C’était soir de chansons à textes, hier, aux Francouvertes. Pour la cinquième soirée des préliminaires, la déjà bien établie Lydia Képinski se mesurait à Marie-Claudel Chénard (MCC), que personne est capable d’appeler par son nom et à Étienne Fletcher qui est l’un des trois francophones qui habitent en Saskatchewan. Retour sur une soirée de beaux mots tristes.
Martiza/Photo: Élise Jetté
C’est une Ex de la 18e édition qui réchauffe d’abord l’ambiance. Maritza, qui a lancé son album Libérons-nous à la fin du mois de février, vient présenter quelques chansons tirées de ce dernier. Si sa tenue est excentrique, les propos de ses chansons sont plutôt conservateurs, même si elle véhicule un groove intéressant.
«Si j’ai l’air concentrée, je le suis», annonce d’emblée l’auteure-compositrice. Elle est, en effet, la première Ex qui a l’air de faire partie du concours, appliquée à démontrer de quoi elle est capable.
Après sa «nouvelle toune à casser» nommée Qui?, elle termine sa prestation avec Le diable à mes trousses, chanson qui, après consensus avec tous les collègues de FAV présents, rappelle étrangement Beast en 2008.
MCC/Photo: Élise Jetté
C’est Marie-Claudel Chénard, alias MCC, qui entre sur scène après qu’on l’ait rebaptisée Marie-Claude. Débutant en solo, elle chante la très sensible Tu prieras pour moi, son coup de guitare rappelant Safia Nolin et sa voix, Salomé Leclerc. Jean-Philippe Levac (Pandaléon) entre ensuite pour l’accompagner aux percussions. Celui-ci laisse même entendre sa voix à quelques reprises. Les harmonies sont très convaincantes.
Elle propose une toune qui parle de son coin de pays, Valleyfield. Un beau défi relevé avec brio.
Tous les textes qu’on pourrait juger convenus à un certain moment finissent par nous percuter avec une phrase très jolie que l’on n’attendait pas. Musicalement, tout se passe de façon impeccable même si la proposition ne sort pas du carcan folk que l’on attribue souvent au concours.
Pour la dernière toune, Le penchant, JP Levac quitte et laisse MCC terminer la prestation comme elle l’a commencée: en solo à la guitare. C’est efficace.
Lydia Képinski/Photo: Élise Jetté
Lydia Képinski se présente ensuite à nous avec simplicité, groundée, les mains sur sa basse comme sur un objet dispendieux exposé au Musée d’Art Contemporain. Elle commence par M’attends-tu, chanson qui fait brailler au moins une personne sur deux selon un sondage maison. Elle enchaîne deux autres pièces qui figurent sur son EP, son single Apprendre à mentir et Andromaque, pour laquelle elle troque la basse pour la guitare électrique.
Sa manière d’habiter les tounes comme si elle devenait possédée par sa musique, c’est mi-effrayant, mi-fascinant. S’adressant une première fois à la foule, elle se rappelle à haute voix les évènements de l’an dernier: «Tu feras pas les Francouvertes cette année. Les juges y pensent que t’es pas prête», nous dit-elle en citant sa gérante, Noémie Laniel, en 2016. Là, elle est prête. Autant que son mouvement de bassin langoureux durant la chanson qui suit, 360 jours où le texte est livré de façon parlée avec éloquence. Elle conclut avec Pie-IX qui permet d’imaginer avec acuité le boulevard montréalais.
«Paraît que les Francouvertes, c’est un concours de folk», dit Lydia en concluant de façon ironique. Le multi-instrumentiste Blaise Borboën-Léonard et le batteur Stéphane Lemieux se déchaînent ensuite pour une envolée instrumentale progressive prenante.
Blaise Borboën-Léonard /Photo: Élise Jetté
L’auteure-compositrice remercie toutes les personnes qui doivent être remerciées, dont les Ex qui viennent chanter en ouverture de toutes les soirées du concours: «Moi aussi j’aime mes ex. C’est mes ex qui m’aiment pas.»
Sur toute la ligne, Képinski donne, comme d’habitude, une leçon de maître de vocabulaire et de poésie. Érudite des mots, sa nonchalance ne fait qu’accentuer la puissance du propos… à toutes les fois.
Étienne Fletcher/Photo: Élise Jetté
C’est Étienne Fletcher qui met un terme à la soirée. Très charismatique dès le départ, il avoue qu’il trouve qu’on est ben intense, au Québec, avec les festivals et les concours. «Chaque fois que je viens icitte, j’ai besoin de gagner quelque chose», dit l’auteur-compositeur fransaskois. Même s’il commence à peine à les assimiler, les musiciens de son band se joignent habilement au tout. Shawn, le guitariste sosie de Seth Rogen, fait même des back vocals. L’histoire ne dit pas s’il sait ce qu’il dit, toutefois.
Les textes sont très génériques, mais on n’a pas de mal à demeurer attentif vu l’enthousiasme prononcé du chanteur. Il nous explique qu’il a fait deux EP, un anglais et un en français pour pas faire de chicane. Il vient pour se lancer dans un discours sur le bilinguisme, mais il s’autocensure: «J’ai juste une demi-heure, ça marchera pas.»
Très impressionné par Montréal, le demi-finaliste du dernier Festival international de la chanson de Granby nous implore: «Envoyez-nous les gens cool de Montréal en Saskatchewan pour montrer aux jeunes que c’est cool parler français.» Il annonce d’ailleurs qu’il s’est forcé à être cool avec sa chemise «d’infirmier ou de docteur».
La perfo n’impressionnera pas suffisamment pour permettre à Fletcher de figurer dans le TOP 9 actuel, mais on gardera en mémoire sa candeur.