MAP, Achigan et Athena à POP Montréal: TRH ou crève.

Mai 2001. Les élèves de cinquième année de l’école Marguerite D’Youville à Cap-Rouge s’amusent durant la récréation. On peut même dire que ce sont eux les rois de la fête, vu que c’est à eux qu’est reservée la zone de la cour où se situent les paniers de basketball. La belle vie.

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«Tu connais MAP? C’est des amis à mon frère. C’est eux qui font la chanson sur les Corn Flakes et le Secret de la Catong.

– Ah ouin? Il les connait? Chanceux!»

Il faut dire que si quelqu’un n’avait pas une copie de leur album Injustice for All, on avait utilisé Napster pour trouver ces titres locaux qui faisaient le grand plaisir des skaters qui allaient dans les spectacles organisés au centre municipal depuis 1995.

Avance rapide de 14 ans. MAP passe de phénomène local à un succès pan-québécois du punk. Jamais aussi grand que les Vulgaires Machins, certes, mais leur participation à la tournée 1,2,3, Punk de MusiquePlus leur a assurément donné une bonne visibilité. Si les membres du groupe ont fait des apparitions épisodiques dans certains projets, notamment le groupe Charlie Foxtrott, la formation carougeoise n’a pas été sur scène pour présenter son matériel depuis 2008. Après 7 ans d’absence sur scène, le groupe fait une dernière tournée d’adieu pour célébrer son vingtième anniversaire. La seule date dans la métropole a lieu au TRH-Bar, le 18 septembre, dans le cadre de POP Montréal. Je n’ai guère le choix d’y être; j’étais l’enfant impressionné par ces derniers dans la cour de récréation.

Quiconque se fiant au site web de POP Montréal pour ce spectacle subit la malédiction de l’inadéquation des heures entre le site, le programme et l’application (tel que référée ici) On m’indique qu’Athéna, quintette punk de Saint-Jean-sur-Richelieu signé chez Slam Disques, commence à 22h. Arrivé sur place à cette heure, il ne leur reste que deux titres. C’est ici qu’on réalise les dissensions entre l’heure des festivals, toujours fiables et stables, et l’heure des punks: jouer quand ça leur tente.

Toujours est-il qu’Athéna, du peu que j’ai pu voir, a proposé une performance solide où les coups francs frappent en pleine poire. Une excellente première approche qui n’a, certes, pas réussi à dégourdir le public, mais qui a laissé une bonne impression.

La chaleur devient de plus en plus étouffante dans le bar de la rue Saint-Laurent alors qu’Achigan s’installe sur scène. Projet du bassiste et chanteur Christian Jacques, la formation est complétée sur scène par deux membres de MAP, Guillaume Guité et Simon Viviers. Forts de la sortie de l’album La Société du mépris sorti une semaine auparavant, le groupe vient montrer son punk rock rapide, baveux mais, toutefois, plutôt bon enfant. On ne saurait dire si cela est causé par la blessure à la jambe de Guité ou encore par la succession des performances, mais l’impression est causée par l’excitation démesurée montrée par Jacques face à ses deux collègues.

Fébrile au point d’oublier les paroles de ses chansons, par moments, ou de surexpliquer le propos de ses chansons entre les pièces. La performance pourrait gagner en fluidité si on laissait le tout aller un peu plus. Il faut dire qu’il est difficile de faire avaler au public que son album est particulièrement «agressif et baveux» lorsque, dans la même phrase, on déverse son fiel sur les clients de la Cage aux Sports. Il est vraiment peu commode de trouver un album québécois et francophone sorti dans les dernières années qui soit plus (https://lesvilainspuceaux.bandcamp.com/album/les-vilains-puceaux-2) agressif (https://varger.bandcamp.com/) et (https://www.youtube.com/watch?v=4e-8Et0IE9s) baveux (https://lesguenilles.bandcamp.com/album/z-ro-pis-une-barre). Au moins, ils se sont repris en dénonçant la fermeture du Mail Cap-Rouge et, conséquemment, de la seule épicerie de l’arrondissement. La performance est néanmoins solide et le public commence à se bousculer un peu, en attendant le bouquet final.

C’est enfin à 11h45 que Mort Aux Pourris (MAP) prend la scène et balance près d’une heure et quart de punk rock rapide, agressif, sans équivoque et qui fait lever les pieds du sol en deux temps, trois mouvements. Avec le même aplomb qu’il y a sept, dix, quinze ans, les cinq hommes – redevenus garçons – offrent un panorama de titres tirés de leurs différents albums, en focussant particulièrement sur leur dernier opus, Repose en Paix, paru en 2006. Sur une toute petite scène comme celle du TRH-Bar, les deux guitaristes, le bassiste, le batteur et le saxophoniste prennent de la place comme quarante. Il faut dire que l’absence de véritable chanteur principal crée un dynamisme sur scène qui ajoute une dimension chaotique et festive.

En plus de déplacer de l’air comme pas une, la troupe a ajouté à son panel des invités pour ajouter leurs voix aux chansons. Nous avons donc compté sur scène l’ajout de Noé Talbot, Fortune Cookie Club pour À mes filles, Paul Cargnello pour Harpeur et Jessy Fuchs pour Malocervo, en remplacement de Vincent Peake qui s’occupe de cette pièce sur l’album.

Les titres interprétés par MAP, dont les plus récents ont neuf ans d’âge, étaient cruellement intemporels. Lorsqu’ils nous ont offert Harpeur pour la première fois, le titre inaugurait l’entrée au pouvoir du Parti Conservateur du Canada et, aujourd’hui, annonce peut-être la fin du règne de Stephen Harper. De même pour Tel Père, Tel Fils, qui parlait de la présidence du président George W. Bush mais qui préfigure, jusqu’à un certain point, la potentielle élection de Jeb Bush au même titre dans un an. Cependant, cette cure de jeunesse s’applique aussi au public, où les jeunes skaters et les bro se trémoussaient avec l’intensité d’adolescents criant à plein poumons «Ya basta!»

La soirée se termine vers 1h, et les rockeurs sortent du TRH-Bar grisés par leur soirée. En descendant l’escalier, nous sommes accueillis par la musique de Robin Thicke et les fêtards qui vont danser à l’étage en dessous. Une première douche froide avec celle qui nous attend à la maison pour laver la sueur, la bière et les autres saletés accumulées sur nos corps durant le spectacle.

Le groupe performera une toute dernière fois à Sherbrooke le 25 septembre prochain à la (nouvelle) Petite Boîte Noire. Profitez de la dernière chance de les voir sur scène, ainsi que de la dernière chance d’entendre les fréquences que vos acouphènes détruiront après le spectacle.