septembre 25, 2011
The harder they come…
Cela fait deux ans, déjà, depuis l’album, Bird Head Son… Et quatre ans déjà que le poète/écrivain trinidadien (re-localisé à Londres), Anthony Joseph, et ses acolytes du Spasm Band, ensorcellent les foules avec leur flow de spoken-words drapé dans des rythmes voodoo-funk, calypso-rock et congo-punk, le tout infusé de jazz ésothérique.
Le troisième opus du “guru du spoken-words”, Rubber Orchestras, mélange les époques et les genres… Le résultat est une galette épicée, entêtante, enivrante, envoûtante… et décapante.
Rencontre avec le chantre de la “métafiction psychédélique afro-rétro-futuriste”.
Question : Après une longue tournée pour soutenir le précédent opus, je crois savoir que tu es retourné directement en studio pour enregistrer ce nouvel album… Avais-tu déjà tous les titres prêts à être mis en boîte ?
Anthony Joseph : Oui et non. Disons que j’avais déjà quasiment tous les textes car cela faisait pratiquement deux ans que je travaillais sur cette collection de poèmes.. j’avais donc beaucoup de matériel. Après la tournée, il y a eu un grand changement de line-up. Mes nouveaux musiciens et moi nous retrouvions chaque semaine en studio pour travailler sur les mélodies. J’amenais des textes, on en discutait puis on partait en jam afin d’explorer les différentes directions que pourrait prendre chaque morceau.
Q : Je ne te demanderai pas pourquoi tu as changé la plupart de tes musiciens, par contre je me demande comment tu as fait pour retrouver autant de remplaçants (5 musiciens) aussi rapidement ?
Anthony Joseph : En fait, à par un batteur que j’avais trouvé en mettant une annonce et qui n’a pas fait long feu dans le groupe, tous les membres actuels ont été introduits par quelqu’un, soit un ancien membre du groupe, soit un ami. Par exemple, le bassiste, qui est dans le groupe depuis le premier jour, m’a présenté Colin, le saxophoniste, les percussionnistes m’ont présenté Christian, le guitariste, ainsi que le nouveau batteur, qui est d’origine Cubaine et qui m’a lui-même présenté ses potes cubains…
Q : Ahhh ! Voila donc pourquoi ce nouvel album a des effluves cubaines et calypso-rock ?!
Anthony Joseph : Oui, la mafia cubaine est dans la place ! (rire)
Q : J’imagine que ça ne doit pas être facile pour les nouveaux musiciens de se faire à votre manière de jouer car votre musique repose beaucoup sur des impulses, des montées d’inspiration collective.. on dirait des jams qui suivent le flow narratif des poèmes… ça doit être chaud de plonger dans ce genre d’atmosphère de travail quand on n’a pas l’habitude.. ?!
Anthony Joseph : En effet, ce n’est pas forcément toujours évident pour le nouveaux. Certains musiciens sont tout de suite très à l’aise, comme les caribéens ou les cubains qui ont un grand sens du rythme et de l’impro, alors que d’autres musiciens ont parfois besoin d’un petit temps d’aptation avant de se lâcher complètement. Par exemple, on a eu un percussionniste que était très bon mais qui n’était pas très inventif et indépendant.. Il essayait toujours de jouer “dans le groupe” alors qu’on aurait souhaité qu’il joue “en-dehors”, qu’il prenne des risques et qu’il apporte sa propre teinte aux morceaux.. Chaque musicien du groupe est donc un membre autonome qui a la liberté d’exprimer sa créativité. C’est ce qui rend notre musique si organique.
Q : On a presque l’impression que certains titres (comme le chaotique “Cobra”, entre autres) sont des jams sessions…
Anthony Joseph : (rire) C’est vrai que ça peut donner cette impression.. Mais ce ne sont pas vraiment des jams, car il y a toujours une structure de base autour de laquelle chaque musicien ajoute sa touche personnelle et suit son inspiration. Donc on essaie des choses, on explore différentes directions (autour d’un fil conducteur), on brode et on se laisse emporter par nos élans d’inspiration… Le processus de création est donc très organique et rend la musique extrêment vivante.
Q : Cet album a été produit par Malcom Catto du groupe The Heliocentrics, pourquoi avoir fait appel à lui en particulier ?
Anthony Joseph : Il faut savoir que The Heliocentrics est un groupe à la fois “progressif” et “rétro”. Malcom enregistre encore de façon traditionnelle sur des cassettes, “the old school way” (rire). Il était donc parfait pour nous car nous voulions quelqu’un qui ait à la fois un pied dans le passé et l’autre dans le futur, quelqu’un qui soit en contact avec la génération hip hop et la musique électronique, mais qui, comme nous, a grandit durant les 70’s et 80’s aux sons de Miles Davis. Malcom était donc la personne adequat pour donner aux morceaux la teinte sonore que nous recherchions. Il nous a permis de passer au stade supérieur au niveau de la production.. Par rapport au précédent album, celui-ci est beaucoup plus abouti. Bird Head Son avait été enregistré en mode “live” (comme au temps jadis), alors que celui-ci a été enregistré de la façon traditionnelle actuelle, c’est-à-dire, chaque instrument et partie vocale ont été enregistrés séparément. De cette façon, c’est beaucoup plus facile de controler chaque élément et de travailler dessus séparément. On peut, par exemple, ajouter des effets sur certaines parties vocales, comme sur “Bullet In The Rocks”. Le résultat est donc plus élaboré, plus léché. Je suis très content du rendu de cet album.
Q : Le précédent album était très intimiste au niveau des textes, tu dévoilais beaucoup de choses sur ta vie, ton passé, alors que celui-ci aborde des thèmes politiques, le passé colonial des Caraïbes, l’héritage amérindien, le passé africain… Un changement de cap total !
Anthony Joseph : C’est vrai… Une fois que tu as fait le tour de ta petite personne, tu commences à regarder ce qu’il y a autour (rire). Tu sais, on dit souvent que les artistes passent par 4 phases.. Dans la première, l’artiste veut montrer au monde ce qu’il sait faire, prouver qu’il est bon. Ensuite, dans la deuzième phase, l’artiste veut parler de lui, dire qui il est et d’où il vient (dans mon cas, c’était le précédent album). Vient ensuite la troisième phase (celle dans laquelle je me trouve avec ce nouvel opus), dans laquelle l’artiste veut parler du monde qui l’entoure et de la société dans laquelle il vit, des problèmes et des injustices dont il est témoin, etc.
Q : .. Et quelle est quatrième phase ?
Anthony Joseph : Tu le sauras au prochain album (rire)