Pour commémorer les trente années qui se sont écoulées depuis la sortie de l’un des plus grands albums rock de l’histoire, The Queen is Dead de The Smiths, je vous fais visiter les lieux qui ont marqué l’histoire du légendaire groupe indie britannique.
Ce printemps marque le 30e anniversaire de The Queen Is Dead, l’album classique de la formation britannique The Smiths. Il s’agit d’un album qui a fait tourner (et tomber) les têtes dès sa sortie par son originalité, ses propos audacieux contre la monarchie anglaise et la plume littéraire enivrante de Morrissey mêlée à l’architecture musicale surprenante du guitariste Johnny Marr. Le tout est soutenu par la basse rythmée d’Andy Rourke et la batterie efficacement structurante de Mike Joyce.
Pour souligner cet anniversaire, je vous invite à la découverte des lieux qui ont marqué l’histoire du mythique groupe (que j’ai personnellement visités lors d’un passage à Manchester, bassin bouillonnant de créativité musicale et ville d’origine du groupe.)
Entamons le périple, si vous le voulez bien!
384 Kings Road (Stretford, Manchester)
Photo: Alexandre Demers
C’est à cette porte d’un jumelé de Stretford, un quartier de Manchester, que tout débute. C’est dans ce logement que Steven Morrissey habitait avec sa mère et sa sœur. Par un après-midi d’été de 1982, Johnny Marr, un jeune guitariste au talent indéniable, cogne à la porte. Celui-ci s’était rendu délibérément chez ce mystérieux Morrissey qu’il connaissait vaguement par le biais d’un ami commun.
Marr avait précédemment fait partie de nombreux groupes punk et post-punk. Tous les groupes dont il avait fait partie n’avaient malheureusement jamais duré bien longtemps. Tanné des projets éphémères, il s’est mis à flâner à la recherche d’un frontman qui aurait une plume percutante et une prestance saisissante. Il s’était rappelé avoir croisé brièvement Morrissey à un concert de Patti Smith quelques années plus tôt. On lui avait dit que l’excentrique jeune homme était bon parolier.
Un jour, Marr a vu un documentaire sur le duo de compositeurs Jerry Leiber et Mike Stoller qui ont écrit des hits pour Elvis et Ben E. King. Dans ce documentaire, Leiber affirmait avoir entendu parler de Stoller et être allé cogner à sa porte pour lui proposer d’écrire à deux. Cela avait laissé une marque indélébile dans l’imaginaire du prodigieux guitariste. Ce dernier s’était dit qu’un jour, il ferait la même chose.
Puis, comme on le mentionnait, il s’est souvenu de Morrissey. C’est grâce à l’aide d’un ami commun que ce dernier se rend à la résidence du jeune poète. C’est avec une certaine nervosité qu’il cogne à la porte. Morrissey ouvre. Marr lui explique d’où ils se connaissent et lui offre de partir un band comme Leiber et Stoller l’ont fait. Morrissey, étonné, lui propose de monter à l’étage et demande à Marr de choisir un 45 tours dans sa boîte. Marr fouille et arrête son choix sur Paper Boy des Marvelettes pour faire jouer le B-Side You’re The One. À la suite de leur échange, Morrissey accepte de faire équipe avec Marr comme auteur et compositeur. C’était la naissance des Smiths.
Le pont de fer (Stretford, Manchester)
Photo: Alexandre Demers
Tout près du logement au 384 Kings Road se trouve le pont de fer. Ce passage, le jeune Morrissey l’empruntait tous les jours lors de son trajet quotidien vers l’école, un endroit qui le rendait misérable. Différent par son allure, il a continuellement été ostracisé, autant par ses pairs que par le personnel. Cette différence lui avait laissé des cicatrices. Morrissey était un solitaire créatif qui n’avait aucun intérêt pour le foot. Il était plutôt porté vers la poésie d’Oscar Wilde et la musique des New York Dolls, son groupe favori.
N’ayant fait partie que de quelques groupes éphémères, Morrissey s’était finalement résolu à ne jamais pouvoir devenir une pop star après tout (jusqu’à ce que Marr vienne cogner à sa porte). Il restait souvent seul, à l’abri des regards, à écouter ses disques préférés.
Le pont est un lieu phare de la vie de Morrissey: il l’immortalisera dans la pièce Still Ill, issu du tout premier album paru en 1984. («Under the iron bridge we kissed, and though we ended up with sore lips».)
Le pont de fer est devenu un lieu de pèlerinage pour les fans de Moz. De nombreuses dédicaces lui sont faites par des fans qui viennent signer le pont en son honneur.
