Jérémy Gabriel chante en français : l’avis de nos experts (encore)

Publié le 25 janvier 2017 par Feuavolonte @Feuavolonte

En octobre dernier, quelques experts de notre concertation d’érudits musicaux s’étaient prononcés sur un sujet aussi chaud que l’Équateur: la chanson I Don’t Care de Jérémy Gabriel. Une version française de ce tube des plus accrocheurs, Peu m’importe, a été dévoilée hier. On a décidé de passer la journée à l’écouter en boucle parce qu’entre prêter notre tympan à cette chanson pis aller marcher sur les trottoirs montréalais, on a jugé que la première activité était moins risquée. Avions-nous tort, avions-nous raison? Voici le résultat du test…

Mathieu Aubry, l’architecte

Fin opportuniste, Jérémy Gabriel fait paraître sa première chanson en français une semaine jour pour jour après la disparition de la station Rock 100,9 à Québec, qui deviendra Pop 100,9.

Bien que le beat soit exactement le même que sur I Dont’t Care, la poésie aiguisée du petit Jérémy plaira aux fans de musique pop sucrée des années 80. Rarement avons-nous pu entendre une aussi belle allégorie: «Je suis comme la tour de Pise/Tu as eu tort et je tiens encore»

En évitant de se comparer au mât du stade olympique qui culmine à 165 mètres et qui est la tour la plus inclinée au monde, il évite de s’enfler la tête. D’autant plus que les trois étages du haut de la tour sont d’une platitude immense à part peu-être, la boutique de souvenirs et ses belles tasses à café.

Fin spécialiste des constructions en hauteur, Jérémy Gabriel ne mentionne à aucun moment les tours jumelles du World Trade Center qui ne sont plus que de vieux souvenirs partis en fumée…

Nous attendons maintenant la version russe d’ I Don’t Care, où il se comparera à un survivant du Goulag stalinien.

Mathieu Aubre: faire une oeuvre avec l’oeuvre

Plusieurs choses surprennent à l’écoute de Peu m’importe de Jérémy Gabriel, mais certainement pas la trame musicale. Il aurait en effet plagié un certain Jeremy Gabriel, artiste anglophone méconnu de Québec.

Dans tous les cas, reste que les paroles de la chanson ont quelque chose d’émouvant. Jérémy nous annonce qu’on lui a montré sa mort, alors qu’il semble pourtant bien vivant sur cette chanson. Lui qui n’a toujours voulu «(qu’) un geste, une caresse» semble toutefois nous prouver le contraire en nous offrant ici une chanson à se frapper la tête sur les murs de façon assez vigoureuse: une nouvelle suggestion de torture pour les Américains, question de faire changement de Barney le dinosaure éventuellement.

Concluons en soulignant qu’avec plus de pitch et de vitesse, la chanson peut devenir vaguement écoutable, surtout pour ce qui est du bridge, maintenant heureusement incompréhensible.

La définition littéraire d’Élise Jetté

Je suis toujours la première à dire que toutes les métaphores ont déjà été faites et que c’est bien étonnant quand un artiste réussit à créer de nouvelles images mentales éloquentes, par exemple, en comparant un coeur en peine à autre chose qu’une quelconque explosion.

Mon attrait pour la littérature m’amène ici à questionner la métaphore de la tour de Pise, du jamais vu dans l’histoire littéraire:

Te considères-tu comme appartenant au patrimoine mondial de l’UNESCO (biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité)? C’est intense comme responsabilité, Jérémy.

Si tu es la tour de Pise, est-ce que ça veut dire que, tel Galilée, des gens prennent plaisir à monter sur ta tête pour laisser tomber des objets par terre et déterminer la vitesse de la chute libre des choses? Il faudrait les dénoncer.

Est-ce que ça signifie que tu pèses 14 453 tonnes? Non, Jérémy, tu es beaucoup plus léger.

Est-ce que ça coûte 18 euros te visiter?

La littérature a besoin de savoir.

Etienne Galarneau, l’homme de peu de mots

C’est très bon.

La crise existentielle de François Larivière

Plusieurs questions se sont bousculées dans ma tête dès la première écoute:

– Où est passé le magique abus d’échos de la version anglaise? – Que veux-tu dire par «Tu es comme la tour de Pise»? T’es croche? – Qu’est-ce qu’une voix en «fineste»? – Comment ça ta voix dans le bridge est plus aiguë que celle de Bibi Z99944X? – Pourquoi je voudrais que le temps efface les «mains»? – Est-ce normal qu’il y ait encore plus de phrases que je ne comprenne pas en français? – T’avais réussi à être meilleur vendeur iTunes au Canada pendant quelques semaines, c’était pas assez? Je vais m’arrêter là, sinon je vais tomber en pleine crise existentielle. «Peu m’importe ce que les gens disent»… Ben j’vas te l’dire moi, mon P’tit Jérémy. C’est bizarre, mais j’aimais mieux en anglais. On dirait qu’on se rendait moins compte que les paroles voulaient rien dire. Par contre, je pense que c’est la première fois de l’histoire que quelqu’un réussit à fausser sur de l’auto-tune. Pour ça, bravo!

Jonathan Arès, le nostalgique

Jérémy y est allé avec une adaptation assez libre de sa pièce I Don’t Care. On décèle une nouvelle amplitude chez les choristes avec leurs envolées vocales dignes d’un grand succès des BB. C’est cet élément qui permet de se démarquer d’une facture électro-pop autrement traditionnelle, voire vieillotte. Le piano, la guitare électrique gentille et l’auto-tune font beaucoup penser à ce qu’on entendait dans les radios commerciales Circa 2010. Reste à savoir si sa fougue est à la hauteur de sa performance vocale. On ne peut qu’espérer une prestation en direct à La Voix.