Started From the Bottom

Publié le 14 juin 2013 par Feuavolonte @Feuavolonte

Des fois comme journaliste, on n’a pas le choix de parler de choses qui nous intéressent moins. Aujourd’hui, je parle de Toronto.

Le 13 février 2013, peut-être parce qu’il se sentait seul à la veille de la Saint-Valentin, Drake frappe les internet avec son vidéoclip pour la chanson Started from the Bottom. Fidèle à eux-mêmes, les internet s’insurgent et répliquent. Pour eux, il n’y a pas de doute, il n’y a qu’usurpation et Drake vient de mentir avec effrontément à la terre entière.

Oui, Aubrey Graham vient de Forrest Hill, un quartier huppé de Toronto, loin de la violence de Parma Court. Oui, le père d’Aubrey Graham était drummer pour Jerry Lee Lewis, son oncle Larry Graham est un légendaire bassiste funk et son autre oncle Teenie Hodges était guitariste pour Al Green, mais tout ça est sans importance.

D’ailleurs, Drake ne cache pas ses origines fortunées, dans la chanson 5AM in Toronto, il n’hésite pas à rappeler que son enfance avec ses parents fut plus aisée que celle de la plupart des autres rappeurs, affirmant que sans lui « le rap n’est qu’un groupe d’orphelin »… à moins qu’il ne voulût laisser sous-entendre qu’il est le père du rap, mais bon hein.

Reste que moi je te crois Drake, moi je te comprends et je sais que tu viens vraiment du bottom et je m’apprête à défendre ton affirmation, à te défendre. Simplement parce que la vérité doit être dite et partagée, des hauteurs du Mont Sinaï jusqu’au bottom et la vérité c’est quand matière de bottom, Toronto est assez championne.

À tout le moins, championne de l’ennui, et devenir un artiste dans une ville si peu inspirante que même son maire préfère prendre du crack que de s’occuper de la ville, c’est un accomplissement. C’est un fait, la ville est plate. Tellement plate que c’est probablement la seule ville au Canada où il est interdit de jouer au hockey dans la rue.

Première parenthèse : l’amende est de 55 $, ce qui représente vraiment beaucoup de bonbons quand t’es un enfant de 8 ans.

Deuxième parenthèse : ce rapport est très drôle à lire.

Si vous croyez que j’exagère, dites-vous que même Lonely Planet, qui voyage partout dans le monde est assez d’accord avec les propos tenus ici. « Seulement 500 km séparent les deux principales villes de l’est du Canada, mais elles existent dans des mondes différents. Alors que Toronto représente la grande entreprise et la routine du salarié, le swag français de Montréal semble dire « tant pis pour la job, où a lieu le party? », c’est ainsi que le célèbre guide de voyage compare Montréal et Toronto.

C’est donc seulement en comprenant cette mise en contexte de l’ennui, de l’apathie créative et de l’aseptisation systémique de Toronto que l’on peut comprendre le sens véritable de Started from the Bottom.

Heureusement, les choses s’améliorent tranquillement avec l’éclosion de quartier comme The Junction, et Toronto commence à être moins pénible qu’elle ne l’était il n’y a encore pas si longtemps.

La scène rap de Toronto n’est d’ailleurs pas en reste avec plusieurs artistes qui viennent prendre de plus en plus de place. Vous apprendrez notamment avec joie, que tous les rappeurs de Toronto ne partagent pas avec la voix prépubère de Drake.

C’est désormais la voix profonde, à la Jay Electronica, de Rich Kidd qui résonne comme ambassadrice de ce qui se fait de mieux à Toronto. Une voix à laquelle s’accompagnent celles des Redway et Rodney, dans cette vieille fille de ville Reine qui finira peut-être, avec de la chance, par nous intéresser un peu plus.