “Rooster,” avec leur chant hallucine, leurs soli inspirés dont les riffs déferlent et se superposent les uns sur les autres, comme les vagues venant s’échouer sur la plage de Saigon (ya une plage a Saigon ? Bah.. j’sais pas trop, et j’ai ni le temps ni l’envie d’aller me plonger dans un Atlas, vous croyez vraiment que les américains se soucient de ce genre de considérations géographiques ? Non mais…).
Presque 20 ans après sa parution, cet album n’a pas pris une ride, tous les titres défilent comme une longue plongée en apnée dans la boue ou toute remontée vers surfaces est immanquablement sanctionnée par une nouvelle vague visqueuse crachée par l’hydre a 2 têtes que forment Stanley et Cantrell et pourtant chaque solo laisse entrevoir une lueur au bout de ce tunnel asphyxiant, un espoir auquel se raccrocher, mais la main hésitant dérape, glisse et nous replonge dans les abymes.
Un tel traitement devrait venir a bout des plus coriaces et pourtant on en redemande, tant et si bien que, tel le phœnix, Alice renait de ses cendres aujourd’hui avec un très réussi nouvel album, comme si de rien n’était…même pas mal…même pas mort!
Matez le clip du titre “Rooster” :
Matez le clip du titre “Would” :