juillet 29, 2011
Du Jazz Dans Le Ravin
Universal
Sortie : Janvier 1958
Disparu il y a 20 ans (en mars 1991), le génie décadent et fleuron national, Serge Gainsbourg, demeure néanmoins bien vivant dans nos coeurs et présent dans nos iPods grâce à l’immense répertoire qu’il nous a laissé en héritage. Parmi tous les styles musicaux que Gainsbar a taquiné avec talent tout au long de sa carrière, le jazz a tenu une place toute particulière… Du Jazz Dans Le Ravin (et sa réédition étoffée) est un de ses plus beaux legs en la matière.
Fils d’immigrants russes juifs, dont le père était pianiste de jazz, Serge Gainsbourg est aujourd’hui (unaniment) considéré comme le poète/compositeur le plus provocateur et novateur de la scène musicale française du XXeme siècle..
C’est à l’âge de 18 ans que “l’homme à la tête de chou” commence à jouer lui aussi du piano dans les bars, et pourtant, jusqu’à l’âge de trente ans, il vit principalement de petits boulots ; tour à tour professeur de dessin, de chant, surveillant… Mais son activité principale (et premier amour) demeure la peinture.
En 1954, il abandonne pourtant la vie de bohème pour devenir crooner de piano-bar dans les casinos de la côte… Serge a alors une révélation en voyant l’écrivain et trompettiste de jazz, Boris Vian au Milord l’Arsouille, qui écrit et interprète des textes provocateurs, drôles, cyniques, bien loin des tunes en vogue et vedettes du moment. C’est sa rencontre avec le “jazzman-poet” qui va le convaincre de faire carrière avec son propre répertoire et l’incitera à pondre des textes jouant à fond sur le double sens et la provocation.
En compositeur versatile, poète volubile, musicien subtile et habile, Gainsboug n’aura eu de cesse d’explorer tout au long de sa carrière, tous les registres musicaux ; du reggae (avec l’album Aux Armes Et Cætera, enregistré à Kingston), au rap (avec You’re Under Arrest), en passant par la musique afro-cubaine (avec Couleur Café) et le rock progressif (avec Histoire De Melody Nelson).
À l’aise comme un glaçon dans le whisky dans tous les registres, Gainsbourg a néanmoins toujours eu un faible pour les sonorités du jazz et autres musiques d’origine américaine. Ces influences se font sentir notamment sur des albums comme Gainsbourg Confidentiel, empreint d’un jazz archimoderne, et Gainsbourg Percussions, inspiré des rythmes et des mélodies de Miriam Makeba et Babatunde Olatunji et où l’on retrouve des musiciens comme Alain Goraguer (piano), Pierre Michelot (contrebasse), Michel Portal (saxophone), Elek Bacsik (guitare), Michel Gaudry (contrebasse).
À l’époque de l’écriture de Du Jazz Dans Le Ravin, le jeune Gainsbourg est avant tout un grand fan de Thelonious Monk, Django Rheinhardt, Dizzy Gillepsie ou encore Art Tatum.. car dans la France de l’époque, on ne fait pas du rock.. on fait du jazz ! Toutes les caves de Saint-Germain-des-Prés vibraient alors aux sons des jazzmen américains, et Gainsbourg s’est engouffré à corps perdu dans la brèche, avec toute la fougue et le génie provocateur qui ont fait sa réputation.
La réédition (sortie en 2008 chez Mercury Records) du fameux, Du Jazz Dans Le Ravin, offre un aperçu de l’immense talent de compositeur et d’écrivain de l’animal.. ré-inventeur de genres, poinçonneur de mots justes.
On y trouve sa verve cinglante, son humour grinçant et mélodies ciselées dans des titres inusables, comme “Requiem Pour Un Twisteur” et “Intoxicated Man”, qui dressent avec pertinence et précision, et à grands renforts d’orgue électrique hypnotique et de contrebasse voluptueuse, un portrait au vitriol des figures étranges des fêtards excessifs qui hantent les rades-à-jazz.
Le sublime, “Coco And Co”, où Gainsbourg évoque la drogue (héroïne, coke, éther, opium, marijuana…) dans le milieu du jazz, et le très cru, “Quand Mon 6.35 Me Fait Les Yeux Doux”, faisant ouvertement allusion au suicide, offrent un autre exemple de son jazz novateur et de ses textes osés.
Outre d’autres standards et tunes inusables (”Chez Les Yé-Yé”, “Ce Mortel Ennui”, “Negative Blues”…), le disque est picté d’instrumentaux jazz dont la plupart sont extraits de B.O. de films, comme, “Angoisse” et “Black March”, écrits pour L’eau à la bouche, le grandiose “Générique”, qui ouvrait Les loups dans la bergerie, ou encore le très réussi “Wake Me At Five”, qui illustrait le Strip-tease de Jacques Poitrenaud.
En clair ; si vous être un amateur de Gainsbourg, si vous êtes un amateur de jazz, ou si vous êtes tout simplement un amateur de bonne musique, ce disque est pour vous !
Matez la vidéo du titre “Du Jazz Dans Le Ravin” :