Je vous fais visiter les lieux qui ont marqué l’histoire du légendaire groupe post-punk britannique, Joy Division.
2015 marque le 35e anniversaire du décès tragique du désormais légendaire frontman de Joy Division, Ian Curtis et, par le fait même, la fin d’une aventure marquante. Désirant souligner l’héritage du groupe post-punk, je vous ai préparé un petit quelque chose. Dans le cadre d’un voyage que j’ai fait au Royaume-Uni en 2013, je vous amène sur les lieux qui ont marqué l’histoire du groupe britannique. Guidé par Craig Gill, batteur du mythique Inspiral Carpets, j’ai pu voir et visiter les lieux qui s’étendent du centre-ville de Manchester jusqu’aux contrées avoisinantes de Macclesfield. Sans plus tarder, commençons donc par le début!
Le Lesser Free Trade Hall (Manchester)
Photo: Alexandre Demers
Cet édifice au cœur du centre-ville de Manchester a notamment été le théâtre de la révolution punk qui allait secouer le cours de l’histoire culturelle du Royaume-Uni. Le 4 juin 1976, la tournée des Sex Pistols s’est arrêtée au Lesser Free Trade Hall. Ayant attiré une modeste foule d’une cinquantaine de curieux, le concert s’est avéré crucial dans l’histoire musicale pour une génération désabusée qui voulait se débarrasser du rock progressif des Genesis et ELP de l’époque. Dans l’assistance, un jeune Peter Hook accompagné de son copain Bernard Sumner était fasciné par ce qui se déroulait sous ses yeux. Le lendemain, Peter allait acheter sa première basse dans une boutique d’instruments usagés. Six semaines plus tard, les Sex Pistols étaient de passage pour une seconde fois au Lesser Free Trade et l’assistance avait plus que doublé. Dans la salle cette fois-ci, un timide et réservé jeune homme aux allures sombres avait fait le chemin de Macclesfield jusqu’à Manchester pour assister au concert. Ce jeune homme se nommait Ian Curtis. Par le biais d’un ami commun, il a fait la connaissance de Hooky et Bernard et a découvert qu’ils avaient beaucoup d’intérêts communs.
Fascinés et inspirés par ce qu’ils avaient vu au Lesser Free Trade Hall, Peter Hook et Bernard Sumner ont formé un groupe avec deux autres copains dans lequel ils ont appris à jouer de leurs instruments. À la suite du départ de leur chanteur, Peter et Bernard ont affiché une annonce à la recherche d’un nouveau frontman, sans succès. Le groupe a éventuellement recroisé Ian lors d’un concert et ils l’ont invité à se joindre au groupe à titre de frontman, et ce, sans audition. En besoin d’un nouveau batteur, Curtis a alors suggéré son ami de longue date, Stephen Morris. Le groupe s’inspirait de la simplicité du punk tout en ajoutant sa touche plus sombre mais plus pure. La plume poétique de Ian, ajoutée aux rythmes mordants sculptait une identité qui était propre au groupe. Ils faisaient du post-punk. Leur premier concert a eu lieu le 29 mai 1977 au Electric Circus de Londres. Pendant un bon moment, ils ont performé sous le nom Warsaw. Quelques mois plus tard, inspiré par ses lectures sur la Deuxième Guerre mondiale, Curtis a suggéré un nouveau nom pour le groupe. Le band a immédiatement adopté celui-ci. À partir de ce moment, ils se nommaient Joy Division.
Le Epping Walk Bridge (Manchester)
Photo: Alexandre Demers
Chaud de son succès grandissant sur la scène indépendante, le groupe a été contacté par Kevin Cummins, un jeune photographe du magazine culturel New Musical Express. Joy Division en était à sa première séance photos professionnelle. Désirant s’éloigner des clichés punk de l’époque qui présentaient les groupes devant un mur, Kevin Cummins a proposé de photographier le groupe dans un coin industriel peu achalandé de Manchester. Ils ont pris des photos de groupe près d’une cathédrale, mais ce sont les photos sur le Epping Walk Bridge qui ont marqué l’imaginaire. Les photos étaient teintées de mystère et d’une déconcertante quiétude. Plus tard, le groupe a repris une des photos sur le pont pour la couverture d’une compilation. Le pont est toujours présent aujourd’hui et une pétition locale circule notamment pour renommer ce pont le Ian Curtis Bridge.
Joy Division attirait alors l’attention d’un public en constante croissance. Le post-punk sombre générait un certain engouement. N’ayant alors que le EP An Ideal for Living dans sa discographie, le groupe est ensuite retourné en studio pour enregistrer son tout premier album qui allait paraitre sous l’étiquette locale Factory Records.
Strawberry studios (Stockport, Greater Manchester)
Photo: Alexandre Demers
Ayant accumulé une quantité intéressante de chansons, Joy Division est entré en studio le 1er avril 1979, accompagné du producteur Martin Hannett. Ils se sont tous retrouvés aux Strawberry Studios de Stockport. Hannett a amené sa touche personnelle et avant-gardiste en ayant recours à des pratiques d’enregistrement qui étaient inhabituelles pour l’époque: il enregistrait des bouteilles qui se fracassaient contre un mur, des bruits d’ascenseur, il enregistrait la voix de Ian Curtis via un téléphone pour une chanson, inversait les sons de guitares, etc. Il saupoudrait ses idées un peu partout sur la musique du groupe. Le 17 avril, le groupe a quitté le studio avec 10 chansons enregistrées pour l’album. Pour la pochette, l’illustrateur Peter Saville a transformé le diagramme d’un pulsar et a inversé le noir et le blanc. Le tout était imprimé sur un carton texturé.
