Le nouveau public douteux de Louis-Jean Cormier

Publié le 15 mai 2015 par Feuavolonte @Feuavolonte

C’était certain que c’était là, dans la foule compacte du Métropolis, qu’on allait constater que Louis-Jean Cormier est devenu autre chose. Il n’a pas changé tant que ça. Sa musique est demeurée sensiblement la même. Mais depuis son passage à La Voix, son auditeur n’est plus le même humain. Et ça prenait un premier album post-La Voix pour réaliser que les matantes* commencent à s’intéresser à la musique du beau poète Cormier.

Louis-Jean Cormier/Photo: Élise Jetté

Le tout commence par une (trop) courte prestation d’Antoine Corriveau qui se charge de la première partie.

Antoine Corriveau/Photo: Élise Jetté

Quelques pièces épurées de son plus récent album et un petit retour en arrière avec Kilomètres. C’est à ce moment que je fais la connaissance de Monique (nom fictif), qui représente parfaitement la crowd durant la première partie. «Eille Stéphane, il me fait penser à celle qu’on était allé voir et qui chialait au lieu de chanter. J’me souviens pas de son nom. Tu trouves-tu?» Merci Monique de te prononcer aussi intelligemment sur la musique actuelle. Ton toupet mauve qui a été à la mode 10 minutes dans les années 90 témoigne de ta grande culture générale et de ton aptitude à critiquer la musique locale. Antoine Corriveau ne chiale pas. La foule parle trop fort. C’est moi qui chiale.

En attendant Louis-Jean, je fais la connaissance de Josie-Anne (je sais que ça s’écrit comme ça; elle me l’a dit) qui a vraiment très envie de me raconter sa vie. Elle vient de croiser Louis-José Houde et elle a pris une photo avec lui; highlight de sa jeune vie. «Ma mère me laisse jamais boire de bière. C’est pour ça que j’en ai trop bu ce soir», m’annonce-t-elle entre deux hoquets, avant de renverser sa bière du moment sur mes nouveaux souliers. J’aurai les pieds sticky pour toujours. Je vais m’en souvenir chaque fois que je vais essayer de danser et que mes semelles vont lamentablement adhérer au plancher du Métropolis. Merci Josie-Anne.

Pendant la première toune de Louis-Jean, Les hélicoptères, Josie-Anne renverse une seconde bière, cette fois sur mes mollets. Visiblement, elle ne connait pas l’adage qui dit : Si ça fait deux bières que tu renverses sur quelqu’un que tu connais pas, arrête de boire. Heureusement, je me laisse emporter par le côté électro-planant de la chanson.

C’est ensuite pendant St-Michel que je comprends que la fille derrière moi connait l’album par coeur et qu’elle pense qu’elle chante bien. «Chaque matin, je reviens prendre la main. J’peux voir plus loin, quand t’as le pied sur le frein», chante-t-elle tellement fort dans mon oreille gauche qu’elle en fait bouger mes cheveux. Les jolies projections visuelles sur l’écran et l’envolée karkwaesque me permettent de rester accrochée au spectacle et de ne pas lui faire une descente du coude.

Louis-Jean enchaîne énergiquement avec Si tu reviens, la chanson que la fille devant moi veut vraiment filmer au complet avec son iPhone 6/quasi-iPad. On reproche souvent aux gens de filmer les shows. C’est une chose de filmer. C’en est une autre de puer des aisselles à la hauteur de mon nez. Je constate aussi que la fille d’en arrière, elle, connait encore MIEUX les paroles de cette chanson-là. Elle hurle donc plus fort.

Louis-Jean Cormier a la brillante idée de se lancer dans un remerciement éloquent destiné aux gens dans la salle qui chantent: «Vous chantez bien. Vous chantez juste.» Il n’en faut pas plus pour que la fille d’en arrière se sente concernée. Fallait pas, Louis-Jean.

En précisant que près de 90 personnes ont collaboré à la musique sur l’album, Cormier lance que, ce soir, ils sont juste 16. Pourtant, durant la plupart des interprétations, on entend des arrangements vraiment élaborés, souvent différents de ceux sur l’album. Plusieurs couches musicales intensifient l’expérience. C’est beau.

Veux tu partir, Vol plané et Le jour où elle ma dit je pars suivent. Je ne sais pas si c’est par ce que je suis à côté du speaker et que la basse me passe dans le corps, mais le show de LJ se ressent autant qu’il s’écoute.

Louis-Jean Cormier/Photo: Élise Jetté

Notre hôte de la soirée poursuit avec Bull’s Eye, Le coeur en téflon et Tout le monde en même temps, morceaux de son premier album, repris en remix électro-langoureux-xylophoné. Alex McMahon (claviériste) et Adèle Trottier-Rivard (percussionniste et choriste) font ici leur dose de sport quotidienne recommandée par Santé Canada en se donnant sur le xylophone comme s’ils devaient mourir demain.

«On va se la jouer pique-nique», lance ensuite Louis-Jean en s’assoyant sur le bord de la scène avec Adèle. «J’utilise un micro super sensible, donc si toi, qui est super proche, tu dis j’ai un p’tit pet su’l bord, on va t’entendre», prévient Louis-Jean pour permettre aux plus fatigants de réaliser qu’il faut qu’ils se ferment la bouche.

Jouer des tours, et Montagne russe sont donc  jouées dans un presque-silence. De retour en formation régulière, il poursuit avec Faire semblant et Traverser les travaux. Il  lance ensuite un beau message d’espoir à la nation en dédiant sa toune à Alexandre Cloutier: Un refrain trop long. Moment «conscience sociale» de la soirée. Ça fera pas de mal à Josie-Anne. Le set se termine par La fanfare.

Le rappel débute avec Complot d’enfants qui vaut le commentaire suivant de la part de mon voisin de gauche: «C’est la seule toune que j’aime pas les paroles. Louis-Jean s’est pas forcé sur celle-là». DUDE. C’est un texte de fucking Félix Leclerc. Juste ferme-la.

La cerise sur le gâteau: Deux saisons trois quarts.

En somme, musicalement, c’est réussi de A à Z. Louis-Jean jase un peu à la «commentateur de La Voix», et étrangement, malgré son allégeance connue à Alexandre Cloutier et ses idées, il semble un peu moins politico-sensible qu’avant.

Les membres du «nouveau public» de Louis-Jean me font sentir la bière pour l’éternité, me donnent envie d’écraser des orteils par inadvertance et me donnent une petite nausée générale, mais je suis sûrement juste un peu snob.

Beau show LJ!

*Celles-ci n’étant pas des matantes au sens propre, mais bien des gens un peu insupportables.