Manchester Central / G-Mex (Centre-ville, Manchester)
Photo: Alexandre Demers
À peine quelques années après sa formation, The Smiths gagne en popularité au Royaume-Uni grâce à ses deux premiers albums qui ont saisi la scène indie par leur originalité et le génie manifeste du tandem Marr/Morrissey. Le groupe réussit à attirer des foules de plus en plus impressionnantes. En 1986, celui-ci fait partie d’un événement qui souligne les 10 ans du punk. Le spectacle présenté au G-Mex de Manchester est preuve de leur popularité sans cesse grandissante. Les fans sont réunis par milliers et se bousculent durant le set du groupe mancunien. L’endroit a été renommé Manchester Central en 2007 et est maintenant un centre où on présente principalement des expositions et conférences.
Photo du concert au G-Mex en 1986
Photo: Alexandre Demers
Le Southern Cemetery (Chorlton-cum-Hardy, Manchester)
Photo: Alexandre Demers
Photo: Alexandre Demers
Le Southern Cemetery de Manchester est un lieu où Morrissey s’est souvent promené. Malgré le fait que l’activité peut sembler lugubre en apparence, c’est la quiétude et les histoires des gens décédés qui l’intéressaient. Lors de l’écriture des morceaux du troisième album, The Queen is Dead, Morrissey s’est souvenu de ces balades dans ce cimetière et il a écrit les paroles de Cemetry Gates. «A dreaded sunny day, so I meet you at the cemetery gates». Il s’agit d’une des chansons les plus positives du groupe dans laquelle un couple heureux échange sur la vie après la mort. C’était une des dernières chansons écrites pour le mythique troisième album du groupe.
Salford Lads Club (Salford, Manchester)
Photo: Alexandre Demers
Le centre récréatif pour jeunes Salford Lads Club est un lieu de rassemblement où des générations de Mancuniens ont passé des moments marquants de leur enfance. C’est devant la façade de l’établissement que le photographe Steven Wright a pris les photos du groupe pour la promotion de The Queen Is Dead. Ceci avait posé problème avec la direction du centre à la suite de la sortie de l’album en raison du titre controversé. Avec le temps, la polémique s’est estompée et le club célèbre désormais l’héritage iconique de l’album dans la culture populaire. Le Salford Lads Club est visité chaque année par des touristes fanatiques de la musique des Smiths.
À l’intérieur du centre, on retrouve désormais la Smiths Room qui expose un paquet de photos du groupe, des images promotionnelles, des annonces de concerts, mais aussi des photos de fans devant l’édifice qui affichent leur portrait dans la pièce en échange de dons pour le centre et certaines causes associées à la jeunesse.
La Strangeways Prison (Strangeways, Manchester)
Photo: Alexandre Demers
Ce grand édifice de style victorien est la prison de Strangeways. Une expression populaire fréquemment utilisée pour des enfants turbulents était «Sois sage, sinon tu vas finir à Strangeways!» Cette prison à sécurité maximale a été immortalisée dans la culture populaire lorsque The Smiths nomme son quatrième et dernier album studio Strangeways, Here We Come. La prison a été renommée la HM Prison à la suite des reconstructions majeures dues à de violentes émeutes de prisonniers survenues en 1990.
Lors de l’enregistrement de l’album, des tensions interpersonnelles au sein du groupe se font sentir. Johnny Marr, ayant le goût de passer à autre chose, quitte le groupe au printemps 1987, mettant fin à celui-ci. L’album paraît quelques mois plus tard sans que le band puisse en faire la promotion. Morrissey et Marr voient ce dernier album comme le meilleur du groupe.
La carrière des Smiths n’aura peut-être duré que 5 ans, mais ces années auront été suffisantes pour laisser une marque au fer rouge dans la pop culture britannique et mondiale. En cinq ans, ils auront fait paraître quatre albums studio, trois compilations, une panoplie de singles et un album live. Un large nombre de leurs chansons sont ancrées dans l’imaginaire collectif et sont devenues des pièces mythiques qui traversent les générations.
La vie après The Smiths
Après la dissolution du groupe, Morrissey poursuit une carrière solo dans laquelle il a connu des hauts et des bas. Johnny Marr a fait partie de plusieurs groupes, dont Electronic avec Bernard Sumner de Joy Division et New Order. En 1996, Mike Joyce (le batteur) a amené Morrissey et Marr en Cour suprême pour obtenir de plus grandes royautés sur le catalogue des Smiths. Une cause remportée. Frustré par la tournure des évènements, Morrissey lui a souhaité de la tristesse et du malheur jusqu’à la fin de ses jours.
Plusieurs ont espéré un retour du band, mais Morrissey a toujours été catégorique à ce sujet: The Smiths fait partie du passé. Même s’il garde de bons souvenirs de ses années au sein du groupe et qu’il joue encore certaines chansons dans ses spectacles, il a définitivement tourné la page. Les rumeurs de reformation ont circulé à quelques occasions, mais ne se sont jamais concrétisées. Les fans continuent d’espérer une réconciliation du groupe et un éventuel retour sur scène. Les souvenirs de la chimie créatrice envoûtante du groupe ne peuvent être revisités qu’en prêtant l’oreille à ces chansons qui resteront à jamais dans les annales de la musique indie à l’échelle planétaire.