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Sortie : Mai 2013
Dix-huit ans après l’excellentissime, Maxinquaye, Adrian Thaws (alias Tricky) renoue avec le style “trip-hop-scurantiste 100% british” dont il est le chantre incontesté (aux côtés de Massive Attack et PJ Harvey, bien sûr!). Drapé dans une chape de spleen à couper au couteau (sinon au rasoir) et empesé de beats synthétiques au rythme cardiaque irrégulier et de mélodies indécises, son dixième album studio, False Idols, brille de noirceur et fait plus que jamais rayonner le côté glauque de sa force.
Ceux qui connaissent le phénomène le savent bien ; c’est précisément parce que Tricky surfe avec légèreté (mais sérieux et gravité) sur la vague trip-hop, sans pour autant s’imposer comme une icône établie du genre, qu’il demeure, à l’aube de la cinquantaine, un “chef de file” toujours aussi crédible et légitime.
“To cut the crap” et pour aller droit au but, on dira donc simplement que le nouvel album du bristolien, False Idols, s’inscrit dans la directe lignée de ses précédents opus… n’apportant donc rien de nouveau (ou du moins de révolutionnaire) à son oeuvre avant-gardiste… et c’est peut-être là sa principale qualité, sa vérité pure, son authenticité, sans compromis ni sourirs commerciaux. Comme d’hab, donc, sa musique sera accessible à ceux qui surferont sur les mêmes vibes que le “moody” Tricky kid qui n’a décidément pas son pareil pour sampler des ritournelles éculées et les intégrer dans ses trips sombres et opiacés.
Tricky fait toujours du Tricky…envisageant la musique comme une source d’énergie et non un système alambiqué de références savantes.
Rescusitant les super-héros de comics oubliés, le kid de Bristol n’a pas perdu son talent pour apprivoiser les forces des ténèbres sans les amoindrir, en intégrant l’inquiétude spirituelle aux badineries pop.
“Somebody’s Sin”, emprunté à l’intro mythique de Patti Smith pour sa relecture du “Gloria” de Van Morrison, lève le voile sur ce voyage aux confins d’une musique psychologique construite sur des citations (Chet Baker revisitant “My Funny Valentine” dans l’éthéré “Valentine”), et des rythmiques désincarnées et hoquetantes à la Massive Attack, avec des vocaux féminins phtisiques, chuchotés, et des structures répétitives qui s’effilochent le long d’ossatures rythmiques hypnotiques. Du grand “Tricky“, au mieux de sa/ses forme(s) en quelque sorte !
La nigériane, Nneka, Peter Silberman (de The Antlers) et Francesca Belmonte, apportent leurs voix à ce disque aux contours sombres et lumineux à la fois.
En quinze morceaux nebuleux, le musicien désormais émigré à Paris, livre un album aux propos hantés par la religion, les rapports amoureux tragiques et le désespoir.
Pianos discrets, guitares écorchées, cuivres, à l’occasion (”Nothing Matters”), se greffent sur les beats robotiques pour créer des climats oppressants le plus souvent, apaisés parfois.
Long tunnel de bruit et de fureur, False Idoles parle de la bénédiction d’échapper aux fracas/tracas de la célébrité… un opus “tragico-meek” en Do mineur.