Vivre pleinement sa crise de quart de vie avec le folk-grunge d’Après l’Asphalte

Alors que l’hiver a enfin décidé de pointer le bout de son nez, les premières semaines de janvier m’ont confirmé qu’en 2020 le monde demeurait aussi anxiogène qu’en 2019. J’ai pu assister aux premières loges à la détresse de mes voisins face à une jolie petite «rénoviction».

Grâce aux feux de forêt et aux annonces de possible Troisième Guerre mondiale, je n’ai déjà plus le goût de toucher au Devoir ou à la radio. Je me sens toujours autant peu en adéquation avec la course à la productivité qui règne dans mon milieu professionnel. Les rayons de malbouffe dans les Pharmaprix et les Jean Coutu me paraissent encore plus envahissants qu’avant. Avec tout ça, je me suis dit que j’étais bien d’humeur pour un 5 à 7 au Quai des Brumes avec le band anxieux, mais très sympathique, Après l’Asphalte. 

Le projet post-folk-grunge mené par Gabriel Lapierre (Faudrait faire la vaisselle, Crabe, Embo/phlébite) est de ceux qui ne seraient sûrement pas arrivés jusqu’à mes oreilles si Feu à volonté, CISM et des scènes comme le Quai n’existaient pas. Grâce à ces radars de la musique underground, Glitters et Poussière, le premier EP du groupe qui date de 2018, a échappé aux abysses de bandcamp pour combler ceux qui étaient éco-anxieux bien avant que le mot ne devienne viral dans nos fils d’actualité. Comme avec l’âge, le nihilisme a gagné du terrain dans ma tête, leurs six chansons d’accompagnement vers la fin du monde m’ont assez rapidement conquise.

Vivre pleinement sa crise de quart de vie avec le folk-grunge d’Après l’AsphalteAprès l’Asphalte/Photo: Lise Brun

Les membres d’Après l’Asphalte ont pourtant choisi de ne jouer aucune toune de l’ancien EP (sauf Brailler pacté) durant le 5 à 7. Pas étonnant, l’aveu avait déjà été fait: bien que très bon, il s’agissait d’un enregistrement «de passage». Le groupe est en train de plancher sur un premier album alors l’envie était sûrement de ne pas attendre trop longtemps avant de jouer live quelques nouveaux morceaux.

On a pu profiter d’un bon show de rodage comme on les aime, avec mauvais départs, oublis de paroles et anecdotes sanglantes sur des opérations d’amygdales. En trio guitare folk, basse et drums, on a entendu des titres joués depuis un boutte ici et là ainsi que des tout nouveaux titres vraiment bons.

Même si l’engagement d’extrême gauche est toujours bien présent dans le projet, on dirait que le choix a été fait de mettre l’emphase sur un spleen plus personnel. Les paroles sont toujours sombres mais ça jase davantage de la difficulté de s’engager dans la voie de la musique et de relations amoureuses qui tournent au vinaigre. 

À la fin du show, on n’en a pas tellement appris plus sur l’album en cours de réalisation. On ne sait pas si le violon et le violoncelle seront encore là. On ne nous a pas dit non plus quelles tounes seraient véritablement sur ce LP. La seule chose dont on est sûrs, c’est qu’Après l’Asphalte, ça sera toujours fidèle aux interrogations existentielles et sociales du folk et du grunge.

Il va sans dire qu’on n’est pas sortis de là avec un gros sourire sur la face. L’anxiété avait toutefois presque disparu parce qu’on s’était retrouvés avec quelques amis et qu’avec la sincérité de cette musique, on se sentait un peu moins seuls dans l’incertitude de nos existences. Et c’est surtout pour ça qu’écrire des tounes, ça ne sert pas à rien.