The Music Scene
Ninja Tune/Ping Pong
Sortie : Janvier 2010
Blockhead est comme un grand cru ; il est déjà bon à la base, et en plus il se bonifie en prenant de l’âge. Loin d’avoir un goût de bouchon ou de se madériser en prenant de la bouteille, ses productions tanniques n’ont, au fil des ans, jamais cessé de s’affiner, s’affirmer, de s’épanouir en un savoureux mélange de hip-hop underground et trip-hop instrumental, astringent, capiteux, charnu, riche et complexe. Une potion à consommer sans modération, et garantie sans risque de gueule de bois au réveil.
Le new-yorkais, Anthony Simon (aka Blockhead), est avant tout connu (et reconnu) pour ses innombrables productions hip-hop, notamment pour la plupart des artistes du label, Def Jux. Outre s’être illustré aux manettes des albums de Aesop Rock, Slug et Mike Ladd, le producteur de Manhattan s’est, depuis quelques années, fait également remarquer par les amateurs de hip-hop cinématique et les amoureux du mythique Endtroducing de DJ Shadow, avec sa première galette, Music by Cavelight (2004).
Six ans et deux albums plus tard, Blockhead ressort aujourd’hui de sa caverne armé d’une nouvelle mouture riche en arômes, et dont toutes les qualités se combinent avec subtilité et harmonie.
The Music Scene raconte des histoires sans mots et embarque l’auditeur dans des «trips-hop» hypnotiques où l’accumulation de couches sonores crée une atmosphère dense et mystique.
Dès le titre d’ouverture, “It’s Raining Clouds”, où l’ambiance downtempo classique évolue progressivement, aux rythmes de beats soutenus, en un voyage quasi transcendantal, il paraît évident que Blockhead ait opté pour une approche cinématique des parties instrumentales et qu’il a porté (comme d’habitude) une attention particulière aux petits détails «qui tuent»… puisque, en vérité, ce sont bien souvent les petits détails qui font les grandes tracks.
Introduisant à loisir des sons étranges qui viennent court-circuiter (de façon incongrue, semble t-il de prime abord, mais en réalité, de façon très calculée) le flot continu de morceaux de pur downtempo planant, et superposant couches instrumentales (”Wich One Of You Jerks Drank My Arnold Palmer ?”, “Farewell Spaceman”), beats électro en courant alternatif (”It’s Raining Clouds”), loops de chants tribaux (”Tricky Turtle”, “The Prettiest Sea Slug”) et samples de dialogues de films (”Hell Camp”, “The Daily Routine” – incontestablement LA «killer track» de l’album), Blockhead nous prouve une fois de plus (au cas où certains en douteraient encore) qu’il a un talent inné pour ériger des monuments sonores inattaquables aux allures de châteaux de cartes.
Dark et lumineux, harmonieux et distordu, The Music Scene appuie sur tous les boutons de la boîte de contrôle des émotions humaines…
Un album indispensable, tout simplement.