ABCDR du rap français en 2015 – Part 2

Le vendredi 11 septembre 2015 dans A l'écoute, Music

Chaque vendredi de Septembre, l’Arche Narrative nous dévoile son ABCDR du rap français en 2015, histoire de remettre les points sur les i. Aujourd’hui, la partie 2: les lettres E à J.

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Note de l’Arche Narrative à l’attention du rap jeu

Ça y’est on est vendredi ! Et comme tous les vendredis, l’ABCDR du rap français est de sortie.

Et c’est en partie grâce à vous, chers lecteurs ! Car suite au véritable tsunami de likes – au nombre de 7 – rencontré par la 1ère partie, BETC Pop a en effet décidé de me laisser pondre la suite des aventures du rap jeu.

Rien n’aurait su me faire plus plaisir ! Si ce n’est bien sûr vos réactions enthousiastes sur la toile et vos nombreux messages. Bon la plupart se résumait à des montages – assez blessants – de moi en train de me faire prendre par tout Sexion d’Assaut mais j’ai aussi eu droit à des billets doux. Ainsi Jonathan, rappeur confirmé et lecteur à ses heures, me fait savoir que la 1ère partie est « pourrie » et ne représente en aucun cas la vie du tieks. J’avoue que contrairement à lui je n’ai pas grandi à Fontainebleau donc niveau street cred il me met une belle bastos.

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Un des nombreux montages que j’ai reçu : j’ai du couper le bas de l’image pour ne pas choquer les plus jeunes mais je vous laisse imaginer comment Maska est en train de me manquer de respect.

D’autres lecteurs un peu plus sérieux faisaient remarquer avec justesse que déter voulait dire « déterminé » et en aucun cas « bourré » ou foncedé ». C’est vrai, j’ai fait le con. Ou plutôt j’ai fait un raccourci un peu audacieux. La définition donnée colle mieux avec « die » j’y consens. Cela dit, le forum blabla 12-25 me donne raison et j’ai envie de vous dire si on ne peut plus croire blabla 12-25, qui peut-on croire en ce bas-monde ?

Malgré ces critiques légitimes, l’ABCDR continue et pour fêter ça, nous allons aborder de nouveaux sujets brûlants qui agitent incessamment la sphère sulfureuse du rap jeu.
Z’êtes prêts ? Alors, sortez vos grinder, vos feuilles slims et vos bombes à graffer, je vous emmène faire une ballade dans la tess !

E comme EGOTRIP

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Un egotrip est un morceau dans lequel un rappeur crâne vachement. En France, l’egotrip est de plus en plus à la mode, conséquence logique de l’avènement de la trap. L’idée pour faire court : le rappeur pèse et il entend bien le faire savoir.

Par manque d’inventivité ou amour de la tradition, les thèmes abordés par le rappeur dans son égotrip sont souvent les mêmes : les sommes faramineuses engrangées par la vente de son dernier skeud, son succès indiscutable auprès de la gente féminine, et bien sûr, encore une fois, la taille de son sexe qui, chez certains rappeurs – Seth Gekko notamment – avoisinerait celle d’un cobra royal voire du Basilic de la Chambre des Secrets.

S’il dit vrai, on lui suggère dans ce cas d’éviter les pantacourts en été et de privilégier le boxer au speedo à l’Aquaboulevard, car ça doit être un drôle de bazar à gérer.

Voir aussi EP, EffGee, Elie Yaffa, Eskiss, Ekoué, Explicit Samouraï

F comme FLOW

Pour la prochaine fois, vous préparerez une rédaction sur qui a le meilleur flow sur cette track selon vous et pourquoi. Si vous n’y arrivez pas, vous pouvez raconter vos vacances d’été.

Le flow désigne le débit du rappeur, le peps avec lequel il déroule sa verve, la rythmique avec laquelle il fait groover le verbe. Pour tout rappeur aspirant, le saint Graal est donc de développer un «bon» flow.

C’est une chimère bien sûr tant il est impossible aujourd’hui de mettre qui que ce soit d’accord sur la définition d’un bon flow. Là où certains préfèreront un rythme rapide, dynamique, avec des breaks et des accélérations, d’autres préféreront un flow lent, haché, posé, voire bien foncedé. Avec la trap qui emporte tout sur son passage aujourd’hui, la mode est au flow lent.

En dépit des débats qui agitent sans cesse le rap game, on peut malgré tout proposer un échelonnement – subjectif bien sûr – de différents flows et tâcher d’avoir quelques repères :

20/20 : Booba dans « Mauvais Oeil »/ Doc Gyneco dans Première Consultation / Fabe dans « Détournement de son »

Lourd : Booba dans « Ouest Side » / Davodka dans « Un Poing c’est Tout » / Don Choa dans « Art de Rue »

Discutable : Booba dans « Duc » / Sneazzy West dans « Super » / Eff Gee quand il s’approche d’un micro

Turfu : SwaggMan / Amandine du 38 / Roi Heenok

Voir aussi Faster Jay, Freestyle, Fonky Family, Fabe, Fonky Flav, Fatal Bazooka, Faf Larage, Foolek, Fanatik, Freaknik

G comme GILDAS

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Doums, tranquille, fume une cigarette

Les textes de Nekfeu sont souvent forts, inspirés et truffés d’allitérations qui feraient se trémousser de plaisir une vieille prof de français. Et parfois, c’est juste n’importe quoi. Popularisé par le rappeur parisien et sa clique de l’Entourage, le terme Gildas fait son apparition au début des années 2010 : depuis on devrait savoir ce que ça veut dire. Mais non.

Apparemment ça aurait quelque chose à voir avec la tiz, le kiff, la sauce aidée par l’alcool, la prise de narcotiques et stupéfiants en tout genre. Mais on est sûr de rien. BETC Pop en partenariat avec l’Arche ont mis des gens sur le coup mais on a jamais eu de leurs nouvelles.

