Before I self Destruct
Interscope/Polydor/Universal
Sortie : Novembre 2009
Que de chemin parcouru depuis ces fameuses «9 balles dans le corps» qui laissèrent Curtis Jackson (alias 50 Cent) pour mort dans une ruelle du Queens ! L’indestructible rappeur a depuis vendu des dizaines de millions de disques, raflé quelques Grammy Awards pour mettre au-dessus de sa cheminée, et goûté à un succès déclinant un peu plus à chaque album.. Son dernier opus, Before I Self Destruct, aurait-il un titre prémonitoire ?
Depuis les ventes semi-déprimantes de son dernier album, Curtis (en 2007), vendu à seulement 4 millions d’exemplaires (!), 50 Cent s’est fait relativement discret comparé à d’habitude.. du temps où il vendait 12 millions d’albums et cherchait des noises à Fat Joe et Rick Ross pour attirer l’attention des médias et soutirer l’oseille d’un public ne sachant pas par quelle fenêtre jeter son argent de poche. Mais aujourd’hui, la donne a changé… les temps sont devenus difficiles pour tout le monde, y compris pour les chiffres des ventes de 50 Cent, ce qui n’a décidément pas le don de le mettre de bon poil…
Sur son nouvel album, Before I Self-Destruct, on sent que le désespoir du rappeur est bien réel lorsqu’on réalise que, dans une veine tentative de renouer avec l’énergie de son dernier album, il en est réduit à recycler des échantillons de “I Get Money”, sur l’insupportable «ballade», “Baby By Me” ; un genre de radeau de la méduse que même Ne-Yo en featuring ne parvient pas à sauver du naufrage. 50 tourne visiblement en rond dans sa luxueuse propriété du Connecticut et le manque d’inspiration se fait cruellement sentir, notamment au niveau des attaques verbales… décidemment, sa dent dure semble s’être émoussée au contact des couverts en argent. Même les traditionnelles moqueries contre ses boucs émissaires attitrés (The Game et Young Buck) ont perdu de leur mordant sur “So Disrespectful”, et bien que son exercice de style soit plus audacieux que sur la plupart des titres de l’album, Curtis, 50 ne parvient pas à atteindre les sommets de férocité de ses anciennes diss tracks (comme “Wanksta” et “Back Down”)…. Car si les cinq ou six premiers titres du disque réussissent à tenir l’auditeur en haleine, c’est tout juste si l’on ne baille pas à se décrocher la mâchoire sur les derniers morceaux. Le flow laborieux sur “Get It Hot”, la platitude des beats de “Ok, You’re Right”, le manque d’imagination des paroles et le côté «cul-cul la praline» des arrangements vaguement r’n’b sur, “Could’ve Been You”, donnent presque envie de se jeter par la fenêtre histoire de tromper l’ennui mortel qui nous gagne.
Pourtant, 50 demeure irréfutablement 50 ; un personnage exempt de romantisme, hargneux, vindicatif, et consumé par l’idée d’en mettre plein la tronche à quiconque a le malheur de se trouver dans son collimateur (Jay-Z, Lil Wayne, Les commentateurs de YouTube… les cibles ne manquent pas). Même ses proches en prennent pour leur grade, notamment son ex, Shaniqua Tompkins, sur laquelle il déverse son fiel sur le morceau bilieux, “Do You Think About Me”, l’enjoignant d’empocher sa pension alimentaire et de lui foutre la paix.
Cette attitude haineuse et son mauvais caractère ne sont sans doute pas étrangers au fait que le rappeur soit de plus en plus isolé de ses pairs, notamment des artistes pop qui désormais le fuient comme la peste, et ce n’est sûrement pas par hasard si seulement trois autres rappeurs (Eminem, Ne-Yo et R. Kelly) apparaissent au cours des 16 pistes de Before I Self-Destruct.
Si les malheurs de la vie du ghetto avaient façonné la tchatche explosive de 50 Cent, la richesse et la gloire ont vraisemblablement pissé sur le feu sacré du bad boy.