Soirée mystérieuse avec Bernhari

L’invitation de Bernhari était claire : ça prenait de la détermination pour assister au lancement de son nouvel album, Île Jésus. Il fallait d’abord être faits assez fort pour assister à la perfo qui commençait à minuit (la sélection naturelle éliminait déjà les lève-tôt) et il fallait dénicher le lieu de l’évènement en envoyant un texto à une personne mystérieuse qui nous répondait de manière mystérieuse qu’il fallait se rendre dans une ruelle sombre du Mile-Ex et cogner à la deuxième porte.

Il y a des films d’horreur qui commencent de même.

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Bernhari/Photo: Élise Jetté

Au coin des rues Beaubien et Hutchison, à 23h30, dans la pénombre d’un lampadaire qui aurait besoin de plusieurs autres acolytes lampadaires, je suis contente de ne pas m’être pointée là toute seule. Je me sens comme dans un Meurtre et mystère in real life.

Après avoir marché un peu dans la ruelle indiquée par le texto mystérieux, je trouve cette porte, j’y cherche un jeune homme mystérieux avec un chapeau, mais ce n’est pas la bonne porte.

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Photo: Élise Jetté

C’est plutôt celle-là.

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Photo: Élise Jetté

En direction vers la porte, je constate que Bernhari a pensé à tout pour contribuer à l’aura de mystère: la van officielle de tous les kidnappings est stationnée près de la porte. Tout le monde se sent en sécurité.

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Photo: Élise Jetté

Une fois le seuil de la porte franchi, on nous invite à descendre des marches pour aboutir dans une pièce en ciment froid sans fenêtres et sans sortie de secours digne de ce nom. Il y a néanmoins un ATM. C’est pas parce que t’es dans un endroit désaffecté que tu ne peux pas vider ton compte de manière insouciante parce que t’es pompette.

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Photo: Élise Jetté

Une fois à l’intérieur du lieu mystérieux, mon amie me demande de lui décrire le genre de crowd qui est censé se trouver là. Après un bref coup d’oeil, je ne sais pas trop quoi répondre: une quantité surprenante de visages qui inspirent un brin de célébrité naissante (notamment Jean-Carl Boucher, le gars qui jouait dans 1987), une série d’hommes d’âge avancé en quête d’un parfum de jeunesse (dont un sosie de Patrick Norman), un nombre important de jeunes femmes dans la fleur de l’âge portant un t-shirt rayé, des jeunes hommes arborant barbe volumineuse et lunettes démesurées (dont l’un d’entre eux, croisé au bar, prétendant être le prochain Dolan) et quelques personnes-épaves qui ont l’air peu en santé, échouées sur des divans en cuirette.

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Bernhari/Photo: Élise Jetté

Après l’accueil des rythmes du DJ et du bar improvisé, on nous invite à pénétrer dans la seconde pièce, au bout d’un couloir lugubre (dont le seul aspect rassurant est une série de blacklights) afin de pouvoir assister à la performance. Imaginez une grotte de 12m x 16m avec deux lumières bleues en guise de seule lueur et aucune issue en cas de cataclysme. On souhaite qu’aucune catastrophe naturelle ou attentat ne survienne alors que notre seule étincelle est la boule disco

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Le sosie de Patrick Norman s’en donne à coeur joie en avant de la scène. Il vit un moment.

Ce qui me semble être un couple de vacanciers (comme en témoignent leurs chapeaux de plage), derrière Pat, est vraiment excité quand Bernhari, après deux tounes, descend dans la foule pour voir son public de plus près.

Pendant qu’un baby-boomer fait des effets avec son téléphone intelligent en prenant des photos (kaléidoscopiques) de Bernhari, je constate que les multiples niveaux qui habillent les mélodies de Bernhari font de lui un artiste extrêmement complet.

En remerciant Audiogram, Bernhari admet que ça ne doit pas être facile de travailler avec sa propre personne.

«Y’est beau pis y’est bon en criss, par exemple», soutient Patrick Norman en criant.

Si les pièces d’Île Jésus, ont été ébauchées lorsque Alexandre Bernhari jouait de la musique live pour les danseurs de Concordia, ce sont désormais les non-danseurs présents au lancement mystérieux qui ressentent l’envie de faire poper toute leur créativité au même moment pour pondre un numéro contemporain.

Fin du numéro. On grignote du popcorn mystérieux (il est salé juste au point, c’est louche). On visite aussi les toilettes, derrière un rideau, dans une douche. La musique se poursuit toute la nuit et la van louche qui n’inspirait confiance à personne n’a jamais bougé de là donc on peut déduire que personne n’a été kidnappé.

Île Jésus est disponible depuis vendredi ici.

Bernhari sera au Cercle de Québec le 21 mai.