Tanya Tagaq
Retribution
(Six Shooter Records)
Découverte par beaucoup aux cotés de Björk, pour sa participation à l’album Medúlla, prix Polaris en 2014 pour son opus Animism, collaborant avec Mike Patton ou le Kronos Quartet, l’artiste inuit canadienne Tanya Tagaq pratique le chant de gorge de ses ancêtres, qu’elle a intelligemment transposé dans le monde d’aujourd’hui.
Artiste engagée jusqu’au bout des ongles, Tanya Tagaq est une femme qui clame haut et fort ce que beaucoup aimeraient taire à jamais, à l’image des femmes et des enfants inuits violés, battus et tués depuis des années et proscrits dans les couloirs du silence, et dont Retribution se veut le porte parole et le cri, transposition gutturale et animale des bassesses de l’homme vis à vis des minorités exploitées et exterminées dans la plus grande indifférence, ainsi que de cette Terre qui nous porte et nous nourrit, que l’on affaiblit sans vergogne jusqu’à sa disparition.
Tanya Tagaq joue de ses cordes vocales à l’envie, modulant dans les basses pour déraper dans les aigus, instaurer l’inquiétude ou jouer à l’ingénu, sans jamais tomber dans la démonstration, appuyé par ses musiciens, le violoniste/producteur Jesse Zubot et le percussionniste Jean Martin, qui ont su développer un univers envoutant, aux croisements du fantastique et de la puissance metal, de la tribalité et de la musique expérimentale, voir du hip hop avec Center qui voit le rappeur Shad faire un featuring remarquable.
Tanya Tagaq est une de ses rares artistes engagées, qui n’a jamais oublié d’où elle venait et quels étaient ses objectifs artistiques : sincérité et créativité, engagement politique et respect de ce qui nous entoure. Un album emprunt de complexité et de simplicité, de beauté sauvage et de sophistication viscérale, dont on notera en guise de conclusion, la reprise faussement ingénue de Nirvana, Rape Me, interprétation à la vulnérabilité soumise qui prend tout son sens dans la bouche de Tanya Tagaq. Renversant.
Roland Torres
Site : tanyatagaq.com