Dylan Perron et Élixir de Gumbo: bluegrass survolté sur le parvis

Publié le 23 juillet 2015 par Feuavolonte @Feuavolonte

Dylan Perron et Élixir de Gumbo nous ont servi leur bluegrass endiablé sous un ciel bleu limpide mardi soir, sur le parvis de l’église de la paroisse Sainte-Cécile dans le quartier Villeray à Montréal. «C’est un sapristi de bon concert, on a pété une corde», de déclarer l’exalté et exaltant Perron en cours de route. «Comme on dit dans le métier, des choses se passent!»

Regroupés en formule quatuor cette soirée-là, les lauréats des Francouvertes 2015 ont sorti banjo, guitare sèche, contrebasse, dorbo, mandoline et harmonica afin de nous interpréter plus d’une dizaine de chansons, la moitié étant tirée de leur album Hamérricana, paru en 2012. Ils nous ont abreuvés de leur potion musicale à base de bluegrass, de folk et de country, qui s’ingère bien mieux que le remède ancestral pour chevaux vendu par un docteur de porte à porte durant les années 1940 — et que des draveurs consommaient (!) — donnant son nom au groupe.

Les mélodies effrénées de Perron, auteur-compositeur-interprète originaire de LaMotte, en Abitibi, et de ses compères Léandre Joly-Pelletier, Jean-Philippe Demers-Lelotte et Alexandre Legrand ont attiré les passants au coin de la rue De Castelnau et de l’avenue Henri-Julien, curieux et captivés par cette musique survoltée, faisant également la part belle aux chansons plus paisibles. «On profite de l’ambiance familiale pour faire des ballades», nous a admis le meneur du projet de sa voix nasillarde, seyant parfaitement à sa partition.

Perron, badin à tout coup, a présenté en quelques mots les chansons, et ce, dès la deuxième au programme, la mélancolique Hamérricana, «l’histoire d’un gars qui travaille dans une mine depuis longtemps et qui réalise qu’il voudrait peut-être faire autre chose», qui succédait à Je m’en retourne chez nous. Le public, ténu, n’a pas tardé à croître, charmé par l’ambiance folk.

«Aimez-vous Gilles Vigneault?» nous demande ensuite Perron. La foule d’acquiescer (comment pourrait-il en être autrement?). «Ouf, sinon, j’aurais été mal à shop», de répondre le chanteur, avant d’entonner la lumineuse Le grand cerf-volant, de l’icône.

Mais voilà, le moment était venu de raviver la fête, car, après tout, «on est un groupe de bluegrass, pas de blues ou de trad. On retourne à nos amours! Et ben vite en sol, pour ceux à qui ça dit quelque chose», annonce Perron, amorçant la fougueuse La danse de la poule aux forts relents country.

Cœurs fédéralistes s’abstenir. En guise de préambule à Jeu de société, réquisitoire cinglant, Perron a adressé de fallacieux remerciements aux ex-dirigeants Pierre Elliott Trudeau, Jean Chrétien et Stéphane Dion, soulignant «leur riche apport au Canada grâce au rapatriement de la Constitution, à la nuit des longs couteaux, à la Loi sur les mesures de guerre…». L’amertume que distille la chanson n’empêche absolument pas cette dernière de s’envelopper de jovialité.

Les rythmes entraînants ne cessent d’intriguer l’auditoire impromptu, constitué en bonne partie de familles du quartier, des enfants dansant et s’élançant partout, sous le regard amusé de Perron. S’ensuivent Déraille Go, ponctuée des «Hhhiiiiaaww!» suraigus typiquement western, ainsi que Les Boulets aux pieds, une toune de pouceux. «Chez nous, à LaMotte, on fait du pouce. Mais avec la face que j’ai, vous m’auriez peut-être pas embarqué. Finalement, j’en ai peut-être pas fait tant que ça!», rigole le chanteur, qui — fait insolite — sait donner à sa voix d’étonnantes sonorités «de personnage de Disney», comme le faisait remarquer ma copine Julie qui assistait à la prestation.

Puis, c’est au tour du contrebassiste Jean-Philippe Demers-Lelotte, affublé de l’affectueux sobriquet d’Harry Potter pour la soirée, de pousser la note, nous offrant en outre de fiévreux solos. Perron se doit ensuite de prévenir ses «très chers frères et sœurs» au parterre que, parfois, «c’est le temps d’une chanson grivoise!» La suave Toi et moi, c’est pour la nuit expose sans inhibition la torride romance entre un gars… et sa guitare! «Allez, fais-moi mal, Léandre!» lance-t-il au guitariste.

La communion tire bientôt à sa fin. Les musiciens enfilent «à une vitesse à écorner les bœufs», dixit le folâtre et hédoniste Perron, Florès «Gump» Dupras, hymne festif au bègue de LaMotte — véritable légende du village —, et Le grand violoneux, qui clôt le rassemblement dans l’alacrité portant la signature du band.

Perron — vainqueur des Francouvertes 2015, du concours du Festival de la relève indépendante d’Abitibi-Témiscamingue en 2007 ainsi que du Grand Prix de guitare de Montréal en 2008 — et la bande d’Élixir de Gumbo auraient sûrement apprécié un public s’abandonnant plus allègrement aux rythmes festifs, mais je n’ai aucun doute que les mélomanes se déchaîneront à moult autres occasions.

Je suis rentrée chez moi à pied, portée par l’envie de festoyer à nouveau au son de leur ardent bluegrass, bien enraciné dans l’américanité. Ça tombe bien, des dates pullulent partout à travers le Québec jusqu’à l’hiver !

Pour se procurer l’album Hamérricana en ligne, consultez bandcamp.