La grande enquête du meilleur public des Goules : édition Montréalo-Maskoutaine

Publié le 26 avril 2016 par Feuavolonte @Feuavolonte

La nouvelle est arrivée à mes oreilles pour la première fois à l’automne 2015, quand un ami m’a interpelé alors que je portais mon chandail des Goules. «Hey, Les Goules, tu sais qu’ils font une tournée bientôt?» Médusé, je réponds que c’est impossible. Pas selon l’entrevue longue, donnée à Michaël Bergeron dans le Voir. «Si les Goules reprennent le plancher, c’est qu’on va avoir du nouveau stock.» À moins que…

Les Goules/Photo: Etienne Galarneau

Depuis l’automne, donc, je vis un Noël inversé; plutôt que de compter les dodos avant le passage du père Noël, je compte ceux où je me réveille dans un monde où aucune tournée ou nouvel album pour mon groupe favori n’est annoncé.

J’ai découvert la bande de Keith Kouna à 16 ans, alors que j’amorçais mon entrée au cégep et qu’eux faisaient leur tournée d’adieux en promouvant leur dernier album en date, Les Animaux. J’ai eu la chance de les voir trois fois durant cette tournée puis, ensuite, quatre fois après leur soi-disant trépas.

On peut même me voir dans la plupart des vidéos YouTube de cette période. Exemple: à 2:08 de l’extrait de «C’est quoi ton son?», interprétée durant leur spectacle de 2012 au Scanner à Québec, on voit jeune-moi, hésitant à porter la barbe ou non, qui vole le micro de Kouna pour compléter la phrase «une pute de fer, yeah / celle-là qui t’a vu naître». Un grand moment.

Bref, je les attendais. Je n’avais pas assez d’aller voir Kouna dans tous ses spectacles de rodage pour la tournée de Du plaisir et des bombes et lui demander qu’il joue Ses Gros Seins Ce N’est Que Du Tape À l’Œil, extrait d’une minute, caché dans les vingt minutes de contenu supplémentaire de l’album Memories (allez regarder vos affaires, les smatts). Il fallait la formation complète, avec les costumes, les ritournelles de scène qui introduisent les mêmes chansons. Tout.

Égoïstement, je n’aurais pas voulu qu’un collègue couvre leur spectacle. Sauf que mon attente est si grande que j’aurais probablement offert une mauvaise critique. «Hey, ils n’ont pas fait telle chose qu’ils ont faite les sept dernières fois et ont préféré innover. Je suis scandalisé. Aux poubelles». Non. Vous valez mieux que ça.

Du coup, on profite de leur tournée pour ouvrir une nouvelle chronique: Où est le meilleur spectacle? (nom très, très temporaire).

Entendons-nous: j’aurais eu de la difficulté à être pleinement objectif sur un spectacle des Goules. Je vais aimer ça et vous défendre que c’est une expérience transcendante qui mérite d’être vécue ad nauseam. Ça ne mène pas à grand-chose. À la place, nous allons prendre toutes les occasions possibles pour aller voir le spectacle – si possible le même, et évaluer l’état des lieux. Où est la meilleure foule? Quel est le meilleur contexte de spectacle? Un festival? Un petit bar? À Montréal? Québec? Chicoutimi? Le moyen optimal de le savoir, c’est d’évaluer les lieux dans le cadre du même spectacle.

La grille d’évaluation sera donc la suivante: Setlist, Engouement de la foule, Énergie sur scène.

Biais méthodologique: s’ils décident de jouer Ses Gros Seins…, le spectacle sera automatiquement «le meilleur qu’ils auraient pu donner» et le contexte gagnera celui de «meilleur pour voir un spectacle».

J’ai un biais méthodologique.

Les deux premières destinations sont: Montréal (22 avril 2016) et Saint-Hyacinthe (23 avril 2016).

MONTRÉAL

Le doublé Montréal-St-Hyacinthe est intéressant puisque tous les deux présentent Deux Pouilles en Cavale en première partie. La similarité et la capacité d’évaluer les deux publics sont particulièrement fortes.

