Un nouveau son.. COLOSSAL !
Le «freak» de samples converti, depuis quelques années déjà, aux joies des vibrations «organiques» des instruments live, a passé la dernière décennie à explorer son potentiel de «bidouilleur», et ses deux dernières années à exploiter son potentiel de (vrai) musicien. Avec son «colossal» quatrième opus, The Colossus, Ramble John Krohn (mais appelez-le ; RJ2D) gagne ses galons de producteur ET de musicien à parts entières.
Pour sa nouvelle livraison définitivement «all over the place», The Colossus, RJ2D a vraisemblablement jeté à la poubelle le manuel du «parfait petit bidouilleur» pour laisser libre cours à ses talents de musicien/chanteur. Samples, instruments et vocaux assurés (par lui, et par d’autres), The Colossus est peut-être «un petit pas dans l’histoire de l’électro», mais assurément «un pas de géant dans la carrière de RJ2D».
Question : Dans ton petit topo auto-biographique tu disais qu’en 1999, tu faisais juste des petits beats dans ta chambre dans l’espoir de les sortir sur un petit label indépendant… Est-ce qu’à cette époque tu imaginais qu’un jour tu possèderais ton propre studio, ton propre label indépendant, et qu’au lieu de conduire une demi-heure pour aller jouer à 10 pâtés de maison de chez toi, tu prendrais l’avion pendant 10 heures pour aller jouer à l’autre bout du monde ?
RJD2 : Pas du tout… Mais c’est parce que je n’aime pas être déçu, et par conséquent, je ne tire jamais des plans sur la comète. Ma philosophie de vie est de toujours «s’attendre au pire, mais espérer le meilleur» (expect the worst, hope for the best). En fait, c’est tout simplement une série de décisions et d’opportunités qui m’ont amené là où j’en suis aujourd’hui.. et je suis évidemment ravi que les choses aient tournées de cette façon.
Q : J’imagine qu’après avoir passé deux ans en tournée, ça doit faire bizarre de revenir à une « vie normale », au calme et à « l’isolement » du travail en studio… Est-ce que la transition entre ces deux modes de vie radicalement différents n’est pas trop brutale ?
RJD2 : Si, la transition peut être assez rude parfois. Mais je m’arrange souvent pour avoir des dates pendant le week-end.. du coup, même quand je ne suis pas en tournée, je continue à faire des concerts, mais sans le groupe, donc c’est «moins de la folie» (its not so crazy). Par ailleurs, le calme et l’isolement sont des phases essentielles, surtout quand tu fais un album, parce qu’il faut te mettre dans un groove particulier, et que c’est beaucoup plus facile à faire lorsque tu restes tranquille à la maison pendant un certain temps.
Q : Ce disque est le premier album que tu sors sur ton propre label, Electrical Connections. J’imagine que ça doit être extrêmement excitant, mais en même temps très stressant.. parce que les enjeux sont différents à présent !
RJD2 : EXACTLY ! Mais c’est cool, ça m’excite beaucoup. J’ai 6 vidéos en préparation, donc tout va super bien pour l’instant… et même si c’est pas mal de stress, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de me dire que j’avais pris la bonne décision.
Q : Il n’y avait aucun guest sur ton album précédent, The Third Hand, alors que sur celui-ci, tu as voulu qu’il y ait le plus de collaborations possible… Qu’est-ce qui t’a motivé à passer d’un extrême à l’autre, et était-ce difficile de travailler avec autant de monde ?
RJD2 : Je me suis juste dit que ce serait une façon « fun » et surprenante de « formater » l’album, et visiblement je n’avais pas tort puisque ça t’a assez interpellée pour que tu me poses la question. Par ailleurs, je sais qu’en tant que musicien et producteur, il y a des textures, des progressions de cordes et des vibes vers lesquelles je suis naturellement enclin à me diriger… donc j’ai pensé que le fait d’avoir plein de guests aiderait à créer une expérience unique, autant pour moi que pour l’auditeur. Il est évident que ça n’a pas été simple de travailler avec tant de monde.. mais en même temps, je leur apportais des chansons déjà toutes faites (entièrement écrites et pré-maquettées), donc ça n’a pas été aussi difficile que ça aurait pu l’être… si j’avais dû attendre qu’ils écrivent eux-mêmes les chansons et qu’ils les enregistrent, là ce serait devenu tout de suite beaucoup plus dur !
