Koriass – Love Suprême : être de son époque

Publié le 05 février 2016 par Feuavolonte @Feuavolonte

Koriass

Love Suprême

7ième Ciel

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Koriass nous surprend au détour avec un quatrième album qui se veut un exercice thérapeutique fort créatif. Créé dans une bulle de renouveau musical et une soif de se prouver à soi-même, Love Suprême se révèle comme un projet conceptuel tout à fait brillant dans lequel le MC se réinvente sans se perdre.

Le rappeur Koriass aura usé ses sneakers longtemps sur la route du rap queb. Trois albums, deux EP et une armée de featurings plus tard, le natif de Saint-Eustache s’est retrouvé face à un défi de taille lors de la création de son quatrième opus. Se laissant ensevelir par les voix négatives dans sa tête, il est allé jusqu’à se laisser croire qu’il n’était pas à la hauteur.


C’est entouré du légendaire beatmaker Ruffsound et de l’homme aux 1000 talents Philippe Brault que Korey a su se retrousser les manches et achever un album qu’il voudrait considérer comme parfait.

Armé de 17 tracks, ce nouvel opus est d’abord et avant tout un exercice rafraîchissant qui fait réfléchir. Empruntant des avenues post-rap, les productions de Ruffsound sont modernes et variées. Il suffit de prêter l’oreille à Légendaire, Zombies et Nulle Part pour constater qu’on s’expose à un produit plongé dans le présent: productions riches, évolutives et variées. On y ajoute même la petite touche organique par l’entremise de vrais instruments saupoudrés ici et là (piano, flûte, basse). Korey Hart a voulu amener l’aspect musical à un autre niveau en ayant recours à Philippe Brault et celui-ci exécute le tout de main de maître.

Non seulement ces productions rehaussent le niveau, mais elles complémentent très bien les bars de Korey qui sont bien mordantes. Ce qui rend notamment les lignes de Koriass si intéressantes, c’est qu’elles paient leurs respects aux acteurs importants du hip-hop américain tout en prenant soin d’y insérer des références de chez nous. On fait des clins d’œil à Kanye West, Eminem, SchoolBoy Q, tout en usant d’un sample des sœurs Boulay, en saluant Watatatow et en citant les Colocs. Aussi, le MC est autant dans le brag (Leader) que dans la vulnérabilité (Blacklights), représentant bien l’ambivalence qu’on lui connaît.

Le concept global de l’album est également bien développé: on fait un voyage entre les deux oreilles de Koriass et on plonge dans ses pensées obscures à la recherche de l’approbation des autres. Bienvenu dans notre beau monde 2.0!

Les skits de Hate Suprême, livrés par la grosse voix de Gilbert Sicotte (Bouscotte all the way), viennent incarner les remises en questions qui hantent l’encéphale de Korey. Celles-ci sont finalement minées par le Love Suprême de la fin de l’album (la pièce-titre). C’est comme un voyage dans ses pensées vers une finalité qu’est l’amour propre et le besoin de nos proches.

Si Korey Hart avait commencé à penser davantage ses albums de manière plus conceptuelle sur Rue des Saules, il répète l’expérience sur Love Suprême, mais avec une richesse supplémentaire et un sens saisissant qui pousse le tout un peu plus loin.

Koriass prouve qu’on peut faire vieillir son art avec classe et culot grâce à un quatrième album qui est possiblement parmi ses meilleurs jusqu’à présent. Arrête de te faire valider par tes notifications et va faire une saucette dans le Love Suprême!