J’ai peut-être perdu l’habitude des Francouvertes, mais il me semble que le Lion d’Or a rarement été aussi rempli que lors de la quatrième soirée de l’édition 2016 qui mettait en vedette Dans l’Shed, La Famille Ouellette et Caltâr-Bateau. Même l’animateur Claude Gingras nous a annoncé qu’ils avaient dû refuser des gens à la porte. L’ambiance était donc survoltée pour cette édition où certain-e-s risquaient de se faire détrôner du palmarès.
Francis Faubert, Antoine Corriveau et Dany Placard/ Photo: Étienne Galarneau
C’est donc devant un Lion d’Or en ébullition que les alumni des Francouvertes Francis Faubert, Antoine Corriveau et Dany Placard ouvrent le bal. Présentés comme les «Gentlemen sales», on découvre que les trois musiciens partagent une belle chimie et constituent un trio de gentlemen hautement plus intéressant que le triplé Garou-Corneille-Roch Voisine. Chacun d’eux interprète un titre de son répertoire, accompagné par les deux autres, en plus de glisser un mot sur leur expérience respective au fameux concours.
Entre Faubert et Corriveau qui s’échangent des pointes sur leur passage lors de la même édition («J’t’ai tu haïs…» «Moi oui. Parce que t’étais allé en finale pis pas moi», de remarquer Corriveau) et Placard qui mentionne être arrivé parmi les derniers il y a dix-sept ans, on voit que la cordialité règne sur scène. Ce dernier termine d’ailleurs la prestation avec son titre Parc’qui M’fallait, qui traite des revers de la médaille de la vie de musicien. Un message d’espoir pour les premiers évincés de la courante édition des Francouvertes.
Dans l’Shed/ Photo: Étienne Galarneau
Le volet concours commence avec le duo gaspésien Dans l’Shed, qui propose du country-blues rappelant l’esprit des boîtes à chanson. Les interventions sont rodées et quand même amusantes. Leur pédigrée, qu’ils évoquent sans cesse sur scène, explique bien leur aisance sur scène; en deux ans, ils ont tourné à travers le Canada et l’Europe. Ces tournées sont d’ailleurs bien présentes dans les textes des chansons, lorsqu’elles ne parlent pas de manger du spaghetti au Cheez-Whiz après une peine d’amour.
On remarque que la grande qualité musicale de Dans l’Shed se situe surtout au niveau de leur jeu de pieds et, lorsqu’André Lavergne et Eric Dion se présentent, ils le soulignent encore plus. En spécifiant que l’un d’eux joue, notamment, de la tambourine au pied et l’autre de la «grosse caisse dans une petite boîte», on réalise que c’est là que se trouve le point de focalisation pour le public. On doit en comprendre que, au fond, Dans l’Shed, en voulant que le public regarde des pieds, fait de l’anti-shoegaze.
Pieds/Photo: Étienne Galarneau
Après une séance de vote et de bousculades générales pour se déplacer (je m’excuse envers Les sœurs Boulay, je crois que j’ai passé la moitié de la soirée à les bousculer pour aller au bar ou aux toilettes), La Famille Ouellette s’installe sur scène. Tout de rouge vêtu («On a des criss de beaux jackets», disent-ils dans une chanson), le sextuor épate par son énorme instrumentation et la place qu’il prend sur scène.
La performance très pop commence par la troupe qui crie «Bukkake!» et balance des tubes les uns à la suite des autres. Difficile de croire qu’il s’agit de leur première performance à vie. Avec tous les membres de la famille échangeant les instruments et allant des chansons sérieuses au délicieusement ridicules, la Famille en met vraiment plein la vue. On retrouve une certaine sensibilité pour les sons électroniques dans leur utilisation des synthétiseurs, ce qui nous permet de dire que, fusionnés avec leurs criss de beaux jackets, les membres de La Famille Ouellette apparaissent comme un heureux mélange de Misteur Valaire et La Famille Slomo. Dans le bon sens.
La Famille Ouellette/ Photo: Étienne Galarneau
«On n’a jamais joué devant un public aussi attentif. On est très loin de Trois-Rivières. D’ailleurs, pauvre eux, à Trois-Rivières; ils ont trois fois plus de chances de se néyer…» C’est devant un public captif et, à entendre la pétarade d’applaudissements à leur entrée, conquis d’avance que Caltâr-Bateau prend place sur scène. Avec un grand naturel et une aisance que seul un groupe qui a fait son lancement d’album au Lion d’Or peut avoir (n’est-ce pas?), le septuor présente des succès de son dernier album La Bavure des Possessions. On note une interprétation très intime de la pièce Moins puissant que Brel, qui a sans doute séduit les quelques personnes qui ne connaissaient pas déjà l’ensemble. Une performance sans failles et fidèle à ce que la formation nous a présenté dans les différents festivals l’été dernier.
Caltâr-Bateau/ Photo: Étienne Galarneau