Montréal en lumière s’est offert quelque chose comme un ladies night, hier soir. Elliot Maginot et Jesse Mac Cormack ont enchaîné leurs prestations de rock langoureux sur la scène de L’Astral, devant un public composé principalement de filles contemplatives.
Elliot Maginot et Jesse Mac Cormack (montage)/Photo: Élise Jetté
Arrivant sur scène vêtu d’une étrange tunique verte à motifs, Elliot Maginot entame les festivités et enflamme les jeunes femmes aux voix aiguës. Sous les cris stridents, il enchaîne quelques pièces de son premier album, sorti l’an dernier.
Contrairement à son lancement (la dernière fois où je l’ai entendu), on perçoit beaucoup sa voix qui se superpose joliment aux instruments plutôt que de s’y perdre. On ne peut qu’apprécier davantage l’ensemble.
Musicalement, les percussions révèlent une utilisation très juste de la cloche à vache, instrument trop hautement sous-estimé dans la musique actuelle. Chapeau au batteur.
Elliot Maginot/Photo: Élise Jetté
«Bonjour, bon matin, bonsoir», formule Maginot, ignorant visiblement l’heure qu’il est. «Vous vous demandez probablement tous: mais qu’est-ce qu’il porte? Je suis chargé de magie vaudou. Ça vient de Port-au-Prince», répond-il à sa propre question sans donner davantage de détails. Très inquiétant.
Malheureusement (ou heureusement), mais surtout, étrangement, mon appareil-photo subit un étrange bogue (à cause du vaudou?) à ce moment précis et jusqu’à ce qu’il retire ledit vêtement, m’empêchant ainsi de vous fournir une image à l’appui.
Avant d’interpréter Jepeto, il souligne que ce show «à la maison» est énervant parce que sa mère, sûrement son père et sa sœur sont présents. Un homme étrange s’écrit «t’es bon!», avant qu’Elliot Maginot confirme qu’il ne s’agit pas de son père. Très troublant.
Jepeto, c’est LA toune de deux filles hystériques qui décident de troubler le quotidien paisible des gens placés en avant de la scène afin de pouvoir sentir l’haleine d’Elliot Maginot de plus près.
Elliot Maginot/Photo: Élise Jetté
D’une lourdeur sans nom, les deux demoiselles tentent en vain de chanter les paroles de la chanson en français de Maginot, Le siècle bruyant. Échec cuisant suivi de hurlements presque aussi désagréables que la sirène ignoble annonçant le déneigement dans les rues de Montréal.
C’est à ce moment que l’une des deux filles commence à soutenir son coeur avec sa main, frôlant probablement l’arrêt cardiaque:
Avec Marianne Bertrand au violoncelle, Elliot Maginot est, pendant un moment, en formule duo avec cette nouvelle acolyte. «On a pratiqué juste deux fois cette semaine, précise le chanteur. En fait, on a plus mangé des biscuits que pratiqué.»
Annonçant qu’il a arrêté de fumer il y a deux semaines, le principal intéressé souligne que sa voix n’est plus la même depuis qu’il est non-fumeur. «Je vais sûrement recommencer à fumer dans 30 minutes. Mieux vaut mourir avec une belle voix», confie-t-il, telle une publicité de Santé Canada.
Précisant que Jesse est nerveux quant à sa prestation qui suivra, Elliot Maginot souligne qu’il est un peu jaloux de son ami qui sait, selon ses dires, faire à peu près tout mieux que lui.«Par contre, on a fait une entrevue en duo pour la télé récemment et pour ça, je suis vraiment meilleur», ajoute-t-il en riant, avant que Jesse lui lance une banane à partir des coulisses:
En conclusion, l’intimité de la salle permet une meilleure proximité avec l’artiste, au grand plaisir des adolescentes, mais le fait qu’on puisse mieux percevoir les voix est un point hautement intéressant qui permet à la présence scénique d’être perceptible.
Jesse Mac Cormack/Photo: Élise Jetté
La prestation de Jesse Mac Cormack débute 15 minutes plus tard. Assis sur une chaise, seul au centre de la scène, Jesse entame He Knows. Au milieu de son île, couvert d’un éclairage épuré, il s’exécute comme si la foule n’y était pas.
Rejoint par ses musiciens, il propose une version plus groovy de No Other en accentuant les pauses durant des silences étirés où l’on n’entend pas un son.
Déployant ses talents de guitariste érudit, Jesse est continuellement en communion avec son instrument qui agit définitivement comme le prolongement de son être.
«Elliot est plus drôle que moi, mais je suis meilleur pour faire des solos, lance-t-il en s’adressant à la foule pour une première fois après cinq pièces. C’est la seule joke que je vais dire», dit-il en riant.
Jesse propose une performance généralement rock, avec des solos impressionnants qui captivent et envoutent.
Jesse Mac Cormack/Photo: Élise Jetté
Faisant fi des formalités, Mac Cormack annonce: «on pourrait faire une autre chanson et le rappel, mais on peu juste faire trois autres chansons de suite, aussi.» C’est ce qu’il fait.
Parfait.
Après Too Far Into, l’artiste délaisse momentanément son band pour une pièce plus folk où il chante:
This lover ain’t blind
This lover ain’t mind, but she acts like she is
Très joli.
Jesse Mac Cormack/Photo: Élise Jetté
Durant toute la soirée Jesse Mac Cormack s’exécute comme si une bulle enveloppait son band et lui. Ce n’est pas commun de jouer ainsi.
À mes côtés, une jeune femme discute avec une autre: «Il n’a vraiment pas parlé beaucoup entre ses tounes. C’est décevant.»
J’ai envie de lui demander pourquoi elle est venue. La musique qu’elle a entendue est sans doute l’équivalent d’un post-doctorat en déplacement des doigts sur une guitare. Je choisis de me taire.
Jesse Mac Cormack/Photo: Élise Jetté
C’est un reproche général qui est souvent fait aux musiciens: de ne pas interagir adéquatement avec leur public. Je crois qu’il est nécessaire de constater qu’il est nettement non-nécessaire de s’esclaffer entre deux moments de totale fusion musicale avec un artiste. Mieux vaut ne maîtriser qu’un seul art, mais le posséder complètement.
Les musiciens doivent-ils être humoristes? Non. Le genre de groove entendu ce soir est la conséquence d’un style introvertie qui permet à des moments artistiques aussi puissants d’exister. L’artiste crée ce qui le fait sentir bien. En le sortant de ce pour quoi il est doué, on risque de perdre l’essentiel.
Jesse finit son set avec le sourire, complimentant son band pour le groove.
Jesse Mac Cormack/Photo: Élise Jetté