Le Théâtre Sainte-Catherine affichait des allures de monastère hier soir, pour la première de Fanny Bloom en solo, un spectacle tout en finesse qui appelait au silence complet. Dans ce mutisme biblique et théâtral, personne ne bougeait de peur de faire craquer une chaise, une épaule ou un genou. «Vous avez le droit d’applaudir, tsé», a permis Fanny.
Fanny Bloom/Photo: Élise Jetté
Mis en scène par Jean-Simon Traversy, le nouveau spectacle de Fanny Bloom est comme un pot de crème glacée à la pâte à biscuits: tu le consommes au complet en te vidant de tes larmes, mais ça te fait sentir tellement mieux.
Seule devant un piano encastré dans une structure d’acrobate du Cirque du Soleil, Fanny Bloom ne fait pas d’arabesques ni de roulades. Elle reprend ses plus belles chansons en versions plus-que-parfaites, magnifiées par la puissance de l’épuration. C’est Renaud Pettigrew, qui a travaillé avec Robert Lepage, qui fabrique l’univers lumineux qui enveloppe la prestation.
Des chansons de ses deux albums (Apprentie guerrière et Pan), des morceaux de son (feu) band, La patère rose, et des reprises de Barbara et Martine St-Clair sont regroupés dans ce concert que l’on vit telle une expérience cosmique. Un album contenant dix de ces chansons sort aujourd’hui.
Au-delà de l’arrangement piano-voix, des cuivres (Thomas Hébert) et des cordes (Pilou) sont audibles. En concert, certaines ambiances agrémentent l’aspect théâtral. Un orage et une forte pluie s’abattent entre autres sur la chanson Parfait parfait. C’est comme s’il pleuvait pour vrai.
«C’est théâtral han?», lance l’auteure-compositrice alors que toutes les lumières s’éteignent au début d’une chanson. Sous les rires, elle demande toutefois un faisceau lumineux. «C’est que je ne vois plus mes touches…», avoue-t-elle.
Chaque pièce me rentre dedans avec l’impact d’une histoire personnelle douloureuse ou tendre qui te revient en tête au moment où tu ne t’y attendais pas. Je suis probablement SPM, mais il n’y a pas que ça. Plusieurs tounes du spectacle font couler des grosses larmes, mais ça fait du bien.
Mais il n’y a pas que des larmes ici, les amis! «Je vais rocker Piscine piano-voix, tout le monde. C’est pas rien!», dit l’artiste qui précise qu’elle n’a pas QUE sélectionné ses tounes dramatiques.
«Si vous avez plus de 25 ans, vous devriez pouvoir chanter celle-là avec moi, annonce Fanny Bloom avant de reprendre Danse avec moi de Martine St-Clair. Je me suis fait avoir par un public trop jeune à Sherbrooke la semaine dernière!»
À la fin du show, tout le monde applaudit ben fort, mais tout le monde est fourré parce que Fanny ne quitte pas la scène pour qu’on puisse la rappeler. «Il n’y a pas de backstage ici, mis il me reste deux tounes si vous voulez», enchaîne finalement la chanteuse. Fiou!
Fanny Bloom/Photo: Élise Jetté
Elle s’exécute avec une reprise a cappella de Dis, quand reviendras-tu? de Barbara, debout à côté de son piano. «C’est ma chanson préférée», dit-elle. C’est la mienne aussi. Je la chante systématiquement dans ma douche pour me faire croire que je sais chanter sous le jet d’eau qui enterre mes fausses notes. Fanny, chantant à la verticale sans instruments, semble faire une reconstitution de mes concerts de salle de bain, hormis la partie «chanter vraiment faux» qui n’est réservée qu’à moi.
Fabriquant un genre de bateau avec les éclairages de la structure, Renaud Pettigrew se surpasse pour la dernière chanson, La barque. «Je vous embarque dans ma barque», conclut Fanny Bloom, véritablement meilleure pour maîtriser la musique que les jeux de mots.
Au final, difficile de trouver des failles dans ce plan agréable. J’ai toujours aimé les morceaux revisités. J’ai peut-être donc un parti pris ici. Une totale maîtrise du remake est néanmoins palpable dans l’art de Fanny Bloom. Ça, c’est objectif.
L’album solo de Fanny Bloom paraît aujourd’hui, vendredi 25 mars, chez Grosse Boîte.