200 Tons of Bad Luck
Invada
Sortie : Mai 2009
Ami ornithologue, tu en conviendras facilement, il est extrêmement rare, pour ne pas dire que c’est jamais arrivé, d’observer, à l’état sauvage, un Pelican en train de se faire un Flamand Rose. Et pourtant, je te l’affirme bien haut, ça existe ! La preuve ? Crippled Black Phoenix, avant de renaître sur chaque morceau des cendres qu’il a préalablement semé, est issu de pareille union contre nature.
On le sait, si, contrairement à l’albatros, ses ailes de géant ne l’empêchent pas de voler, le Pelican, par ses velléités à plomber, autant que faire se peut, son post-rock instrumental a beaucoup de mal à croiser aux mêmes altitudes que son rose congénère, lequel se plait dans les envolées de guitares aériennes, les mélodies doucement mélancoliques et autres décollages à la verticale dont le seul but est de se rapprocher sans cesse un peu plus du soleil sans pour autant s’y bruler les ailes.
Ouvert par un chœur comme on n’en avait plus entendu depuis le “Sky Blue” de Peter Gabriel, empreint d’une grave sérénité virile, posé sur une confortable couche de piano/grattes en planning et une batterie virtuose que l’on ne quittera plus des oreilles tout au long de200 Tons of Bad Luck.
Suit alors un interlude “fête foraine” qui n’est pas sans rappeler le titre “gag” de Tool sur Aenima (pause que l’on retrouvera plus tard dans l’album avec “A Real Bronx Cheer”), avant que ne débute un inédit à peine alourdi d’”Animals”, en tout cas on le jugerait tant ce “Rise Up And Fight” nous parait familier, même le chant se fait gilmourien. Imperceptiblement le morceau se durcit à l’ombre d’improbables bip-bips électro vintages.
L’ombre du Pelican recouvre peu à peu les frêles pattes de notre ami rose qui livre pourtant une fière bataille à coup de mélodies vocales imparables et puis… le silence, un cœur qui bat, quelques consignes vous rappelant qu’il ne faut jamais prendre pour argent comptant ce que les gens peuvent vous dire et qu’il faut avant tout croire en vous, le tout sur une calme musique mystique, autre interlude poignant de l’album. On le disait mort mais le flamand rose a su faire siens les précieux conseils et, peu à peu, tout au long des quelques 18 minutes de ” Time Of Ye Life\Born For Nothing\Paranoid Arm Of Narcoleptic Empire”, il renait (oui de ses cendres, évidemment, au cas où vous vous seriez perdus en cours de route, le groupe s’appelle quand même Crippled Black Phoenix).
Si cela a un sens, on trouvera à “Whissendine” un côté plus “pop” permettant encore une fois de rester pantois devant le jeu du batteur, avant que notre petit flamand n’essuye un nouvel assaut orientalisant un peu “à la” Robert Plant solo.
La seule chose qui puisse peut-être être reproché à l’album est sa longueur, et le groupe n’échappe parfois pas à l’écueil du remplissage. On pourra ainsi déplorer certains titres plus orientés musique de mélo vietnamien larmoyant comme “Wendigo”, expérimentations glaciales pour gratte sèche et piano sur fond de nappes Picard (”Crossing The Bar”), ou le retour de chœurs (mixtes cette fois) moins réussis sur “A Hymn For A Lost Soul”.
Au milieu des Byrds, Pigeonhead, Hawkwind, Thunderbirds et autres Black Crowes, aucun doute que ce Phoenix-là trouvera une place durable dans votre volière.