Brume, pluie, humidité, bois franc, purple vibe, miroirs muraux, abat-jour vaporwave… Voici quelques mots pour décrire le mood de la première soirée de la 31e édition de Coup de coeur francophone au Quai des Brumes. Les deux performances auxquelles j’allais assister allaient bien répondre aux mots-clés nommés ci-haut. Retour sur le pestacle de Palissade et de Bermudes.
Je suis au Quai des Brumes, pinte à la main (on sous-estime le pouvoir social qu’une pinte-de-bière-en-main détient). Je suis accotée tel Lucky Luke sur le bord du bar en attendant que Palissade commence. Il est 22h30 et mon iPhone me dit qu’il est temps d’aller me coucher. J’ignore la pression sociale ultime que cet engin technologique essaie de me transmettre et je continue d’admirer la douce lumière mauve qu’on peut apercevoir sur la petite (mais certes efficace) scène.
Je scanne la foule du regard tel James Bond dans un casino et je vois Palissade boire quelques pintes proche du stage. Il y aussi le groupe Bermudes, les membres éparpillés comme des abeilles en mode butinage.
Je ressens une énergie «first date» dans la foule. Peut-être est-ce dû au fait qu’Occupation Double semble envahir la vie de plusieurs villageois. Peut-être ont-ils envie de vivre des moments excitants et palpitants comme les participants de cette aventure au goût de sauce aigre-douce. Cependant, je pense plutôt que la foule qui se retrouve devant ma face et chargée de personnes qui ont bu leur dose journalière de Kombucha et attendent de voir de la musique.
22h51
Une jeune fille avec sa tablette (que je soupçonne être un Chromebook) semble encore absorbée par son projet universitaire. Palissade semble prêt à jouer. Le groupe regarde la scène en bavant. Je sens une performance imminente. La tension monte.
23h05
Le show commence et j’ai officiellement eu le temps d’aller trois fois aux toilettes. Blame it on the pinte. J’ai aussi eu le temps de remarquer la dizaine de lanternes au plafond et je considère proposer au Quai d’entamer une association avec le Jardin botanique. Palissade commence ses mini-tests sonores (musique en background toujours ON).
Palissade life / Photo: Marielle Normandin Pageau
Les trois membres du groupe se mettent dans le mood – je remarque aussi un verre de vin généreusement rempli à côté de Catherine, membre du groupe s’occupant de l’entièreté de la partie «beat» de la chose; je trouve qu’elle incarne parfaitement notre multitasking générationnel efficace.
En écoutant Palissade j’ai envie de me retrouver à Berlin ou à Prague dans les endroits les plus obscurs de ces deux villes. J’ai envie d’être perdue à 4 h du matin avec des purs inconnus et faire des graffitis sur des trains abandonnés. J’aurais des jeans taille haute troués. Troués parce que j’ai tellement grimpé de palissades, sautés sur des trains, me suis tellement enfuie de la police… Voici le monde imaginaire dans lequel Palissade me transporte.
Le reverb envoûtant et les voix sinistro-vaporeuses semblent posséder la foule jadis concentrée à finir des pintes pour s’en commander d’autres. On peut ressentir un effet de fuzz qui te fuzz jusqu’aux tripes; y’a juste mes tympans qui tripent pas sur le fuzz; mais j’ai encore oublié mes bouchons.
Vaporwave Palissade / Photo: Marielle Normandin Pageau
Palissade finit son set avec Éclats, dernière chanson de leur dernier EP du même nom que la toune.
C’est au tour de Bermudes de prendre la place. Au band de nous informer de leur #gratitude à l’égard du festival pour leur troisième participation. Pendant le début de leur performance, je me dis que, à ce moment-ci, si j’étais une touriste, que je passais devant le bar et que je voyais et entendais la musique, j’aimerais vraiment la ville. Pis j’aurais sûrement donné une vraiment bonne évaluation au Quai sur Yelp. Malheureusement je suis juste une Montréalaise qui prend tout pour acquis. A millenial’s gotta do what a millenial’s gotta do.
Tous les instruments sont très présents. Les membres du band sont à leur affaire et à l’aise. SVP m’aviser si j’ai mal détecté l’aisance du band sur scène. Je dois aussi pointer la relax-ttitude du bassiste. Pierre-Olivier a la vibe du gars dans ta classe de 6e année qui répond à toutes les questions du prof sur le triangle de Pythagore quand tous les autres élèves se demandent the fuck du pourquoi qu’on apprend ça. Pour ce qui est du reste du band, je les verrais vraiment jouer dans Le Seigneur des anneaux. Je les verrais bien se battre héroïquement avec les méchants trolls.
Fins joueurs / Photo: Marielle Normandin Pageau
De plus en plus de gens entrent dans le bar et plus le temps avance, plus les gens dansent au son de Bermudes. Palissade swing d’ailleurs de la tête et un peu des hanches.
Le band nous informe qu’à chacune de leurs performances de Coup de Coeur Francophone, il y a toujours des tragédies qui se passent dans le monde. Comme l’élection de Trump.
Ils enchaînent avec Cinémascope avant «de continuer avec les greatest hits» comme dirais Louis-Jean au chant. Ils performent donc Animal. Je scanne encore la foule, cette fois un peu moins comme James Bond et un peu plus comme un mélange de Daria et de Colombo et je me dis que finalement c’est une foule peuplée de gens qui détiennent une paire de Blundstones ou une paire de Converse.
Quelqu’un dans la foule crie comme si on lui pinçait le «ts’our de bras». Je me lève, applaudis, siffle. Je me dirige vers la sortie, je fais un signe de rock au drummer, Etienne Galarneau qui me répond avec un autre signe de rock; une complicité de rockstars. Et c’est sur cette note suintante, agréable et funné que je quitte le Quai des Brumes pour vaquer à ma vie brumeuse et caribéenne.
Bermudes su’a coche/Photo: Marielle Normandin Pageau