Musique chaude dans une nuit froide : la poétique victoire de Lydia Képinski aux Francouvertes

Y faisait frette en maudit pour une finale des Francouvertes, hier soir, au Club Soda. Si on a l’habitude d’utiliser la durée du concours comme un doux cheminement vers les temps doux de mai, il s’agissait sincèrement d’un pied de nez de mère Nature. Peu réchauffés que nous étions par le mois de mai (novembre), ce sont plutôt les performances électrisantes de Laurence-Anne, Les Louanges et Lydia Képinski qui ont réchauffé nos corps (ça pis les shots de vodka). Retour sur la dernière étape de quelque chose qui a pourtant l’air d’un grand début.

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Philippe Brach et rosie Valland/Photo: Élise Jetté

Avant le début de la vraie guerre (où il n’était nullement question de se faire mal), ce sont les porte-paroles du concours Rosie Valland et Philippe Brach qui nous servent des nouvelles chansons en guise de première partie.

Rosie Valland s’exécute en premier en disant aux jeunes gens du concours de ne pas accepter de casser des tounes devant un Club Soda rempli. Judicieux conseil, Rosie. Sa nouvelle pièce est néanmoins fort jolie et on espère avoir une opportunité de pouvoir l’entendre à maintes reprises sous peu.

Philippe Brach la rejoint ensuite pour interpréter la courte et poignante Sinon, un single de Rosie lancé un peu avant Noël. De retour du Pakistan, Brach ne s’est pas changé, vêtu de son kurta. Il nous offrira lui aussi une nouvelle chanson, question de respecter les règlements de «cassage de toune».

«Des débuts de tounes de même, j’en ai une chiée, dira-t-il, tout de suite après la mélodie du début. Mais des nouvelles tounes complètes, ça j’en ai moins.» Il nous avertit que ce qui s’en vient est (encore) lourd. Puis, il rassure le public: «L’an prochain, les porte-parole seront Marco Calliari et Ima. Ce sera ensoleillé!» De son côté, la nouvelle toune est tout aussi belle, quoique propice à un soirée trouble où l’on questionne nos motivations à vivre.

Laurence-Anne/Photo: Élise Jetté

Laurence-Anne/Photo: Élise Jetté

Laurence-Anne arrive sur scène en premier, vêtue d’un début de suit de ski-doo. C’en est une qui ne vit pas dans le déni par rapport à la température de marde. «On a fait un caucus en coulisses. On ne fait plus rock mystère, on fait du prock maintenant.» Première à passer devant les juges pour la troisième fois (préliminaires et demi-finales aussi), elle nous signifie qu’elle est très heureuse d’être notre «amuse-gueule».

Faisant un petit clin d’œil au documentaire réalisé en notre compagnie, Laurence-Anne demande au public de s’emparer des feuilles d’assouplisseur de fragrance «parfum de montagne» savamment placées sur les chaises des spectateurs. «On va vivre une expérience olfactive», dit-elle. On est d’accord. Évidemment.

Présentant son band comme des sortes de chips (because, why not?), elle amorce, vers la fin du set, une nouvelle toune plus-que-prog-et-plus-que-rock. C’est là qu’on découvre son prock pour de vrai. Elle conclura sa perfo en solo avec la convaincante Poison qui démontre à elle seule toute l’étendue du talent vocal de la jeune artiste. Proposition encore une fois au-delà du solide. L’avenir sera beau pour la fan d’assouplisseur.

Les Louanges/Photo: Élise Jetté

Les Louanges/Photo: Élise Jetté

Vincent Roberge, Les Louanges, de son nom religieux, s’exécute ensuite en offrant un nouvel enchaînement contenant une surprise (parce qu’il craignait de jouer ses tounes trop vite): une chanson qui commence par un beau solo de piano.

C’est la chanson-titre de son EP, Le mercure, qui amorce le set. Les nuances mélodiques sont beaucoup plus faciles à distinguer au Club Soda qu’au Lion d’Or. L’ensemble de la prestation semblera également beaucoup plus tight, mais cette impression peut être due aux bienfaits du changement de salle.

«My God, la finale, dira dès le départ Vincent, ébahi. Durant le soundcheck je sonnais comme Sylvester Stallone. Là je sonne comme Steve Buscemi», prévient-il aussi. Sans se déplacer à outrance, Vincent occupe l’espace vaste de la scène, quatre fois plus grande que celle des précédentes étapes, avec son aura d’assurance, son charisme et ses mouvements de bassin. Introspectif pour interpréter sa nouvelle toune récemment enregistrée, Encéphaline, Vincent se fait convaincant dans la simplicité, tout comme celle qui le précédait. Une jolie voix, des jolis mots et une guitare, ça a fait ses preuves. Ça marche tout le temps.

Mentionnant que sa mère fait maintenant partie des articles des journalistes, le jeune auteur-compositeur demande «Maman, t’as-tu aimé ça?», juste après la nouvelle pièce. Ben oui, elle a aimé ça.

Lydia Képinski/Photo: Élise Jetté

Lydia Képinski/Photo: Élise Jetté

Et c’est celle qui sera couronnée grande gagnante des Francouvertes 2017 qui monte sur scène en dernier. Baignant dans cette aura de mystère qui lui est propre, Lydia Képinski nous plongera avec elle au cœur de son espace où toutes les possibilités s’étendent devant nous. Déroulant le même enchaînement que lors des deux étapes précédentes, elle réussira néanmoins à captiver toutes les oreilles: de celles qui entendent pour la première fois à celles qui sont abonnées à sa singularité.

M’attends-tu, qu’elle nous demande à répétition sur la première pièce qui implore et qui questionne. Oui, on t’attendra tant que tu veux Lydia. Anytime. «Bienvenue au Club Lydia», dit-elle avant de poursuivre avec la brillamment écrite Andromaque. Un tour de force de métaphores filées envoyées comme des coups de poing sur la foule tout ouïe.

On y entend Lydia la douce et Lydia la fâchée, comme en témoigne ce montage photo:

Lydia Képinski/Photo: Élise Jetté

Lydia Képinski/Photo: Élise Jetté

«Êtes-vous déjà tombé en amour… Avec un mineur? demande Lydia. J’ai appris que c’était illégal d’avoir des relations sexuelles avec une personne de 17 ans.» Puis elle enchaîne avec 360 jours, le décompte avant de pouvoir vivre pleinement le sexe et le reste avec l’être convoité, probablement. Parce que la vie est courte, Lydia remerciera tout le monde sans mots avec un geste du doigt pointant la régie et ses musiciens, un à un. Merci à toi.

Lydia Képinski/Photo: Élise Jetté

Lydia Képinski/Photo: Élise Jetté

Aussi inspirée et inspirante qu’Emma Watson à l’ONU, Lydia dira merci pour vrai, après avoir fondu en larmes, lors de sa victoire officielle du concours quelques instants plus tard (une éternité de délibération durant laquelle tout le monde a eu le temps de se mettre saoul). «Merci à mes musiciens Blaise et Stéphane. Merci à ma mère, qui m’héberge jusqu’à nouvel ordre. Mais maintenant que j’ai gagné, je vais pouvoir m’acheter une villa. Merci à mes profs qui m’ont dit qu’il n’y avait pas que les sciences pures. Je réalise que je fais des sciences impures. Merci aux Francouvertes. Le meilleur concours de l’univers.»

LE TOP 3 FINAL DE LA FINALE:

1- Lydia Képinski

2- Les Louanges

3- Laurence-Anne