Entretien avec A-WA, révolution électro yéménite

Publié le 20 octobre 2015 par Betcmusic @betcmusic

Le mardi 20 octobre 2015 dans Interview, Music

A-WA c’est Tagel, Tair et Liron, trois sœurs israeliennes qui bousculent les traditions en revisitant les chants traditionnels yéménites à la sauce électro hip hop. De passage en France, nous les avons rencontré pour parler de la sortie de leur EP «Habib Galbi». Ce son nouveau, véritable pépite sonore issue du désert, a déjà su convaincre un large public puisque le clip compte déjà plus de 1 500 000 vues sur YouTube. Succès international,  A-WA risque de faire parler d’elles pendant pas mal de temps.

Hello A-WA! Vous sortez votre premier EP le 2 novembre, vous pouvez nous dire où et comment a commencé l’aventure A-WA ?

Nous sommes habituées à chanter et jouer de la musique ensemble depuis que nous sommes toutes petites. Nous avons grandi dans un tout petit village isolé au sud d’Israël et le fait de pouvoir faire des tournées dans le monde entier a toujours été notre rêve. L’aventure a vraiment commencé il y a 4 ans lorsque nous nous sommes retrouvées toutes les trois dans la maison de nos parents. On ne voulait plus que notre musique soit uniquement destinée à nos amis ou voisins. On a voulu rendre ce projet plus professionnel et nous produire sur scène devant un vrai public.

Pourquoi avoir choisi de s’appeler A-WA ?

En slang arabe A-WA signifie « Yeah ». On voulait un nom qui soit à la fois facile à prononcer dans n’importe quelle langue mais surtout un nom qui transmette quelque chose de positif et énergique. C’était important que notre nom soit une ode à l’amour, à la liberté, à l’art. Les gens s’exclament « A-WA » lors des mariages yéménites. Ce mot est un leitmotiv, il apporte de l’espoir et de la joie.

Votre musique est décrite comme un mélange de folk yéménite couplé de beats électro. Qu’est ce qui vous a inspiré à combiner vos racines traditionnelles avec de la musique moderne ?

Avec A-Wa on voulait que la tradition orale yéménite prenne un sacré coup de groove. On considère notre musique comme du « Yéménite folk and beats », soit la combinaison de musique folk avec une touche de hip hop, reggae, ainsi que d’autres styles musicaux par lesquels nous sommes influencées. Notre musique représente ce que nous sommes : des femmes avec des origines yéménites, ayant grandi en écoutant de nombreux styles différents de musique. Notre musique nous permet de lier toutes nos facettes. Cela s’est fait naturellement.

Est ce que le fait d’incorporer des chansons traditionnelles yéménites fera parti de l’esthétique permanente d’A-WA?

 Pour le premier album on voulait revenir à la source et porter sur le devant de la scène des traditions musicales que les gens écoutaient uniquement lors de mariages et cérémonies yéménites. C’était important pour nous que les gens du monde entier puissent avoir accès à cet héritage musical . Pour le prochain album on ne veut pas s’enfermer dans un style particulier, on veut juste créer et voir ce qui sort de nous.

Comment réagissent les aînés à votre interprétation de ces chansons traditionnelles?

La tribu des vieilles femmes yéménites est très enthousiaste.  On reçoit de nombreux témoignages de sympathie. Elles sont très surprises par notre âge et notre capacité à parler yéménite. Elles nous encouragent à élargir notre vocabulaire. Notre grand-mère, par exemple, a recommencé à parler le dialecte depuis que nous nous produisons sur scène. Pendant de nombreuses années elle ne parlait que hébreu. Elle est très fière de nous et pleure à chaque fois qu’elle nous voit à la télé. Toute notre famille nous supporte et encourage. Au début, personne ne pensait qu’A-WA deviendrait le big hit. Mais surtout ils ne comprenaient pas vraiment pourquoi nous voulions réinterpréter ces chants traditionnels. Ils nous conseillaient de chanter du Jazz, de la Pop, de chanter en anglais afin que les gens puissent nous comprendre. On ne voulait pas commencer par quelque chose que l’on savait faire. Chanter en yéménite nous paraissait plus authentique, une manière de connecter ensemble notre passé et notre futur. On aime la fusion, combiner l’ancien et le nouveau. A la fin de notre clip « Habib Galbi » on porte une djellaba rose avec des sneakers. Porter des baskets de ville avec des habits et bijoux traditionnels yéménites permet de montrer qu’il ne faut pas avoir peur d’être qui on veut être. La couleur rose représente l’optimisme, la liberté et c’est pour cela que l’on part à bord de cette jeep qui nous conduit vers la liberté.

De quelle manière la collaboration avec Tomer Yosef  a fait évolué A-WA?

Collaborer avec lui nous a énormément influencé. Il est notre producteur, directeur artistique et un de nos managers. On le considère comme un Big Brother. A partir du moment où l’on a commencé à travailler ensemble il a eu une vision d’A-WA. C’est incroyable de travailler avec lui car il nous aide à comprendre comment on veut faire évoluer notre groupe. A la base on avait beaucoup plus d’influences musicales, mais Tomer Yosef nous a conseillé de nous concentrer sur le folklore yéménite. On a beaucoup grandi, professionnellement parlant, grâce à lui.

 Comment des artistes comme Ofra Haza vous ont influencé ?

 Nous avons grandi bercé par sa musique, elle est donc une de nos plus grandes inspirations. Elle est le symbole de quelque chose de très novateur et pur. Elle est l’une des premières à porter nos traditions sur le devant de la scène. D’une certaine manière, c’est elle qui a ouvert la voie à des générations de jeunes musiciens comme nous. Aharon Amram, pionnier de la musique yéménite a été une grande influence aussi car il a passé sa vie à essayer de préserver l’héritage des traditions yéménites en Israël.

En attendant 2016 et la sortie de leur album, elles seront au Petit bain à Paris le 11/11/15

Par Hélène Bourgois