Si la mode de l’an dernier à La Grosse Lanterne, c’était d’être au bout du rouleau à la fin du festival, cette année, y’avait des festivaliers au bout de rouleau précoce. Dans ce qui nous a semblé être une pluie conçue en hommage à The Day After Tomorrow, nous avons amené l’expression «ne pas être habillé en conséquence» à un autre niveau.
Dans l’humidité accablante de l’auberge et sous les ondées diluviennes de la scène extérieure il y avait beaucoup d’amateurs de musique au pied carré, parce que n’importe qui moindrement soucieux de ne pas mourir noyé/attraper un rhume mortel, aurait choisi de passer la fin de semaine à écouter Netflix.
Quand même préoccupée à l’idée de rester en santé, mon séjour à La Grosse Lanterne débute samedi matin lorsque j’arrive à Béthanie et que j’aboutis au terrain de camping après avoir traverser une reconstitution de village du Seigneur des Anneaux. Paradis terrestre pour avides de GN (batailles de chevaliers simulées en plein air), la terre d’accueil du festival estrien est on ne peut plus médiévale.
Anachroniques, ces tentes provenant du futur et/ou de Mars attirent les regards:
Parmi les choses bizarres aperçues durant la journée, cet homme étrangement très bien coiffé malgré l’humidité, mais atteint d’une grave malformation du fessier.
Parmi les gens précocement au bout du rouleau, cet homme en pleine sieste ou dans le coma.
Après avoir loupé Saratoga à cause d’un arrêt rocambolesque à l’épicerie de l’Ange-Gardien, le premier show qu’on aperçoit (les deux dernières tounes) est celui des Marinellis. Amenant habilement une saveur pop à un rock garage dansant, le groupe réussit à nous faire oublier que des techniciens viennent donner des coups de balai sur la toile du toit pour éviter qu’elle cède sous le poids de l’eau. En arrière de moi, une jeune femme visiblement à bout s’exprime: «l’état que je déteste le plus dans la vie, c’est être mouillée.»
C’est ensuite au tour d’IDALG d’animer l’espace à l’auberge, lieu de rassemblement de chevaliers. Enflammés par leur rock-prog-psyché-toute, on réussit à oublier que nos imperméables ne font déjà plus la job. Leur album Post Dynastie, qui aura un an en novembre, est maintenant bien rodé. Difficile de ne pas hocher la tête avec entrain (en plus, ça fait sécher les cheveux).
Parlant de cheveux, on n’a toujours pas su démystifier ce qui faisait en sorte que la seule fille avec un toupet décent dans la tourmente de l’humidité était celui de la claviériste et chanteuse Yuki Berthiaume. Bravo.
Pendant ce temps, dehors, c’est le début de la déchéance. Tels des animaux, les festivaliers déambulent désormais sur la paille, installée pour éviter les fractures-du-crâne-de-glissage-dans-la-bouette.
C’est ensuite au tour de Safia Nolin d’agrémenter de ses notes le sauna de l’auberge. Satisfaite de jouer dans un lieu normalement utilisé pour les GN, Safia s’exclame: «Ce genre de chose devrait exister pour Harry Potter et S Club 7». On est d’accord. «La guitare de Saf est ben trop forte, on a envie de mourir», déclare ensuite Joseph Marchand à son sonorisateur.
Visiblement satisfait de l’ajustement du son, Joseph renchérit: «Mat, c’est le plus beau sonorisateur de l’industrie, vous devriez vraiment le regarder.» Soucieux de produire un reportage documenté, nous sommes allés vous chercher sa photo:
En testant la ténacité de ses disciples, Safia demande à la foule s’ils font du camping ce soir. Tous répondent oui. «Vous êtes courageux. Might as well dormir dans la rivière», conseille-t-elle judicieusement. Hormis les chansons poignantes de Limoilou, Safia interprète sa fameuse reprise bilingue de My Heart Will Go On, cette fois dédiée à son chat Bébé Baleine, décédé récemment, et Work de Rihanna parce que c’est «la reine du monde et je voudrais lui dédier la vie», dit Safia. Après tout ça, en déambulant sur le site, on croise ce gardien de sécurité affairé à maintenir l’ordre autour du jeu de Jenga.