Intitulé Unknown Pleasures, ce premier opus est finalement paru le 15 juin 1979. L’album a obtenu un succès critique notoire et a été acclamé par le public. L’engouement était palpable.
L’album est par la suite devenu iconique par son mordant, sa lourde basse, sa guitare grinçante et son génie lyrical, qui ensemble, ont créé une atmosphère inquiétante, mais inspirante. Il incarnait le son post-punk unique et propre au groupe. Étonnamment, Peter Hook et Bernard Sumner ont affirmé détester le son de l’album lorsqu’ils l’ont écouté pour la première fois. Avec un peu de recul, ils se sont ravisés et ont souligné le génie de la production atmosphérique de Hannett.
Les Strawberry Studios ont fermé leurs portes en 1993. Les locaux ont été réaménagés en bureaux pour une compagnie de production cinématographique. Les propriétaires de l’édifice ont décidé de conserver le nom en guise d’hommage.
Le Labour Exchange, où travaillait Ian Curtis (Macclesfield)
Photo: Alexandre Demers
Tout près des délimitations de Manchester se situe Macclesfield, une petite municipalité où Ian Curtis et Stephen Morris habitaient. Le leader du groupe travaillait le jour et offrait des concerts le soir. C’est dans ce bureau d’insertion sociale pour personnes infirmes que Ian agissait à titre d’assistant aux personnes dans le besoin. N’étant pas particulièrement passionné par ce boulot, il rêvassait souvent durant ses heures de travail. Il arrivait souvent épuisé à cause des concerts qu’il donnait la veille. Les murs de cet édifice ont été témoins de quelques étincelles créatrices. Un après-midi, Ian Curtis a fait la rencontre d’une jeune femme atteinte d’épilepsie, un trouble qu’il allait lui-même développer un peu plus tard. Celle-ci a fait une crise devant ses yeux impuissants. Troublé par ce qu’il avait vu dans la journée, Curtis a ensuite sorti son cahier de paroles et a écrit les paroles de She’s Lost Control.
L’appartement de Ian et Debbie (77 Barton street, Macclesfield)
Photo: Alexandre Demers
Situé à deux minutes de marche du bureau où il travaillait de jour, Ian Curtis, sa femme Deborah et leur jeune fille Natalie partageaient un appartement sur Barton Street où ils menaient leur vie de famille. Ils y ont passé des moments heureux et d’autres plus sombres.
Derrière le succès grandissant de son groupe, Curtis était hanté par ses troubles épileptiques, les effets secondaires de sa médication (qui l’a plongé dans une profonde dépression) et un mariage malheureux dans lequel il était en constante guerre contre lui-même. Il était secrètement très triste et sa médication affectait son jugement. C’est entre les murs de cet appartement que Ian Curtis a pris la décision de mettre tragiquement fin à ses jours. Il avait 23 ans. Le lendemain, Joy Division devait traverser l’Atlantique pour ses premiers concerts en sol américain.
Le cimetière de Macclesfield
Photo: Alexandre Demers
Tragiquement décédé le 18 mai 1980, Ian Curtis a été incinéré tout près de chez-lui, à Macclesfield. Sa mort aura laissé un grand vide non seulement dans les vies de sa famille, ses amis et les membres de son groupe, mais aussi dans la vie de son large bassin de fans autour du monde. Sa pierre commémorative a été placée au cimetière de Macclesfield, où les gens peuvent aller se recueillir et lui rendre hommage. Sur sa pierre, les paroles qu’il a lui-même écrites ont été inscrites en sa mémoire et en référence à un des plus grands succès du groupe, Love Will Tear Us Appart. Le gardien du cimetière affirme devoir constamment entretenir la pierre puisque des fans viennent y déposer des dizaines de fleurs et autres items à chaque jour pour honorer la mémoire du chanteur. Des milliers de fans autour du globe se déplacent chaque année pour présenter leurs respects au légendaire poète.
Plusieurs décennies après la dissolution tragique du groupe, l’héritage de Joy Division est encore bien présent dans la culture musicale. Ayant été les pionniers du mouvement post-punk, ils ont défini le son et le style d’un genre musical qui a influencé une vaste variété de groupes à travers le monde. En seulement quatre années d’existence, ils ont légué un des héritages les plus forts et influents de la culture britannique. Leurs chansons sont encore très présentes dans le circuit indépendant et les nouvelles générations se plaisent à découvrir le bagage musical de la troupe de Ian Curtis.
Peu après la fin de Joy Division, les membres survivants se sont serrés les coudes et ont ensuite formé un nouveau groupe qui allait porter le nom New Order. Constamment confrontés au passé, ils ont expérimenté avec les synthétiseurs et ont créé un son qui leur était propre. Ce son allait révolutionner la scène new wave et synthpop des années 1980. Malgré l’adversité, ils ont su savourer le fruit de leurs succès en gardant une place nostalgique et émotionnelle pour Joy Division dans leurs esprits.