Ce sont les mots de Serge Gainsbourg qui amorcent ce soir le Festival international de la littérature. Jane Birkin, l’éternelle muse, ainsi que les comédiens français Michel Piccoli et Hervé Pierre honorent le talent de parolier de l’homme à la tête de chou, décédé en 1991, grâce au spectacle Gainsbourg, poète majeur. Au sein d’une atmosphère intimiste, les compères liront au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à 20 h, les paroles de dizaines de chansons, dépouillées de leur musique.
Crédit photo: Lou Scamble
Le public ne sera pas le seul à redécouvrir l’œuvre de Gainsbourg ; Birkin l’a également vécu. C’est le directeur artistique du spectacle, Philippe Lerichomme, complice de longue date de Gainsbourg et de celle-ci, qui a sélectionné les textes, ne lui confiant pas les Homme à tête de chou et autres Ballade de Melody Nelson qu’elle avait à l’époque inspirés à son amoureux. « J’ai découvert des chansons que j’ignorais, avoue-t-elle sans ambages en conférence de presse. La Saison des pluies m’emplit d’une émotion folle et elle a été écrite il y a… 50 ans. »
De ce spectacle émerge, comme l’indique le titre, le poète derrière le mélodiste. Surgissent des poèmes tout aussi grands que les chansons selon Hervé Pierre, membre de la Comédie Française, qui a grandi au son de Gainsbourg. « On retrouve la musicalité des mots, explique-t-il. C’était néanmoins difficile de ne pas entendre la musique des chansons que je connaissais trop. Je lisais des paragraphes versifiés, puis j’ai tout défait pour former plutôt de grandes phrases, me permettant de lire la pensée jusqu’au bout. On découvre un grand poète, plus qu’un compositeur-interprète. »
Un artiste qui lègue un héritage monumental aux yeux de Jane Birkin. « Il n’est pas resté coincé dans la même chanson, il est allé jusqu’au bout de sa création. Il a eu différentes périodes : une rose, une bleue, une cubiste… Je connaissais peu son œuvre d’ailleurs avant sa période bleue ; il détestait sa voix chantée. Il ne faisait pas jouer sa musique sur le tourne-disque. »
La mise à nu des textes en dévoile de très drôles, dissimulés sous des couverts peu joyeux, tout comme l’inverse. « Les chansons interprétées par France Galle passaient pour légères, mais lues, elles ne le sont pas du tout », dénote Birkin, qui ne connaissait pas Poupée de cire, poupée de son, résidant encore en Angleterre à ce moment. « Ce que je trouve beau dans la lecture des chansons, des poèmes de Gainsbourg, poursuit Hervé Pierre, c’est la sensation d’entrer dans son intimité, dans un endroit plus secret, de ne plus se trouver dans la chose publique. »
D’ailleurs, le principal intéressé aurait-il endossé le spectacle ? « Je n’en sais rien ; il était tellement imprévisible ! affirme la rouquine à la célèbre frange (qu’elle arbore toujours). Le culot de Michel et la drôlerie d’Hervé, il aurait adoré, ça, c’est sûr ! » Quant au titre du spectacle, Birkin s’est demandé s’il n’était pas un peu ampoulé, considérant que Gainsbourg, aussi féru de Rimbaud et d’Apollinaire fût-il, déclarait faire de l’art mineur. « Oui, mais il ne serait pas contre ! » lui a répondu Lerichomme.
On doit admettre qu’il est tout de même plaisant d’entendre de la bouche de Jane Birkin que Gainsboug n’était pas présomptueux. « Il savait qu’il était un excellent parolier, je pense, mais ce n’était pas de la prétention. Comme lorsqu’on lui a demandé ce que serait la fin du monde, et qu’il a répondu : ma mort. »
Aux côtés du volubile Hervé Pierre et de la sincère Jane Birkin, Michel Piccoli, monstre sacré de 89 ans du cinéma, peinait pour sa part à comprendre les questions des journalistes, y allant de réponses pour le moins nébuleuses. Comment avez-vous abordé la relecture des textes sur le plan du jeu ? lui demande une journaliste. « Comment j’ai abordé, quoi, ma vie ? J’en ai eu plusieurs ; c’est ma dernière. Enfin, je l’espère ! » Ses compatriotes clarifient la question. « On a abordé ça avec un observateur, un metteur en scène, un homme de diction merveilleux. Je ne sais pas ce que fait madame ma compagne. Toi, je sais ce que tu fais », dit-il, s’adressant à Hervé Pierre, « tu es dans le théâtre le plus important de la France. C’est pas de la merde ! Quant à moi, je suis toujours dans la folie d’être de plus en plus passionné, avec les fous et les menteurs. Je préfère les menteurs aux honnêtes, car les honnêtes ne sont pas honnêtes. » Ne manquant ni d’humour ni d’autodérision, il ajoute, à la suite d’une autre intervention quelque peu déconstruite laissant planer un silence dubitatif : « J’aime bien lorsque c’est assez silencieux; ça prouve que ce que je dis est très con ou alors très intelligent. »
Au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à 20 h.