Notre marche nous amène à croiser Snail Kid, sirotant une limonade et présentant une paire de souliers en totale incompatibilité avec la bouette.
Croisé au détour, les gars qui travaillent pour Shoeclack sont quant eux les moins bien chaussés du clan. Ironique.
Parlant de tenue inadéquate, ces deux dinosaures:
Petit tour en coulisse pour faire une entrevue avec Klô Pelgag (que vous pourrez lire cette semaine), afin de constater que, elle, les fruits, elle niaise pas avec ça.
Dans les foodtrucks, les gens ne savent plus comment se vêtir:
De retour d’une tournée en Europe, Chocolat était attendu de pied ferme par les fans du Québec. Plusieurs personnes croisées durant la journée avaient fait la route vers l’Estrie seulement pour revoir le groupe. Le regroupement d’échevelés a été le dernier à jouer au quasi-sec avant le début des caprices de la nature. Un rock garage précis attendu depuis longtemps. Yes.
C’était ensuite au tour de Klô Pelgag de présenter les pièces de L’alchimie des monstres, mais aussi de donner un avant-goût de son nouvel album prévu pour le 4 novembre. D’abord habillée en Mario Bros pour le soundcheck, Klô a ensuite revêtu son costume de pomme-grenade, un choix judicieux, ce fruit étant en parfaite harmonie avec son teint.
Et que dire de sa violoniste-avocat:
Ensuite habillée d’un chic collier de bananes réelles, Klô a montré qu’elle avait conservé son charme humoristique et innocent qui la rend si attachante. Les nouveaux morceaux, présentés en exclusivité, ont fait l’unanimité.
Groenland s’élançait ensuite, venant également testé du nouveau matériel, celui de l’album A Wider Space qui sortira le 16 septembre. Avec une prestation environ 50/50 nouveau/ancien matériel, le groupe a su rallier la majorité des gens. Visiblement fébrile, le groupe n’avait pas joué dans le coin depuis belle lurette. Tout le monde était content sauf ceux qui apprécie le temps sec.
Aucun appareil-photo, ni téléphone n’a été sorti durant le show de Lisa Leblanc qui s’est déroulé sous une pluie torrentielle. La jeune Acadienne était néanmoins heureuse et fort enthousiaste de présenter à son tour un aperçu de son nouvel album qui paraîtra le 30 septembre, notamment, le premier single Dump The Guy ASAP. La performance a toutefois dû être écourtée à cause du mauvais temps. On a quand même pu entendre Kraft Dinner, un classique des amateurs de pâtes. C’est également à ce moment de la soirée que tout le monde s’est dit que ça serait bon, un bon repas chaud réconfortant dans un endroit sec. Ça ne s’est pas produit.
Pour patienter durant les bévues de dame nature, le Jenga gagnait toujours en popularité.
Pendant le show de Dead Obies, l’appareil-photo a été remisé à cause des intempéries. Mon iPhone a tout de même pu capter ce moment magique où les ballons illuminés se promenaient sur la foule transie devant ce charmant mélange de rap et d’humidité. On aurait dit que la pluie qui assaillait les fans de DO donnait au groupe une sorte d’excitation supplémentaire. Heureux de voir que ce n’était pas un déluge monumental qui allait faire quitter les lieux aux adorateurs, le sextuor a vraiment donné un bon show. C’est pendant ce spectacle qu’on a pu confirmer: oui, la pluie s’était rendue à nos sous-vêtements.
L’animation de la fin de la soirée a été confiée à Sash’u et Le Matos qui ont très bien su faire danser les gens/déchets-humides-en-mouvement devant l’auberge.
Au réveil, il n’y avait pas de doute possible: tout le monde avait dormi dans une flaque d’eau couvrant plus ou moins le sol des tentes.
De retour à la maison, le questionnement de premier ordre était le suivant: est-ce que le seul endroit propice pour mes souliers est la poubelle?
On entend souvent des histoires de personnes qui ne dorment pas pendant des jours pour avoir des billets de concerts ou qui dépensent des fortunes pour suivre leur idole en tournée, mais La Grosse Lanterne de cette année a véritablement montré qui étaient les vrais ninjas: assez passionnés pour écouter leur musique en étant figurants dans un déluge.
Photos: Élise Jetté