Avec des projets comme Chaude chaleur et Rue Sicard, KenLo s’est imposé en tant que producteur de beats à la fine pointe des tendances musicales un talent qui agit comme un complément intéressant à son travail dans le collectif Alaclair Ensemble.
KNLO/Photo: Laurence Dauphinais
Ce mois-ci, KenLo devient KNLO et laisse tomber l’aspect instrumental de son projet. Long Jeu est un album dense, en parfait équilibre entre du old school euphorique et du future bass décapant. L’album fait quelques constats lourds, mais célèbre aussi le bonheur au quotidien, ce qui est à la hauteur de ses ambitions: une juxtaposition du parcours d’artiste en constante recherche et d’un homme de famille qui s’est trouvé.
Quand vient le temps d’échanger avec KNLO, le gars derrière l’artiste est à la hauteur de son nouvel album: tantôt terre-à-terre, tantôt philosophe, toujours généreux.
Tu nous présentes Long Jeu comme ton premier album rap solo. Par rapport à ton matériel instrumental, est-ce que c’est un nouveau départ ou une évolution?
C’est quand même pas un départ, dans le sens que je fais de le musique depuis que j’ai 12 ans, depuis toujours. J’ai fait des disques rap avant, mais je peux pas vraiment les appeler des albums. Avant j’étais dans la culture mixtape. J’ai fait quatre albums formels dans le passé. C’est vrai que j’ai pas besoin de sortir de mon personnage. Le down to earth music, c’est mon filon conducteur.
Justement, l’album s’ouvre avec une de tes chansons les plus atypiques. L’arbre est une comptine joyeuse qui semble cacher un message social. Peux-tu m’expliquer le sens de la phrase «L’arbre tombe toujours du côté qui penche»?
Il y une explication assez simple par rapport à cette chanson-là. C’est les dernières paroles que mon grand-père m’a dites avant de passer de l’autre côté, il y a plus de 10 ans. J’avais enregistré ça en me disant que j’en ferais une chanson un jour. Je ne savais même pas qu’est-ce que ça voulait dire, tu vois. Il m’a laissé avec une énigme. J’ai compris le sens dix ans après, c’est devenu clair! Avant, ça me semblait complètement farfelu.
Est-ce que je peux demander le sens de cette phrase pour toi ou est-ce que c’est trop personnel?
Il y a plusieurs concepts qui peuvent être liés à ça en fait, mais si on le ramène au niveau du street, c’est le principe que tu deviens toujours ce que tu fais. Au fil du temps, ce qu’on fait rentre dans notre organisme, notre biologie. Dans le rap, si t’essaies de faire du gangsta, même si t’es pas gangsta, tu le deviens. Il n’y a pas de jeu, tu vois ce que je veux dire?
En gros, tu vas inévitablement tomber du côté qui penche, mais c’est toi qui décide de quel côté tu veux pencher?
Ouais, c’est ça! Il faut être à l’affut de ça… C’est la vigilance et la fatalité de la nature. L’arbre tombe toujours du côté qui penche.
Une autre question concernant tes paroles: Pourquoi est-ce qu’il ne faut plus jamais te demander quand ton album va être dans les bacs?
(Rires.) C’est un peu rigolo, en fait. Quand tu retournes dans ton hood, les gens pensent que le blow up est plus grand qu’il est. La vraie vie au quotidien c’est que, dans Alaclair, on est tous des ouvriers avec quatre ou cinq métiers chacun. On essaie de faire fiter la musique là-dedans. C’est un peu la joke: je fais de la musique, mais la structure pour faire un record — la structure mentale et physique — n’a pas toujours été là.
Tes albums précédents étaient pas mal tous autoproduits. Cette fois, tu t’associes à l’étiquette 7ième Ciel. Pour toi, est-ce que c’est une suite logique à ton parcours?
Je vois ça comme un partenariat. Le fait de pouvoir déléguer, de se rendre compte, à un certain moment, que t’es peut-être pas la meilleure personne pour faire des emails trois heures par jour, ça s’est ouvert à moi. Et je me suis ouvert aussi. Pour moi, c’est toujours axé sur la musique, j’avoue que le reste je m’en fous un peu. Mais ça, c’est combiné à la disponibilité mentale, les facultés. Dans ma vie, j’ai été béni de côtoyer le génie, mais moi, je suis une personne qui accomplit les choses par le travail ardu. Tout est difficile.
Parlant de ça, dans le court-métrage L’an 16, Eman et toi vous parlez de vos processus créatifs et de la spontanéité…
J’ai pas vraiment de processus créatif, man. Je crois au dévouement, le temps de se mettre à genoux — bah, on pourrait dire assis — mais juste de se mettre à travailler. Mon processus créatif, c’est d’essayer de me donner à la musique. Je cherche encore la musique que je veux faire.
La musique est un combat perpétuel pour toi?
Un jeu, en fait. Au départ, avec cet album, il y a eu un besoin de se remettre assis devant un papier. Écrire. L’album est un effet secondaire de moi qui se remet à écrire. Musicalement, il y avait un processus: lier d’où je pars et amener où je m’en vais.
D’où tu pars musicalement?
Il y a un gros retour de where I’m from dans cet album-là. Des fois c’est pas évident dans l’aire de la communication. Tout le monde se fait photoshoper avec le même plugin. C’est difficile de voir à travers les sourires… J’avais besoin de parler du social, j’appelle ça le «je social». Ça sonne un peu philosophique, mais quand je parle au «je», ça identifie les gens que j’ai croisés dans mon vécu, les gens qui m’entourent. C’est pas seulement moi-même… C’est collectif.
KNLO lance Long Jeu à La Vitrola, ce soir, 20 octobre.