Le vendredi 19 février 2016 dans Interview, Movies
Le 2 mars sortira en salle « Belgica », le nouveau film du génial Felix Van Groeningen. Avec une bande originale signée des frères Dewaele de Soulwax, ce film est sûrement l’un des meilleurs sur l’univers de la nuit. Pour en savoir plus, nous avons rencontré son réalisateur.
Bonjour Félix, comment s’est initiée l’idée d’une collaboration avec les frère Dewaele (Cf. Soulwax) ?
Dès le début, je voulais leur en parler. Ce sont de très bons copains et même si je les voyais moins ces dernières années, on avait déjà travaillé ensemble par le passé. Ils viennent de Gand, ils connaissent l’histoire de la ville qu’ils affectionnent beaucoup. Et puis, musicalement parlant ils sont très doués et leurs goûts tellement éclectiques et extraordinaires.
Avez-vous écrit le film ensemble?
Non, je l’ai écrit avec un scénariste mais ils ont toujours eu leur mot à dire. Ils étaient très investis, ils voulaient toujours savoir pourquoi je faisais telle ou telle chose. Ils m’ont toujours dit ce qu’ils aimaient et n’aimaient pas. Mais, leur engagement s’est surtout fait musicalement parlant. À certains moments ils voulaient savoir pourquoi je voulais faire tel ou tel choix. Ils m’ont proposés des idées et parfois refusés certaines des miennes. On a beaucoup rigolé parce que j’avais écrit dans le scénario » un groupe gipsy jazz » et ils ne voulaient vraiment pas de ça. Je voulais aussi quelque chose de rockabilly et ils ont trouvé un moyen pour que ça convienne dans ce qu’ils voulaient. Ce qui est bien avec eux c’est qu’ils savent exactement ce qu’ils veulent et ne veulent pas. La collaboration a été extraordinaire. Ils sont un peu venus sur mon territoire, ils ont fait le casting des groupes que l’on voit, le styling, ils ont inventés le nom des groupes. Tous les groupes que l’on voit dans le film, ce sont leur invention. C’est une collaboration avant tout mais c’est surtout leur travail, vraiment.
C’était eux ou personne d’autre ?
Je ne me suis jamais posé la question. Comme j’en ai très vite parlé avec eux et que j’ai eu l’impression qu’ils voulaient le faire, la question ne s’est pas posée.
Est-ce que l’on pourrait dire que ce film est autobiographique ?
Mon père avait un bar à Gand qui s’appelait le Charlatan et ce film est absolument inspiré par celui-ci. Il l’a eu pendant 10 ans puis il l’a vendu à deux frères. Lorsque mon père l’avait il y a eu cette évolution musicale, ainsi que les changements avec les videurs, cela je l’ai vraiment vécu. Lorsque les frères l’ont repris ils ont dû tout recommencer et ils ont eu un peu la même histoire. Ça je ne l’ai pas vécu, mais ils m’en ont parlé et moi j’ai combiné les deux histoires, celle de mon père et celle des deux frères. J’en ai fait de la fiction. Donc, c’est d’une certaine manière autobiographique car j’ai vu beaucoup de choses qui se passent dans le film mais en même temps ce n’est pas du tout mon histoire ni celle de mon père. C’est un mélange étrange car c’est très proche de moi et à la fois pas du tout.
Tu parviens à dépeindre un certaine réalisme sur l’univers de la nuit….
Dès le début, on voulait que ça parle de la nuit d’une façon que l’on avait pas encore vu ou du moins très peu vue. Donc l’authenticité et les histoires étaient très importantes. Pour cela, on a fait beaucoup d’interviews. En écrivant, on savait, on sentait que la cruauté devait être présente, le fait que ça pouvait être très beau autrement. Pour moi, la nuit aussi c’était ça. J’ai travaillé dans ce bar, j’ai vu les moments dont je parle. Je travaillais et faisais partie de la famille du Charlatan. C’était génial et en même temps ça pouvait vraiment changer d’un moment à l’autre et devenir très agressif et très sombre. C’est un sentiment que j’ai pu beaucoup ressentir. À ce moment là je travaillais la nuit, je sortais énormément et ça me rendait triste. J’ai eu des supers moments, mais j’en avais marre. Je crois que tout ça c’est un constat sur la nuit que j’ai voulu montrer. Sur le coup on a l’impression que ça c’est la vie (les filles, l’alcool, etc), ça fait partie de la vie mais il y a beaucoup de choses plus importantes. Ça je l’ai compris assez vite je pense, et c’est là que j’ai vraiment décidé que je voulais faire du cinéma. Ça me rendait heureux.
Comment ton choix s’est effectué sur les deux acteurs principaux?
Pendant l’écriture, j’ai réalisé que je voulais exagérer l’idée de grand frère et de petit frère. Donc, de par la taille, avec un grand frère plus costaud et un frère plus jeune apparaissant plus fragile avec son aspect mince. On le voit lorsqu’il fait le trajet de jour et qu’il ne semble pas vraiment sûr de lui et en même temps il y a quelque chose de très beau et très tranquille, il suit son chemin. Pour son trajet, pour moi c’était important, comme dans le film « Un Prophète », que l’on voit cette évolution d’un gars pas costaud, un peu timide et à la fin c’est le grand patron. Il y avait l’aspect physique et puis Stef Aerts qui joue Jo, c’est un acteur qui donne tout mais il est beaucoup plus cérébral que Tom Vermeir qui joue Frank. Entre Stef et Tom ça a fonctionné de suite. Pour diriger, je fais beaucoup de répétitions, d’improvisations avant le film pour créer une confiance sur le tournage. Les deux acteurs principaux ont beaucoup travaillé sur le dialecte. Ils parlent tous les deux le dialecte de Tom. Stef a dû phonétiquement apprendre tout cela. Vous vous ne pouvez pas l’entendre mais pour les belges c’est incroyable. Eux ils ont fait ça ensemble, Stef ne l’a pas fait avec un coach.
By Hélène