L’action se déroule à Tahiti, dans un futur post-apocalyptique. John-Nathan et sa bande sont les surfeurs les plus cool de tout le Pacifique et rien ne vient perturber leur quotidien de surf, de baise, de haschich et de consommation de jus vert.
Photo: Toma Iczkovits
La paix règne jusqu’au jour où une blogueuse japonaise vient à leur rencontre pour les informer de la venue d’un tsunami qui engloutira l’île le lendemain. Faut-il fuir ou affronter cette vague parfaite? S’agit-il d’un signe de Mère Nature, causé par les réchauffements climatiques ou est-ce une autre manœuvre de l’Octopode, le monstre marin?
La Vague parfaite est un opéra-surf présenté par Le Théâtre du Futur jusqu’au 30 janvier à l’Espace Libre. La troupe habituée des spectacles musicaux dystopiques et absurdes, formée par Olivier Morin, Guillaume Tremblay et Navet Confit, plonge dans un projet qui vient secouer les conventions de l’opéra tel que présenté par les grandes institutions.
Il faut dire qu’après le succès de leur opéra-rock sur le surréel personnage de Clotaire Rapaille, la barre était haute. Alliés au pianiste et compositeur Philippe Prud’homme, les auteurs et le musicien ont décidé d’attaquer la figure vaine du surfeur, amalgamé avec celui du douchebag du New Jersey. Le spectacle, en deux actes enchaînés, tire à boulets rouges sur tout ce qui bouge, ce qui laisse une impression de manque de focus.
L’union entre la culture du surf et l’opéra est audacieuse et bien réussie; on parle de héros de la vague comme Pat Varoti et Mark Herview. La composition musicale réussit très bien aussi à mettre en relief l’idée des librettistes; quand les surfeurs Elena et Mike Coal décident de chanter en italien (simili-italien?), le rythme est rapide à la manière d’un chœur mozartien.
Quand Frantz le rasta décide de chanter en allemand (simili-allemand?), un hybride de Bob Marley et de Kurt Weil, on y croit aussi. Le travail de Prud’homme y est remarquable. Cependant, la faille de San Andrea Bocelli se trouve ici. Les dialogues et les airs se promènent entre le français, l’anglais, l’italien et l’allemand sans rime ni raison.
Les très bons chanteurs montrent leurs compétences dans chacune des langues prisées des compositeurs du seizième siècle à aujourd’hui, mais cette fluidité est inutile dans un récit clair. Si le spectacle était présenté comme un pot-pourri des meilleurs airs de surf, de Clementi à Britten, on comprendrait. Mais les personnages qui s’adressent entre eux en anglais pour le premier tiers de la pièce avant de changer au français et d’exprimer leurs émotions en italien, c’est plus difficile. Si au moins on nous avait indiqué qu’il s’agissait de G.O. dans un centre de villégiature.
On comprend que c’est pour l’humour. Le ton, d’ailleurs, fait mouche et le public rit aux éclats tout le long de l’heure et demie de la présentation. Et il est vrai qu’il est comique d’entendre deux surfeurs s’époumoner en italien pour réaliser, en lisant les surtitres, qu’ils parlent de « surfer avec sa snatch ».
Ceci dit, l’effet pourrait aussi fonctionner si on restait en français tout le long. Un spectacle comme celui des Trois Accords en version lyrique, présentée à l’OSM et à Juste Pour Rire fonctionnait bien avec la formule des langues variées parce qu’on appliquait de la grandiloquence à des textes que l’on connaissait bien, en plus de présenter des arrangements qui collaient avec la langue choisie pour la traduction. L’effet diffère ici, car on ne connait pas les textes présentés. Nous trouverions aussi drôle vos propositions si elles étaient toutes chantées dans la même langue; pas besoin de les camoufler.
Il m’a été difficile de comprendre la direction artistique des librettistes; voulaient-ils réinventer l’opéra ou le peindre en ridicule? Difficile à dire. Les chanteurs sont brillants – particulièrement Sylvain Paré et Cécile Muhire – et montrent leur expérience dans le domaine lyrique. Mais le ton est foncièrement humoristique. La mise en scène fonctionne bien et la musique est travaillée. Comme le surf, tout est une question d’équilibre et celui-ci est un peu ténu.
Que doit-on en penser? Probablement que je me casse trop la tête. Allez voir ce spectacle en gardant en tête les sages paroles de Mike Coal à sa sœur Gisèle: allez-y «avec [votre] snatch». Ne pas trop réfléchir et rester cool.