La “dominatrice attitude”
Le troisième album de la chanteuse Californienne est rock, tendance très électronique.
La diva baroque mystico-dominatrice nous offre 14 chansons laissant libre cours à l’imaginaire et à l’exaltation de la découverte, le tout épaulé par Henry Hirsch (mixeur de la réédition anniversaire du Let Love Rule de Lenny Kravitz).
Rencontre avec la miss Roché dans le mytique Hôtel du Nord (immortalisé par le cinéaste Marcel Carné).
Question : On t’a connue tendance jazz (The Chase), puis tendance psyché-pop (Takes), et cette fois-ci, tendance rock garage… quelle évolution !
Brisa Roché : Mon évolution musicale vient de mon évolution de vie. Est-ce que vous écoutez les mêmes disques en boucle aujourd’hui comme il y a trois ans ? Je ne pense pas. Les artistes sont comme tout le monde, ils ont envie de faire des choses par rapport au moment, au vécu et à son écoute du monde et des autres. Il y a beaucoup de paramètres qui forment le son d’un projet : des contraintes techniques, financières et tout simplement de timing. Ce n’est pas uniquement le goût et le rêve qui définissent ce que l’on fait. Les moyens aussi.
Question : Tu as constitué un vrai “band” pour la conception et l’enregistrement de cet album. Ces musiciens étaient ceux de ta tournée du précédent album, Takes…
Brisa Roché : En période de création, j’ai pris un risque en voulant composer en groupe. Nous n’avions jamais tenté l’écriture de morceaux ensemble. Nous sommes partis d’une base d’improvisation, mais notre complicité et notre symbiose nous ont facilité la tâche. Moi, je voulais plaire au groupe et le groupe voulait me plaire. On s’est mis beaucoup de pression, mais elle a été très fructueuse.
Question : Comment fait-on pour travailler en groupe ?
Brisa Roché : J’ai instauré une ambiance d’éloignement pour ne pas être influencés par le monde extérieur, pour éviter tout jugement sur la musique que nous jouions. J’ai préparé des textes très stucturés, niveau syllabes, rythmes, rimes, couplets, refrains et ponts. Tout était défini très fortement. Je me suis mise au centre du groupe et chacun apportait ses idées par rapport à des phrases que je disais. Par un processus un peu long à expliquer, il y avait au départ une cacophonie inaudible qui peu à peu s’est transformée en mroceaux aux mélodies tout à fait abouties. Je voulais du spontané, de la fraîcheur, et surtout cristalliser le rendu des uns et des autres. C’était fulgurant et très organique. En six jours, on a écrit 23 morceaux.
Question : Il paraît que tu n’es pas patiente… Comment était l’ambiance ?
Brisa Roché : Mon groupe sait que je l’aime. Il sait que je peux parfois parler très vite et sans y mettre le ton approprié… Cela peut paraître cassant parfois… Si je veux paraître dure, ça passe parce que l’on se connaît bien… heureusement ! (rires)
Question : As-tu essayé de garder l’esprit de tes maquettes initiales ?
Brisa Roché : Oui, le plus possible. On a tout enregistré sur bande, tanpis si un musicien loupait sa prestation. La perfection numérique, très accessible aujourd’hui, n’était pas le but de la manoeuvre. Je voulais juste garder la prise qui avait le plus d’émotion et de vibrations. Même si le résultat me satisfait bien, l’album est, au final, moins garage et moins brut que je ne l’imaginais.. Dans l’église gothique dans laquelle nous avons enregistré, il faisait au moins 150°… tandis qu’il faisait bon dans mon home studio, l’atelier d’art de ma mère. On ne joue donc pas de la même façon dans des endroits différents.
Question : Tes chansons ont tendance à être très courtes…
Brisa Roché : Comme tu le sais déjà, je suis impatiente et, donc, j’aime bien les chansons courtes, structurées et efficaces. Je n’aime pas les fioritures et je n’aime pas non plus les accords qui ne servent à rien… Je ne veux et ne vais qu’à l’essentiel.
Question : Tes textes sont toujours très intimes, et ce depuis le tout premier album…
Brisa Roché : Il y a dans cet album une sexualité beaucoup plus “dirigeante”. Tous mes textes étaient comme ça, je ne comprends pas pourquoi (rires). Autre originalité, pour une fois, j’ai osé poser ma voix dans des tons plus graves… plus autoritaires. Il fallait que je sois détendue et sans jugement pour que je puisse la placer ainsi. Je me demande si ça ne reflète pas ma position de chef, dominatrice, autoritaire et productrice de l’album.
Question : Justement, quand on produit son disque, la pression doit sans doute être beaucoup plus forte ?
Brisa Roché : Par rapport à All Right Now, je suis très vulnérable. S’il ne marche pas, c’est clair que je ne ferai plus d’albums dans les mêmes conditions. Je bricolerai sûrement des chansons avec mon ami “Protools”, et je ne m’investirai plus autant, financièrement parlant. Je n’en ferai plus un business. Pour sortir des disques que je juge honorables, je travaille jour et nuit, sans week-end, sans vie vraiment personnelle. Si les gens sont touchés par ma musique et mon univers, il faut qu’ils achètent mon disque, sinon je ne pourrai plus continuer. Les ventes de ce disque ont donc des conséquences sur mon avenir musical… Je ne suis pas la seule dans ce cas-là, l’industrie du disque étant ce qu’elle est en ce moment, il vaut mieux qu’un disque fonctionne pour perdurer.
Le message est passé !
All Right Now (Discograph), sortie : Septembre 2010