On entre donc dans la Sala Rossa au moment où les Pouilles commencent leur spectacle. Il va sans dire que ces trois gaillards ont toujours le don de nous surprendre avec leurs structures déconstruites, leur virtuosité et leurs chorégraphies minimalistes, mais efficaces. L’échange d’instruments entre le batteur Pascal Rousseau et le multi-instrumentiste Simon Gauthier permettant à Rousseau de faire un long monologue dans un micro individuel est toujours un moment qui laisse présager un gain considérable de folie dans la performance. Le groupe est rodé, efficace et solide, mais la foule est très peu réceptive. Se gardent-ils des forces pour Les Goules ou sont-ils foncièrement ennuyants? La suite nous le dira.

Deux Pouilles en Cavale/Photo: Etienne Galarneau

Ensuite, se présentent finalement Les Goules. On peut sortir la grille d’évaluation.

LISTE DES CHANSONS JOUÉES:

Parle Parle, Bouddha, Taupe, Matelot, Fifotte, Coat de Cuir, Blanc Bœuf, Coma, Piranhas, Folk, Les Animaux*, Fétiche, Kill, Régimes, Vendeur, Pendaison, Baleine, Crabe. EN RAPPEL : Biker, Dynamite, Ville.

Évidemment, puisque la tournée est pour faire la promotion de Coma, le dernier album de la bande à Kouna, on devait s’attendre à une prestation riche en titres de cet opus. On remarque cependant une présence plus marquée des classiques de leur album homonyme et un peu moins de Memories et Les Animaux. Memories est tout de même présent en fin de parcours, mais, durant les quatorze premiers titres, on se demande si, avec recul, il ne serait pas l’enfant faible des quatre albums dans le regard de ses parents. À quatre titres contre deux pour Les Animaux, on rectifie notre jugement.

Les Goules/Photo: Etienne Galarneau

*Les Animaux se trouve à cet endroit dans le setlist, mais très clairement, la pièce était réservée pour plus tard, car que le groupe passe cinq minutes à s’obstiner que ce n’est pas celle qu’ils avaient préparée, alors que Kouna, l’ayant introduite, a juste mal lu sa feuille de route collée au sol. On présume qu’elle devait se glisser juste après Fétiche.

ENGOUEMENT DE LA FOULE:

Peut-être en fait que l’aspect «enfant faible» qu’on a cru déceler pour Memories et Les Animaux n’est pas dans l’œil des artistes, mais du public. La foule se déchaîne sur les titres de Coma et de l’album homonyme, mais bien vite, je réalise que je suis le seul qui s’énerve dans le moshpit pour les titres du troisième album. Certains me dévisagent même quand je scande la liste de prénoms dictés dans la chanson titre de Les Animaux. L’énergie regagne cependant lorsqu’ils entament leurs vieux classiques ou leurs nouveautés. J’ai d’ailleurs dû abandonner la lutte dans le pit à deux reprises, soit après Coat de Cuir et après Vendeur. «Un vrai work-out» me dit une spectatrice lorsque nous faisons la file pour le vestiaire.

ÉNERGIE SUR SCÈNE:

Malgré les problèmes de guitare de Ken Pavel et de Kouna, les shooters renversés et la pièce interprétée au mauvais moment qui contrevient à l’équilibre du spectacle, les gars donnent tout ce qu’ils ont. Le spectacle vaut définitivement le détour et la foule répond bien (lorsque ce ne sont pas des titres de Memories ou des Animaux, comme on disait).

JUGEMENT FINAL:

J’avais peur que les Montréalais ne dansent pas. J’ai fait fausse route. La Sala Rossa est une solide compétitrice. Voyons ce que le lendemain nous dira.

SAINT-HYACINTHE

Pour des raisons incontrôlables, ni Deux Pouilles en Cavale, ni moi n’avons été en mesure de nous rendre au spectacle de Saint-Hyacinthe. Le groupe est évidemment pardonné, mais pour ma part, ça m’a valu le titre de «trop laid» auprès des organisateurs de la soirée.

Crédit : Joëlle Turcotte

Nous pourrons donc nous reprendre avec cette chronique lors de leur performance dans le cadre du Festif! de Baie-Saint-Paul ainsi que dans les différents festivals qui vont – peut-être – annoncer la présence du groupe dans leur programmation pour cet été.