Zagata : celui qui nous tue chaque fois

La pièce Kill Me One More Time de Zagata a vite trouvé résonnance dans nos esprits et nos écouteurs. Feu à volonté a été emballé par le refrain puissant de la pièce qui nous tue chaque fois, une fois de plus, comme il le dit. Derrière ce nom de projet mystérieux se trouve Jesse Proteau qui porte en lui une histoire aussi riche qu’improbable. On a jasé avec lui de son EP Backseat et de son envoûtante synth-pop rétro qui nous habite depuis octobre.

Zagata/Photo: Courtoisie

Zagata/Photo: Courtoisie

Ce projet musical là est vraiment sorti de nulle part pour plusieurs d’entre nous. Tu sors d’où?

J’ai un background de musique familiale. Mon père était guitariste soliste dans des bands de rock durant les années 70, 80, 90. Pour moi, tout a commencé avec Ok Computer et une guitare acoustique en 1997. Je suis un autodidacte, j’ai jamais voulu aller à l’école et ma musique est un amalgame de tout ce que j’aime dans la vie: le cinéma, l’image, la musique, les années 80.

Même si tu ne proposes qu’un EP, le projet semble réellement abouti. Ce n’est qu’une impression?

Ça fait trois ans que je travaille là-dessus et le look glauque, années 80, je l’ai installé ben avant Stranger Things (rire)! J’ai travaillé pendant trois ans avec Le Matos, il m’a apporté le background de la synthèse modulaire. Ça m’intéressait et je ne savais pas comment ça fonctionnait. Je voulais un blend entre les arpèges de guitare et les synthés analogues.

Plus concrètement, Zagata, c’est né comment?

J’avais un projet musical en anglais que j’ai décidé d’arrêter en 2011. J’étais saturé de la scène musicale québécoise. Je suis devenu superviseur en restauration et un jour, un gars hangover qui avait perdu son cell et qui freakait out est débarqué dans l’hôtel où je travaillais à Québec. Je suis de nature à aider. Je l’ai suivi dans la très grosse suite de l’hôtel pour l’aider à retrouver son téléphone et on a réussi. Il m’a dit «une chance, qu’on a retrouvé ça, j’ai le numéro de Madonna là-dedans». Il travaillait pour Columbia, bookait les commanditaires, les chambres d’hôtel des artistes, etc. Il était avec un rappeur connu, ce soir-là. Je lui ai dit que moi aussi j’étais dans le milieu de la musique. Il a dit «Sing me a song». Je lui ai chanté une toune. Il m’a regardé et a dit «You have a special tone. Do you have your own song?» J’ai dit oui, mais je n’en avais pas. Je voulais composer rapidement et je voulais lui remettre ça dans deux jours, car il partait. J’ai réussi à lui donner un CD turbo naïf. On l’a écouté et il m’a dit de venir le voir à Los Angeles. J’étais pétrifié. J’y suis pas allé. J’ai laissé tout ça reposer et j’ai travaillé sur mes affaires. Chez nous, je cherchais mon nom de projet. J’avais plus de quinze chansons enregistrées. J’ai cliqué sur le dossier que je lui avais préparé dans l’espoir de le recontacter à un moment donné. Le dossier avait pris le nom du gars: John Zagata. Je lui ai demandé la permission de prendre son nom pour mon projet parce que je trouvais que l’aspect italo-disco-eighties était très à propos.

Comment le EP a-t-il vu le jour par la suite?

On a enregistré ça avec John Nathaniel. Mon ami Jean-Nicolas Leupi et moi, on voulait trouver le 15 % de mixage qui était l’élément manquant à ce qu’on avait déjà. On a appelé John Zagata et on est allés à Los Angeles. Par la suite, John Nathaniel, qui avait des bonnes relations avec Tom Coyne (Adele, The Weeknd) à New York, nous a permis de bénéficier de ses services pour le matriçage. Un ami de longue date, Martin, qui travaille pour l’ONU en Afrique m’avait toujours dit «Si tu fais un projet musical, j’embarque; je vais te financer». Donc tout s’est placé!

Un ami africain? On dirait une arnaque commune de virements bancaires Western Union qui finissent mal!

(Rire). Non, je te jure, je connais le gars pour vrai!

Kill Me One More Time, ça parle de quoi pour toi?

C’est la nostalgie d’une rencontre passée. Tu rencontres une personne, une fois, dans un bar et t’avais pas fini ce que t’avais commencé. Et tout à coup, tu te demandes «On l’essaye-tu? On saute-tu dans le vide, juste un soir, pour voir où ça peut nous mener?». Il y a beaucoup de mélancolie et de nostalgie, là-dedans. C’est une relation qui aurait pu marcher et qui brûle encore, sans que tu saches quelle importance lui donner.

Le clip est vraiment inusité. Parle-moi de l’inspiration derrière ça.

C’est un hommage à mon papa, à mon frère, à ma sœur, ma mère. C’est très thématique, c’est un EP sur la famille. Mon père est décédé en 2015. Il avait toujours son petit cristi de radio avec lui à l’hôpital. La dernière chanson qu’il a pu entendre dans sa vie c’est Backseat. Je composais pendant qu’il avait le cancer. Il était déjà malade à l’époque. Ma sœur a racheté la maison quand il est mort. Mon père était collectionneur et il avait plein d’archives de sa vieille camera vidéo 8 mm avec toutes les vidéos de la famille. Je suis allé dormir à Québec et j’ai vu une boîte de 8 mm la veille du tournage du clip. Il y avait la cassette du mariage d’un ami de mon père, Steven, qui faisait de la musique avec mon père dans les années 90. C’est Josué Beaucage qui atourné ça. On a fait juste une shot. Il nous a projeté sur le mur ce qu’on venait de filmer et il a pu tout superposer. C’était tellement fort.

Il y a de très fortes sonorités années 80 dans ta musique, comme tu le mentionnais d’ailleurs. Tu puises ton inspiration où?

Deux choses: les films que j’écoute, d’abord. J’écoutais des vieux films des années 80-90 avec ma blonde pis du vin. Après les visionnements, je devenais hyper inspiré avec ma guitare. J’ai composé presque toutes les tounes du EP de même. Il y a les vieux films John Carpenter et évidemment, le film Drive. Deuxième chose: la musique d’Electric Youth. J’aime le côté minimaliste, le blend du synth analogue. Les verses sont doux et mélancoliques avec un outrun électro. J’ai piqué quelques trucs au duo islandais Kings of Convenience aussi et à In Rainbows de Radiohead.

Ton EP nous a vraiment convaincus. Travailles-tu sur un album?

Oui. J’ai aussi des vidéos qui s’en viennent. J’ai vraiment envie de faire des shows. J’ai fait faire un néon de Zagata. Loïc Thériault m’a fait un beau set up de projections de cassettes de mon père, mêlées à des images symétriques de jeux vidéo des années 80. Ça promet!

Zagata est en spectacle ce soir, 16 novembre, avec Foreign Diplomats à l’Anti Bar & Spectacles à Québec.

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