Il est 17h45 au moment où je m’assois avec Stéphanie Boulay au Miami Déli. Elle déguste des œufs brouillés, mais les préfère pochés. Les patates, couvertes d’assaisonnement en poudre orange, font toute la job. «Des fois j’en demande un cup à côté pour les tremper dedans», admet Stéphanie.
Stéphanie Boulay/Photo: Élise Jetté
C’est aujourd’hui que Ce que je te donne ne disparaît pas débarque dans les oreilles des auditeurs, un premier album solo pour Stéphanie qui œuvre cette fois sans sa sœur.
«Je peux aller plus deep dans le caca sans ma soeur, dit-elle. Il y a des choses que je ne pouvais pas faire endosser par ma sœur, je ne voulais pas partager la charge. J’ai gratté tous les bobos jusqu’au bout. C’est cliché, mais c’était une thérapie.»
L’album qui devait d’abord être un EP s’étend plutôt sur huit pièces intimistes où Stéphanie Boulay se met autant à nu que sur les photos du livret. «On avait enregistré cinq tounes à la fin mai et au courant du mois de juin la pièce Les médailles m’est tombée dessus en une heure. Je l’ai envoyée à Alex (McMahon), mon réalisateur et à Éli (Bissonnette), de mon label, et ils m’ont dit de l’enregistrer.»
C’est à ce moment qu’Éli a mentionné à Stéphanie qu’elle n’avait besoin que de huit pièces pour que ce soit un album plutôt qu’un EP. En escapade à Carleton, dans son coin de pays, elle a imaginé Sauvage et fou lors d’une promenade entre amis. «Puis, finalement, quelques jours plus tard, je racontais une histoire sans queue ni tête à Alex et il m’a dit « tu sais le coyote aime mieux manger sa propre patte prise dans le piège plutôt que de mourir dans le piège. Écris une toune là-dessus. »»
Elle sait que «ça gosse les gens», mais Stéphanie croit en la magie. La qualité des gens qui se sont greffés au projet et qui ont mis toute leur âme dedans, l’impressionne beaucoup. «Alex McMahon et moi, on fait énormément de télépathie. J’écoutais une toune avec du triangle et je l’ai texté pour qu’on ajoute du triangle et il venait de se prendre une note pour ajouter du triangle. C’est à ce point-là.» Avec Alex et Guillaume Chartrain, en studio, elle avoue même avoir réussi à pousser des notes qu’elle ne réussissait pas chez elle.
Entre les projets littéraires et musicaux, Stéphanie trouve toujours le juste milieu, mais elle ne se repose vraiment que dans une autre forme de travail. «La littérature, c’est un espace dans lequel je ne suis pas regardée. Je ne suis plus dans l’image, explique-t-elle. Ça me fait plaisir de me remaquiller et de me retrouver belle après, mais si j’ai pas ces moments-là où je m’en criss, ça marche pas.»
Stéphanie Boulay/Photo: Élise Jetté
Les bobos, les «cacas», elle les a tous grattés. Et celui qui faisait le plus mal est la solitude. «C’était l’absence totale de sens. J’avais l’impression que je n’avais rien. J’ai pas de chum, j’ai pas de projet. Je me suis dit « Y’a ben un esti de boutte, je peux pas être célibataire, pas de job et pas d’enfant ». J’ai eu mon projet à moi, comme ma sœur a eu son projet solo d’avoir un enfant. Ça me rend vraiment forte.»
Toute seule sur scène, Stéphanie vit énormément d’anxiété, c’est pourquoi elle se concentrera sur les premières parties. «Le premier show que j’ai fait toute seule, j’ai demandé s’il y avait un médecin dans la salle», précise-t-elle. Elle honorera la première partie de Philippe B dans le cadre de Coup de cœur francophone la semaine prochaine, un artiste qu’elle respecte énormément: «Ça faisait un bout que je n’avais pas écouté son matériel et j’ai réalisé que c’est lui mon inspiration. C’est le maître ultime.»
Les bobos sont encore là, mais Stéphanie Boulay est sans doute un peu guérie. «Ingrid St-Pierre dit souvent que chaque chanson est une maison et chaque fois que tu la chantes tu dois retourner dedans.» C’est pourquoi Stéphanie affirme qu’elle n’est ni amère, ni fâchée. «Je suis rendue ailleurs. Mais il n’y a rien d’absolu. Un jour sur deux, je me réveille et je me sens comme un tas de marde.»
Les sœurs Boulay ont déjà la moitié d’un album d’écrit et leur retour officiel est prévu pour 2019.
Stéphanie fera des PETITS spectacles solos. Vous pourrez d’ailleurs la voir au Club Soda en première partie de Philippe B & The Alphabet, jeudi prochain dans le cadre de Coup de cœur francophone.