Depuis 2003, Albin de la Simone a publié trois albums, aux chansons à la fois pop et singulières. Ses concerts, en solo, en orchestre à cordes, clavecin, combo pop ou même en duo avec le pianiste classique, Alexandre Tharaud, sont toujours l’occasion de revisiter son répertoire et d’expérimenter de nouvelles trouvailles.
Albin De la Simone est aussi musicien, producteur ou arrangeur pour d’autres chanteurs : Vanessa Paradis, Alain Souchon, Keren Ann, Arthur H, Mathieu Boogaerts, JP Nataf, Iggy Pop, Alain Chamfort, Salif Keita… En clair, il est l’homme de très nombreux projets. Tant que je me refuse de les énumérer. Par contre, vous pouvez consulter sa fiche Wikipédia, elle est impressionnante.
Extrait de la présentation officielle de l’album, Un homme : Dans son quatrième disque, il évoque tour à tour, dans un savant mélange de fiction et de vécu, un aménagement, un enterrement, un père qui ressent sur lui le poids de ces responsabilités, un mariage, un amour éteint et un endormissement, sans trop en dire, en restant flou. Albin de la Simone a bouleversé sa façon d’écrire. Plutôt que de s’isoler du monde, Un Homme est le résultat d’un travail continu où l’écriture s’est intégrée dans sa vie quotidienne. Pour la première fois également, beaucoup de chansons sont nées sur scène, lors des nombreux concerts que l’artiste a pu donner.
Question : Ton album est d’une élégance rare. J’ai l’impression qu’il plait à tout le monde.
Albin de la Simone : C’est ce que les gens me disent. Je suis content. C’est super agréable une telle unanimité. J’en ai chié pour le concevoir. Je l’ai écrit ici. J’ai des souvenirs de doutes… profonds.
Question : Quand on te dit que cet album est certainement le plus abouti, voire ton meilleur, tu ne dois pas comprendre pourquoi…
A. de la S. : Je vois ce que j’ai cherché à faire dans celui-là que je ne cherchais pas à faire dans les précédents. Chaque album est une tentative différente. Je suis dans une période de la vie dans laquelle je me sens plus en harmonie avec moi-même et moins complexé sans doute. Je peux comprendre qu’à un moment les faisceaux se croisent et que le timing soit bon entre ce que je suis à l’intérieur et ce que j’ai envie de faire.
Question : Ton premier single «Mes épaules » déclenche une vague d’enthousiasme.
A. de la S. : C’est la chanson ambassadrice de l’album, il me semble, d’après ce que j’entends. Elle a l’air de toucher d’autres gens que moi pour les mêmes raisons qu’elle me touche moi. C’est marrant, je me dis : « Tiens ! J’ai peut-être réussi une chanson. » Tu sais c’est rare une chanson qui arrive à résonner auprès de beaucoup. Habituellement, tu pars au bout du monde pour créer un album. Là, tu es tout fait ici, où nous sommes. Je voulais plus d’harmonie dans ma vie. Je ne voulais plus, pour parvenir à créer, devoir partir à 5000 bornes. Je commençais à trouver ça un peu bizarre en fait. J’ai eu envie d’essayer autre chose.
Question : Dans « Ma crise », tu parles de toi un peu plus frontalement.
A. de la S. : Je suis comme ça. Inconstant. Je suis toujours en train d’essayer des combinaisons qui marcheraient mieux dans ma vie. Je m’adresse à quelqu’un en disant : « Supporte-moi, je t’en supplie. Je suis chiant avec ça, mais je suis comme ça… on va s’y habituer. » La crise, il faut aussi prendre ce mot au sens littéral. C’est la crise en permanence. Dans les années 80, on en parlait déjà. Il ne faut pas espérer en sortir, il faut juste intégrer que c’est tout le temps la galère, c’est toujours la merde et on est toujours inquiet pour nos enfants, comme la génération d’avant était inquiète pour nous. C’est toujours la panique. Grandir, c’est intégrer tout ça et vivre dans cette espèce de chaos.
Question : Ça t’amuse la perception différente qu’ont les gens de tes chansons…
A. de la S. : Oui. Et je joue de plus en plus avec ça. J’adore laisser des vides intersidéraux entre certaines informations qui sont dites et le principal qui n’est pas dit. Dans « La fuite », on ne sait ni qui je suis, ni si j’ai déconné, qu’est-ce que j’ai fait, à qui je le dis… En fait, on ne sait rien. Cette chanson est aussi ambigüe que romanesque. J’adore de plus en plus ce processus d’écriture.
Question : Est-ce que l’on peut affirmer que cet album est celui qui te ressemble le plus ?
A. de la S. : J’ai changé au fur et à mesure des albums, mais chaque album était conforme à ce que j’étais quand je l’ai fait. J’espère évoluer. Je suis très critique sur moi-même, sur ce que j’étais il y a 5 ans et les disques que j’ai faits à cette époque. Je me sens plus équilibré, alors, chouette, mon disque à l’air plus équilibré.
Question : As-tu été un peu parasité par le succès de tes potes autour de toi.
