David Combe & JM Barbieux: rédacteurs en chef de Tracks
ITW des rédacteurs en chef de Tracks
David et Jean-Marc, vous êtes rédacteurs en chef de Tracks, l’émission qui dépasse les bornes d’Arte, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et expliquer votre parcours, ce qui vous motive/ce que vous recherchez dans Tracks ?
Jean-Marc: j’ai commencé par la presse écrite, de Globe à Paris-Match en passant par Actuel et même… Détective à la fin des années 80. Je travaille à la télévision depuis 20 ans, dont 16 à Tracks. Pour l’anecdote, j’ai rencontré David à TF1! Et j’ai écrit trois livres, sur le porno, la violence urbaine et les modifications corporelles. J’ai toujours travaillé sur les marges, en les rendant visibles. C’est l’une des vocations de Tracks.
David: j’ai débuté ado, à la grande époque des radios libres. Aux débuts des années 90, en parallèle à mes études à la fac de Nanterre en ethnologie, je suis rentré comme journaliste à Paris Première, TV5, TF1 avant d’intégrer en 97 la rédaction de Tracks, mon nirvana.
Après 17 ans d’existence, une longévité assez exceptionnelle pour une émission télé, vous gardez la même fraicheur éditoriale et le même goût des sujets extrêmement pointus, que l’on ne trouve pas ailleurs, c’est comment l’envers du décor ? Comment se monte un épisode de Tracks ? On imagine qu’à l’heure actuelle, le monde doit être un terrain de jeu pour vous, amoureux des freaks?
JM: Les « Freaks », Diane Arbus les considérait comme des « aristocrates » parce qu’ils étaient passés de l’autre coté du miroir. Elle les voyait aussi comme les divinités d’une religion à venir… Nous, on les voit plutôt comme notre famille. Ils sont la démonstration que d’autres voies sont possibles. Et effectivement, au sens large, ils sont partout. A tel point que ça devient de plus en plus difficile pour eux de se faire remarquer…
DC: Pas mieux!
En parlant de freaks, y a-t-il des sujets qui vous ont particulièrement marqué ? Est-il arrivé que vous vous disiez « là ça va trop loin » ou n’y a-t-il vraiment aucun filtre ?
JM: Tracks, c’est « les mille et une façons de ne pas faire comme les autres ». Les seules limites sont légales, comme l’interdiction de la pédophilie ou du nazisme, mais on a aussi la volonté de voir les choses de manière positive: la provoc pour la provoc ne nous intéresse pas. Il faut que ça alimente le débat culturel. Le « ca va trop loin », c’est pas notre langage. Mais on y a eu droit, de la part des diffuseurs. Sur le satanisme norvégien ou le body-playing, par exemple…
DC: Tracks prend le contrepied de la plupart des magazines culturels: ce qui nous dépasse, ce que nous échappe excite notre curiosité. Selon nous, c’est dans cette zone qu’un bout de demain s’élabore. Freak ou pas freak, là n’est pas la question. Il y a trois ans, notre journaliste France Swimberge interviewait l’artiste Paul McCarthy dans son atelier près de Los Angeles. Pas besoin de polémique, ni d’une étiquette de freak pour passer dans Tracks.
Cette 17e saison de Tracks a débarqué à la rentrée avec un lifting graphique et une version augmentée via votre application (qui offre des contenus exclusifs en direct et permet d’interagir avec l’émission) tout en gardant votre générique culte et la voix de Chrystelle André.
On imagine que c’est important pour un magazine étiqueté « tendances et avant garde » d’être à la pointe de l’innovation, quelles étaient vos motivations et comment avez vous abordé ce processus d’invasion du désormais fameux « second écran »? Quelle a été la genèse de cette idée et sa réalisation ?
JM: C’est une volonté d’Arte, au départ, à laquelle on a répondu avec enthousiasme. Le but est de fabriquer un magazine hybride, qui favorise le dialogue avec ses spectateurs et les emmène dans un very good trip, un voyage fractal dans nos archives et dans l’avant-garde. Tracks, c’est un lifestyle, une façon de regarder le monde, et l’appli est une façon d’y pénétrer.
DC: Depuis sa naissance Tracks n’a jamais arrêté de muter, de s’adapter à son environnement. C’est une question de survie! Avec plus de 350 000 fans sur Facebook et 24000 followers sur Twitter, l’appli Tracks était attendue par notre communauté. Elle est pleine de surprises: possibilité de changer son humeur en explorant nos archives, accès à des bonus et à tous les titres qui composent la playlist de l’émission grâce à un système de synchronisation, connexion à la rédaction 24/24 avec l’envoi de Push et des news quotidiennes…
Vous devez avoir le plus grand agenda de Freaks de la planète, n’avez-vous jamais pensé/rêvé à décliner le concept en « vrai », via un festival ou un autre format, histoire de permettre aux freaks de tous genres de se rencontrer en vrai ?
JM: On l’a fait à plusieurs reprises, avec le « Festival des Mondes Hors-Pistes » chez Agnès B ou avec le « Tracks Cirkus », qui rassemblait des artistes venus des quatre coins du monde!
DC: L’ancien rédacteur en chef de Tracks et ami Paul Rambali rêve d’un GymTracks ou Tracksland. Ça aurait de l’allure!
Pouvez-vous nous sélectionner 5 titres qui représentent l’esprit Tracks?
- « El Botellon », remixé par Uproot Andy, un bel exemple de l’utilisation d’un morceau traditionnel colombien updaté en electro
- « Funky Thing » de Larry Ellis, un vieux morceau de soul avec un intro d’orgue délirante: le groupe est arrivé en retard au studio et le clavier se faisait les doigts quand on leur a annoncé que la journée d’enregistrement était finie.
- « Fool Rhythm », de Two Fingers, le groupe d’Amon Tobin. C’est puissant et ça part dans toutes les directions.
- « Gimme Chocolate!! » de Baby Metal, les poids lourds à couettes du heavy metal japonais, passées dans Tracks samedi dernier (le 25 octobre et visible en replay)
- « Nomnom » de Kenji Minogue, un duo de flamandes qui pourrait faire de l’ombre à Kylie Minogue et que nous venons de filmer à la Mécanique Ondulatoire, à l’antenne le samedi 22 novembre.