Q : Peux-tu nous parler de ton choix des différents guests vocaux (Phonte Coleman, Kenna, The Catalyst, Aaron Livingston, Illogic) ; comment as-tu procédé pour trouver «la bonne personne» pour «la bonne chanson» ?
RJD2 : Comme je te l’expliquais, chaque titre a été entièrement maquetté. Si j’étais content du résultat et que la performance me satisfaisait à 100%, je ne touchais plus à rien. Mais si ce n’était pas le cas, alors je passais mentalement en revue toutes les personnes que j’aime beaucoup et que je voyais bien sur le morceau. Ceci dit, le choix n’a pas toujours été simple… Par exemple, pour le titre “A son ‘s Cycle”, j’avais une idée bien précise de la façon dont le titre devait sonner, et ça a pris plusieurs essais avec différents MCs pour trouver ceux qui exécutaient le titre correctement.
Q : Tu chantes beaucoup plus sur cet album que sur tous tes précédents ; est-ce un «exercice» que tu apprécies de plus en plus, et te considères-tu comme un «chanteur» ?
RJD2 : Personnellement, je trouve que je chante beaucoup mieux sur cet album que sur les autres. J’aime chanter lorsque ça vient facilement et correctement.. et lorsque ce n’est pas le cas, je m’abstiens. Je me considère comme un Producteur prêt à s’investir à fond dans un album (willing to jump into a record with both feet), et si cela implique devoir chanter par-ci par-là, ou ne PAS chanter du tout, eh bien, «ainsi soit-il» (so be it).
Q : Sur cet album tu fais également tes débuts en tant que batteur (“Games You Can Win”, “The Shining Path”, “Tin Flower”, “Gypsy Caravan”, “Walk With Me”) ; est-ce que tu songeais à t’installer derrières les fûts depuis longtemps ?
RJD2 : Oh yes ! J’ADORE jouer de la batterie. En fait, je pense même que quiconque n’aime pas jouer de la batterie a un sérieux problème et n’est pas digne de confiance
Q : En termes de sonorités, cet album est de loin le plus «foisonnant» et varié que tu aies créé jusqu’à présent ; comment as-tu réussi à donner une cohérence à l’ensemble ?
RJD2 : Encore une fois, je pense que cela vient du fait que n’importe quel musicien ou producteur a certaines tendances qui vont rayonner sur son travail quelque soit la direction artistique qu’il va prendre. Personnellement, il y a certaines choses que j’aime particulièrement en matière de rythmes, de progression de cordes ou de structures de chansons, que ce soit fait avec des samples ou complètement live. Donc je laisse simplement ces choses cimenter l’album, et à partir de là, j’essaie d’expérimenter autant que possible.
Q : Dernière question ; tu as participé à un livre de recettes (!) et semble être plutôt calé en matière de «bonnes vieilles recettes maison» ; est-ce qu’une tarte aux pommes/noix/raisins est bien plus dure à faire qu’un fondant au chocolat ?
RJD2 : Oh man, je n’ai jamais fait de fondants au chocolat ! D’ailleurs je ne suis pas du tout un expert en matière de gâteaux. Les tartes sont très faciles pour moi parce que j’en fais souvent. Avec un bon mixeur, la pâte est super facile à faire, puis le reste n’est que du remplissage.. et voilà, c’est fait ! Mais faire des gâteaux c’est comme de la chimie ; c’est scientifique et tout (it’s all scientific and shit). Un jour peut-être….
The Colossus (Electrical Connections). Sortie : Janvier 2010