Blur – The Magic Whip: une gâterie du confiseur

Publié le 29 avril 2015 par Feuavolonte @Feuavolonte

Le groupe britannique nous offre un agréable album à cheval entre le Blur d’autrefois et le Blur d’aujourd’hui.

Lorsqu’un de tes bands favoris sort de manière inattendue d’un silence discographique de 12 ans, c’est à la fois excitant et inquiétant. Le groupe est devenu iconique et n’a techniquement plus rien à prouver. Très prolifique lors de ses heures de gloire, le quatuor laisse un riche héritage à la scène britpop et à la musique indie en général. Qu’est-ce qui les a finalement poussé à faire un nouvel album?

Depuis sa reformation officielle en 2009, Blur a lancé quelques pièces en ligne ici et là. On pense notamment à Fool’s Day en 2010. On pense aussi à Under The Westway en 2012 pour le concert du groupe lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques. Autrement, le groupe s’est promené un peu en Europe et en Amérique pour offrir quelques concerts; même en Asie. C’est d’ailleurs lors de leur passage en sol oriental, dans des circonstances inattendues, qu’ils se sont retrouvés en studio.

En mai 2013, le band a quelques dates de concert devant lui. À la suite de l’annulation surprise du festival Tokyo Rocks, Blur se retrouve avec du temps à tuer. Ils ont deux choix: soit ils en profitent pour relaxer, soit ils se trouvent un studio pour jammer un peu. Ils optent pour la seconde option. Les quatre membres se retrouvent alors dans les petits et modestes Avon Studios de Hong Kong. Ils n’ont que cinq jours. Le studio est très loin du luxe auquel le groupe s’était habitué. La proximité permet une symbiose musicale et met en place la chimie créative que le groupe a longtemps connue. Damon Albarn et Graham Coxon en viennent même à établir la paix et réinstaurer le respect qu’ils avaient l’un envers l’autre. Enregistré rapidement, intensément, et sans grand soutien technologique, l’amas de nouvelles chansons est né de jams très informels. Excité de ce qu’ils viennent de produire, Damon annonce ensuite au public chinois la production inattendue d’un nouvel album.

Les enregistrements ont ensuite amassés la poussière pendant de longs mois. Damon a même dit en 2014, lors de la promotion de son album solo, que les sessions n’allaient finalement peut-être jamais voir le jour sur disque. C’est finalement le guitariste Graham Coxon qui décide de prendre les devants, d’amasser les enregistrements et de passer un coup de fil à Stephen Street, le producteur derrière la majorité de leurs albums passés. Ils se sont rencontrés pour retoucher et monter le tout. Satisfait de leur travail, Damon Albarn a alors écrit des paroles plus complètes et y a posé sa voix. Alors qu’on avait un peu abandonné l’idée d’entendre le fruit des sessions studio, Damon, Graham, Alex et Dave ont pris les fans par surprise en février 2015 pour finalement annoncer la sortie de leur 8e album nommé The Magic Whip. Le tout a été lancé avec la sortie du premier single Go Out.

L’attente en valait-elle la peine? Est-ce que le produit final n’est qu’un exercice nostalgique sans saveur ou est-ce qu’il s’avère pertinent et sincère? Heureusement, The Magic Whip oscille entre leurs belles années et leur progression musicale de renom.

Des parcelles nostalgiques de la vieille époque se font sentir d’entrée de jeu avec Lonesome Street. On reconnait l’entrain ainsi que les thèmes traitant de la vie de tous les jours de la période britpop. Il en va de même avec des morceaux tels que I Broadcast et Ong Ong. La guitare grinçante mais bien ajustée de Graham Coxon fait sourire par les nombreux souvenirs qu’elle fait ressurgir.

D’un autre côté, on retrouve ce qui nous a fait aimer l’iconique groupe dans ses heures de gloire: sa progression. Évoluant d’album en album, Blur a toujours réussi à surprendre en se réinventant. The Magic Whip ne fait pas exception. Blur montre un son aux influences modernes avec des effets surprenants bien variés. Des pièces comme New World Towers et My Terracotta Heart en témoignent. Ice Cream Man, par ses effets futuristes et apaisants, laisse réellement l’impression de reprendre là où le groupe avait laissé en 2003. Le côté plus upbeat de l’album ressort sur la plaisante Ghost Ship. Par ses textures musicales et variations sonores typiques de Damon Albarn, cette dernière aurait pu se retrouver sur un album de Gorillaz! Le tout est un savoureux mélange de britpop et d’indie contemporain.

Une des forces de cet album est, sans aucun doute, Graham Coxon. Ceux qui étaient restés amers de son absence sur Think Tank le retrouvent ici en pleine possession de ses moyens sur cet opus qu’il notamment a supervisé. Sa présence créatrice se fait sentir sur toutes les chansons! Son côté grinçant est particulièrement perceptible sur Thought I Was a Spaceman. Son solo sur Go Out reflète sa signature et elle fait du bien. Son côté plus épuré et mélodique se manifeste surtout en fin d’album, sur des pièces comme Ong Ong et la mystérieuse Mirrorball. Cette dernière rappelle étrangement I Wanna Be Yours, du dernier opus d’Arctic Monkeys, par ses effets de reverb et de tremolo.

Dans les thématiques, Blur se fait assez versatile, comme toujours. Le thème de l’isolement est traité à plusieurs reprises. On a l’impression que Damon revient sur le fait que les membres du groupe ont tous pris des directions différentes et qu’il déplore le manque de communication entre eux pendant toutes ces dernières années. L’isolement est aussi une thématique reflétée par le fait d’être culturellement aussi esseulé dans une ville aussi populeuse que Hong Kong, lieu de création de l’album. La surpopulation est adressée sur There Are Too Many of Us, avec son rythme militaire. Damon fait également part de son regard sur la Corée du Nord sur Pyongyang. Blur porte autant un regard sur lui-même que sur son environnement. Le tout est toujours bien ficelé.

Somme toute, l’album est à cheval entre le Blur d’autrefois et le Blur d’aujourd’hui. Les allusions musicales au passé font sourire et l’audace actuelle satisfait le désir de voir le groupe évoluer. La diversité et la pertinence des textures musicales comblent les fans de la première heure et ceux qui sont moins initiés. Il n’est pas évident de réussir un retour aussi attendu après tant d’années. On peut parler ici d’une mission accomplie!