Henry Rollins au Centre Phi : de colère et de curiosité

«Merci beaucoup pour la conférence, François. J’ai manqué un bout tout à l’heure, donc vous me direz si je fais une redite. Comme on en parlait juste avant, il y a eu quelques dissensions dans [Bérurier Noir] vers la fin, alors, je me demandais ce qui avait mené à la reformation et la nouvelle déformation en 2003.
– …excusez-moi, est-ce que je peux aller faire pipi?»

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Mon échange avec François Guillemot, ancien chanteur de la formation Bérurier Noir, lors d’une conférence de trois heures, sans pause, qui s’est déroulée à l’UQAM en octobre 2013 a fortement inspiré une de mes grandes collections, celle des échanges publics malaisants avec des icônes du punk. Samedi dernier, j’ai tenté d’ajouter è cette collection lors de la discussion offerte au Centre Phi avec l’artiste multidisciplinaire Henry Rollins, ancien chanteur de Black Flag.

Le 20 février, l’institution montréalaise invitait le chanteur-acteur-chroniqueur-conférencier-motivateur (ou «opportuniste crasse», pour reprendre ses mots) à présenter le long métrage He Never Died, où il incarne un cannibale immortel désabusé. Le tout était précédé d’une longue conversation allant de la politique américaine, sa rencontre avec David Bowie, ses motivations et l’état des lieux de ses trente-cinq ans de carrière dans l’œil du public. L’occasion était parfaite pour avoir un échange malaisant avec le chanteur. Tâche que j’ai…

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…quasiment réussi. Au moins, j’étais dans le même bâtiment.

N’empêche que, comme dirait Rocky dans son discours victorieux après le combat contre Ivan Drago, au cours de la soirée, il y a un tas de trucs qui ont changé. Il est facile de se laisser intimider par l’homme, toujours sur le vif, que l’on a vu être menaçant tant et tant de fois dans des vidéos d’archive des spectacles de Black Flag dans les années 1980. Rollins, cependant, se présente comme quelqu’un d’humble et d’excessivement honnête. «J’ai grandi dans une culture punk. Je suis redevable de tout ce que je dis. C’est pour ça que je serais un mauvais politicien.»

Rollins associe son succès à ses origines. N’ayant qu’un diplôme de high school et ayant été formé à servir des boules de crème glacée et déchirer des billets de cinéma, il sait que son succès actuel ne tient qu’à un fil. Son secret est de dire oui (ou presque) à tout et de donner le meilleur de soi-même pour développer de nouvelles compétences pour éviter le retour inévitable vers le travail au salaire minimum auquel il était destiné.

Son parcours n’est pas sans rappeler celui de la génération Y, qui grandit dans un monde où la stabilité d’emploi relève de plus en plus de la légende et où le multitasking est une qualité recherchée. Le journaliste Michael-Oliver Harding aborde le sujet avec brio, tout en naviguant entre les différentes sphères de la vie du personnage.

Au bout de la conversation et des questions du public – toutes posées par des hommes, alors que Rollins déclare qu’il a adoré le fameux Because it’s 2015 de Trudeau – on tente de retenir l’essentiel du message. Le personnage est mué par deux forces: la colère et la curiosité. Lorsqu’il fait de la charité, ce n’est pas par amour de la cause, mais par haine de ce qui l’a perpétrée. Ce qui l’aide à se lever le matin, c’est de voir que le monde ne s’est pas assez amélioré et pas aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité. Tout doit être rapide et explosif. Comme des chansons de Black Flag, qu’il ne décrit pas comme de la musique, mais comme des hymnes de guerre qui détruisent tout pour que le public, après une telle catharsis, en ressorte avec un sentiment positif et constructif.

Positif et constructif, c’est aussi le sentiment que laisse une rencontre avec Rollins. Il est venu nous dire bonjour dans notre salle de projection, avant le film, mais je ne suis pas resté. Je n’ai pas non plus voulu lui parler dans le hall, ni le prendre en photo comme un animal rare. Ce n’est pas ce qu’il aurait voulu. Pour en savoir plus sur le film He Never Died, voici la bande-annonce. Pour ma part, je ne pouvais pas rester. Il fallait que je canalise le tout pour écrire un texte que vous lisez maintenant.