Imperium Dekadenz
Season of Mist / Underground Activists
Sortie : Janvier 2010
Une intro au piano, mélancolique mais charmeuse, un peu tristounette, puis surgit un mur de grattes aux élans franchement épiques avant que la voix possédée d’Horaz viennent se noyer dans le riff faisant songer au meilleur d’un Isis énervé. Souffrance, tristesse et abandon ; voilà de quoi semble être fait le quotidien de notre duo germanique multi-instrumentiste. Puis l’orage s’éloigne quelque peu sur un final en arpèges acoustiques.
Reculer pour mieux sauter dites-vous ? Sans aucun doute, car, à peine le second titre terminé, c’est aux 10 minutes du colossal (comment peut-il en être autrement venant d’un groupe allemand) “A Million Moons” qu’il faut se frotter, et là on parle vraiment de monument.
Évidemment, double grosse caisse à tous les étages, mur de gratte épais comme un bunker et ce chant déchirant sans être inutilement suraiguë, les hostilités commencent plutôt sévèrement mais le groupe est assez futé pour savoir ménager quelques pauses bienvenues au piano et à l’acoustique avant de repartir vers de folles chevauchées hurlantes… Et l’auditeur pantois et peu familier de ce genre de musique de se demander : alors c’est çà de l’intelligent black metal ? c’est très loin d’être aussi horrible que ce que le nom pourrait laisser à penser. Même le chant, plutôt abrasif, trouve sa place au milieu des riffs bouillonnants. Les rythmes sont variés et, même les plus «speed» restent parfaitement suivables (à l’oreille j’entends, parce que pour ce qui est de les reproduire sur sa batterie de cuisine…n’est pas Vespasian (le batteur donc, à l’étrange pseudo qui sent bon le goût de chiot) qui veut.
Pour le néophyte que je suis, on pense immanquablement à Isis, à Paradise Lost, pour la dimension épique, les changements d’ambiances, la maîtrise technique des deux protagonistes, mais il y a bien plus encore que ces références métal.
Par exemple le très justement nommé, “A La Nuit Tombante”, tout acoustique n’a que peu à voir avec le genre précité., ouvrant en douceur le second morceau de choix de cet album qui n’en manque pas, “An Autumn Serenade”. Sérénade, sérénade, entendons-nous bien, c’est toujours la scansion désespérée d’Horaz qui vient se mêler aux grattes, qu’on pourrait croire empruntés aux Thugs, qui arrive immédiatement après, puis le tempo se fait plus… «aérien» (impossible de dire léger, alors faut trouver quelque chose d’approchant) avant de se calmer tout à fait pour revenir en terre acoustiques à mi morceau.
La suite est un décollage imparable, triste mais puissant, épique donc comme l’est tout l’album.
Au milieu des cadavres et des ruines, le héros, qui vient de perdre son meilleur ami dans la bataille, aperçoit au loin sa sœur qui ne sait encore rien de la fin tragique de son aimé et court vers elle oscillant entre fureur, rage, tristesse et impuissance… la musique d’Imperium Dekadenz est la bande son idéale de ce final de péplum, genre cher au groupe qui revendique ouvertement sa passion pour l’empire romain et ses vespasiennes. Ne pouvant supporter plus longtemps l’idée de déchirer le cœur de sa sœur bien aimée, notre héros tombe à genoux et hurle de douleur, ivre d’une vengeance qu’il semble assouvir sur “Ocean Mountains Mirror”.
On pourrait sans mal poursuivre l’histoire avec les derniers titres, mais vous l’aurez compris, même pour ceux qui ne goûtent que très modérément le death, black ou le dark métal, cet album se défie des étiquettes pour proposer une musique pleine de puissance et d’une beauté froide mais addictive.
Le son des légions romaines en marche reproduit par deux petits teutons.
Tout simplement fascinant.