A. de la S. : Oui, en effet. Mais, j’ai aussi été parasité par le côté rock que j’ai abordé à un moment. J’ai eu l’envie moi aussi de faire bouger, comme mon ami Mathieu Chédid. Aujourd’hui, j’ai compris quelle était la place où je suis parfaitement installé et où, visiblement, on me comprend mieux.
Question : Quelle est cette place ?
A. de la S. : C’est assis derrière un clavier. C’est en chantant assez calmement, souvent même en acoustique, sans micro. Je crois que je suis plus fort dans les formes intimes et douces. Si je ne fais que ça, je me rends compte que tout va bien.
Question : En concert, tu t’en rends compte ?
A. de la S. : Je m’en rends compte principalement en concert. Depuis que je suis passé à une version acoustique, puis à une version solo, j’ai découvert ce qui était le ciment entre moi et le public. C’est un truc que je ne peux plus détruire. C’est devenu mon noyau. Pour résumer, j’ai trouvé mon noyau et il est plutôt calme.
Question : Je suis sûr que c’est l’album qui va te révéler à un public plus large.
A. de la S. : La chanson « Mes épaules » passe à la radio. Ça me plait. Et ça me plait qu’elle plaise. Après, ma vie est tellement dense, tellement remplie, je suis tellement content de tout ce que je fais et que l’on me propose de faire, je n’espère pas grand-chose de plus. Je n’ai pas de souffrances, ni frustrations professionnelles. Un succès public plus grand pourrait changer des trucs, mais en même temps, je ne manque pas d’argent, je ne manque pas d’amour et artistiquement, je m’éclate. Je ne dis pas que je ne veux pas avoir plus de succès, je dis juste que, déjà, tout va bien.
Question : Comment cela ? Tu es heureux ? Il ne faut donc pas souffrir pour créer ?
A. de la S. : Ce sont des conneries de s’imaginer qu’il faut être dans la douleur pour écrire. Moi, je gamberge tout le temps quand même, d’ailleurs, on le sent bien dans ce dernier disque, c’est le fruit de quelqu’un qui gamberge.
Question : Il y a des chansons dans lesquelles on sent que tu prends un malin plaisir à emmener l’auditeur quelque part, et en fait non. C’est ailleurs…
A. de la S. : Tu trouves que je le fais plus que les autres ?
Question : Tu le fais pas mal.
A. de la S. : Je n’en ai pas conscience en fait. Mais je ne peux pas n’être que moi qui raconte mes petites histoires. Ça manquerait de relief si tout était au premier degré. L’idée d’inventer des histoires, j’adore ça. En même temps, j’aime bien dire « moi je », même si c’est « lui il ». J’aime bien qu’on puisse imaginer que la personne qui chante vit tout ça. Mes personnages, je les incarne. Par contre, je suis très peu expressif dans mon chant, mais donc, dans le texte, j’y vais à fond.
Question : Il a quelques invités dans cet album. JP Nataf par exemple… et ce n’est pas la première fois.
A. de la S. : Il n’était pas présent sur les disques précédents officiellement, mais il a toujours été là depuis mon premier album. Il écoutait mes maquettes, a toujours critiqué et s’est toujours impliqué. Il m’aidait en temps que pote. Mais là, j’ai eu envie vraiment de son jeu de guitare inimitable.
Question : Et la présence d’Alexandre Tharaud… toi qui es pianiste, c’est inattendu.
A. de la S. : Quand on connait Alexandre, on n’est plus pianiste. Le piano que je lui ai demandé de jouer n’est pas du tout un piano virtuose, mais il a une telle façon de jouer qu’il est inégalable. Ce qu’il joue dans mon disque est très simple, mais il le joue avec un touché exceptionnel. La différence, c’est la manière dont il enfonce les touches. Il y a une âme, une profondeur que moi je n’aurais pas su mettre.
Question : Et la présence d’Emiliana Torrini ?
A. de la S. : C’est ma chanteuse préférée. Je me suis dit, pourquoi ne pas appeler ma chanteuse préférée ? Je lui ai écrit, lui ai raconté mon admiration et lui ai envoyé ma chanson. Coup de bol, elle y a été sensible. On fait de la musique, on fait de l’art… je suis désormais convaincu qu’il faut être ambitieux. Quand on fait de la musique, il faut être au-delà d’exigeant. Il ne faut lésiner sur rien. Après ce sont des questions de thunes, je sais bien, mais tant qu’on peut, il faut pousser la qualité le plus loin possible. L’exigence paye immédiatement.
Question : L’exigence te permet de travailler pour d’autres artistes.
A. de la S. : Quand je travaillais pour Vanessa Paradis et que je réarrangeais ses morceaux pour la tournée qu’on a faite, elle m’a surpris parce qu’elle m’a dit : dis donc, tu ne lâches pas. Elle m’a donné une chance de m’exprimer à travers elle. Je peux dire qu’elle m’a vraiment incité à être exigeant. Après mon expérience avec elle, je me suis dit qu’il était temps que je me considère moi-même et que je me traite avec autant d’exigence que pour elle.