Woodman : À fleur de peau, mais jamais désarmé

Woodman

Assimilation

Moondan Records

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Pas évident de faire sa place en tant que emcee anglophone dans le paysage du rap queb. Le rappeur du West Island Woodman en sait quelque chose: il multiplie les projets pour laisser une marque indélébile dans la Belle Province (à ne pas confondre avec le resto). Au fil des années, le emcee au chapeau de pêche a su s’outiller en utilisant son acharnement et sa passion pour le rap comme carburant pour mettre ses propres albums et mixtapes sur pieds. Après plusieurs années de préparation, le maître de cérémonie présente finalement son projet le plus ambitieux : Assimilation.

Cumulant des textes mordants et des idées plus élaborées, Assimilation se veut un exercice introspectif où le rappeur se dévoile plus que jamais. Le tout est présenté dans une formule rap résolument old school, à l’image des influences east coast du principal intéressé. Woodman a-t-il toujours les moyens de ses ambitions?

Assimilation se présente d’entrée de jeu comme un album conceptuel divisé en phases distinctes. Possiblement inspiré par la trame narrative de Good Kid, m.A.A.d. City, Woodman expose les expériences de vie et évolutions personnelles qui l’ont mené à vouloir devenir machine. À travers tout ça, on passe notamment par ses frustrations personnelles, ses relations houleuses avec autrui et son mode de vie parfois problématique. Plus il se confie à l’auditeur, plus il réalise qu’il veut garder sa part d’humanité malgré ce désir de devenir une machine de rap sanguinaire qui écraserait ses rivaux. Un intéressant cocktail d’humilité et d’arrogance, Assimilation dispose d’un concept bien pensé qui donne un fil conducteur globalement bien ficelé.

Côté production, Woodman s’est armé des beats de Nino Ice, Chukk James, Smilé Smah, Steve Kang, Skribe et du rastaman montréalais Soké. Ce dernier signe une majorité de productions assez crues, mais bien convaincantes que l’homme de bois exploite habilement au rythme de ses capacités. On n’a qu’à prêter l’oreille à la dureté de Kick In the Door et Walk In My Shoes, par exemple, pour le constater.

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Côté flow, Assimilation est généralement plutôt incisif. Sur les productions les plus dures comme les plus légères, le narrateur martèle efficacement ses rimes dans d’intéressants et bien créatifs patterns pour la plupart bien concoctés et structurés. Les amateurs de bars seront servis! La touche globalement influencée par la Côte Est américaine est occasionnellement contrebalancée par de lourds refrains, apportant ainsi un soupçon de dirty south (Woodman écoutait possiblement pas mal d’A$AP Rocky pendant la composition de cet album?) Cela dit, la marchandise est livrée.

À travers ses lines toujours aussi senties, une production plus léchée (quoique toujours raw) et une intéressante approche conceptuelle, Woodman aura finalement mené à terme son projet le plus abouti jusqu’à présent. Dans la même lignée que Monk.E un peu plus tôt cette année, il y a de ces rappeurs d’ici qui, à contre-courant de la mêlée post-rap actuelle, réussissent à rendre un produit efficacement fidèle à la scène d’antan tout en ayant les pieds dans le présent. Big up!