Voir aussi Gangster, Gradur, Go, Gamos, Gova, Georgio, Guizmo, Gringe, Guts

H comme HATER

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« euuuuuuh pardon mais moi quand j’écoute votre musique, tout ce que j’entends c’est : « j’veux de l’argent, j’veux des filles, j’veux des voitures…. » Ouais ouais ta gueule.

Le hater n’a pas la vie facile. En fait, la vie du hater est toute pourrie. Profondément aigri, animé par la solide conviction que le rap est mort et enterré depuis le dernier album d’Arsenik, le hater nourrit aujourd’hui une forte aversion envers toute forme de musique née après 2005.

Cette rancoeur se transforme en un foyer ardent de haine si la musique en question est diffusée à la radio voire – quelle horreur ! – clipée à la TV. Nostalgique du rap de la vieille école, incapable de vivre avec son temps, le hater est devenu tout bonnement invivable.

Sa meuf d’ailleurs l’a larguée, saoulée de le voir dépenser toutes ses économies dans des coffrets collectors d’IAM et des housses de couette Lunatic.

Jhon Rachid en a tellement sa claque des haters qu’il leur a dédié un morceau pour en finir avec eux. Le problème c’est que le morceau en question est tellement pourri que ça en a attiré encore plus…

Assez logiquement, le hater n’est jamais content et il tient à le faire savoir en passant le plus clair de son temps à bouder dans la section commentaires de Youtube. Cloîtré dans son petit appartement d’Argenteuil, il passe au crible toutes les nouveautés qui circulent et tire à bout portant sur celles qui ont le malheur de passer le cap des 100 000 vues. Ses commentaires toujours cyniques et désabusés varient du simple « put1 mais sans déconner c’est quoi cette merde » au fourbe « hinhinhin quand je pense que des blaireaux pensent que ça c’est du rap, ça me fait doucement marrer » ou encore « avant on faisait du vrai son, maintenant les soi-disant rappeurs font ça juste pour le buzz et avoir le plus de vues possibles… ».

Il passera ensuite le plus clair de son après-midi à compter les likes que récoltera son commentaire qu’il pense juste et pertinent.

Voir aussi Heisenberg, Hugo TSR, Hess, Heskis Hip-Hop, Hippocampe Fou

I comme INSTRU

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« C’est toujours les meilleurs qui partent en premier. » Cette célèbre maxime rend justice au grand Mehdi, qui nous a quittés trop tôt. Et elle explique aussi pourquoi David Guetta est encore en vie aujourd’hui.

Outre le talent du rappeur, son flow et la qualité de ses textes, ce qui participe de la réussite d’un morceau c’est bien sûr son instru ou « beat » comme disent nos amis outre-Atlantique. Si celle-ci est réussie, on dira de l’instru qu’elle est « lourde » voire « sale » ce qui n’a rien à voir avec l’hygiène du morceau attention, car je devine le regard perdu de certains internautes.

Alors à quoi ressemble une instru de rap ? Difficile de le résumer en peu de mots car la pratique du sampling est omniprésente et par ce biais le rap brasse énormément d’influences, emprunte à tous les courants musicaux qu’il s’agisse du jazz, du blues, du trip-hop et dans une moindre mesure de la musique classique. Mais pendant longtemps, sampler a surtout consisté à intégrer en guise d’intro ou d’interludes des extraits du 20h,des interviews d’homme politique ou encore des passages de films en VF avec de vieux messieurs qui expliquent en râlant que la vie c’est chaud patate.

Aujourd’hui l’instru a tant gagné en importance qu’elle encourage des journaux bobos – Snatch, Les Zinrocks, l’ABCDR du son – à pondre des phrases type « Sur « Jack Miel» Jul en décout avec la doxa sur une instru solaire et dépouillée ». WTF ?

Voir aussi IAM, Izy, IZM, Indépendant, (L’)Indice

J comme JACKDA

Contrairement à une idée largement répandue par les clips MTV et les interviews de SwaggMan, la vie de tout rappeur n’est pas faite de palace, de richesse et d’opulence. Montres en diamants, lunettes de soleil, hecto-kilos de white widow et belles tigresses lovées sur le chibre sont l’apanage de quelques rares élus dont le lifestyle a soigneusement été mis en scène pour asseoir une prétendue street crédibilité et vendre auprès des 11-15 ans.

Le quotidien du rappeur moyen est en réalité un poil moins stylé : le plus souvent encore chez ses darons qui réprouvent sa passion -pourquoi n’a-t-il pas plutôt fait un CAP chaudronnerie ? – fauché et incapable de se sustenter, le rappeur moyen évolue entre rageuse envie de percer et incertitude d’y parvenir un jour.

Ce quotidien précaire peut pourtant cohabiter avec une certaine renommée, un premier succès critique malheureusement insuffisant pour prétendre à son indépendance : normal les gens n’achètent plus de disques, mais ils ne manqueront pas de l’encourager avec ardeur sur Internet en lui rappelant surtout « de ne rien lâcher ». D’où l’égo important de l’artiste, conscient de son talent, et sa frustration de ne pas en récolter les fruits, victime d’un système qui ne le reconnaît pas à sa juste valeur.

En proie à ce mal-être, le rappeur sombre dans une léthargie entretenue par sa consommation de shittard bas de gamme et noie son chagrin dans l’alcool. Ou plutôt il se met de sales charges généralement sponsorisées par Jack Daniels qui semble pour une raison obscure le spiritueux favori de tous les rappeurs dépressifs.

Voir aussi JoeyStarr, Joke, JazzRap, Justice, Joint

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