Par Élise Jetté et Émilie Pelletier-Grenier
On comprend qu’il n’est [malheureusement] pas le seul. Nombreux sont les artistes qui se disculpent d’objectifier la femme sous prétexte qu’ils font de «l’Art». Mais comment est-ce possible qu’une équipe complète encadrant le travail d’un artiste cautionne ce message et lui permette de sortir une chanson qui ne fait que ça: décrire de manière objectifiante le corps d’une femme et lui réclamer instamment des bassesses.
«Come on bébé fais donc ta cochonne», répète Sir Pathétik sur l’une des cinq pièces de son album Inédit qui sont disponibles sur Spotify. Le disque lancé le 1er novembre est accompagné d’une pochette montrant deux mouches qui s’enculent. Ça «vole» haut.
Une cochonne. Une personne de sexe féminin portée sur le sexe ou faisant preuve d’indécence. C’est déjà déplacé.
Le fait que le locuteur ajoute «come on», ça vient retourner le couteau dans une plaie ouverte bien avant #metoo. Come on: «encourager quelqu’un à faire quelque chose, en particulier de se dépêcher à le faire ou d’essayer plus fort.»
Certes, la métaphore du thé a été utilisée à maintes reprises pour parler de consentement. Si la personne ne veut pas de thé, tu ne la forces pas à en boire et tu ne la fais pas sentir mal de ne pas en vouloir. Tu ne lui mets pas de pression pour qu’elle ait envie de boire du thé. tu ne lui dis pas: come on, bois-donc du thé.
– Montre-nous qu’est-ce’ tu donnes
– Trop fou comme ton ti-cul est nice
– Check ça ce p’tit cul-là, grimpe donc s’a colonne
– Les yeux crossed-eye, à spotter tes gros lolos
– J’ai mis ton cœur pis tes foufounes dans un coffret
Et autres répugnances.
«En plus la bière est bonne», nous dit également le pathétique. Ben oui, ajoutons de l’alcool dans l’équation pour que la femme se sente bien en sécurité.
Bienheureuse est cette femme ciblée, d’ailleurs, qui se fait dire «t’es pas une p’tite conne», juste parce que «conne» rime avec «cochonne». Choyée, bien choyée, d’avoir au minimum une seconde de glorification de son intellect alors qu’on ne parle que de son «cul tight» et de ses «gros lolos» pendant 3 minutes 17.
L’album contient 22 tounes, donc on n’est pas dans un contexte où Sir Path s’est dit «oh fuck si j’enlève cette toune, vais-je en manquer pour compléter cette galette?». Cela dit, on n’a pas encore entendu Mon ex c’t’une folle, mais on l’aurait probablement omise celle-là aussi tant qu’à y être.
Il est donc grand temps que les femmes cessent d’être instrumentalisées au profit de textes pauvres aux rimes qui le sont tout autant. Cela vaut pour tous les artistes, tous genres confondus. Les Sir Path de ce monde n’ont-ils rien d’autre à offrir sur le plan artistique? Avoir une tribune est un privilège et à lire les commentaires qu’il a reçus pour cette plage, il y en a plusieurs qu’elle ne choque pas le moins du monde. C’est tout aussi inquiétant.
Surfer sur l’ignorance et l’imbécilité collectives, en plus de les nourrir, c’est tout sauf de l’art.