- Juthova
- R.I.P
Dandy un peu maudit - comme il le chantait dans Les Paradis Perdus, mais jamais vieilli, Christophe était depuis 55 ans un cas unique dans la chanson. À la fois populaire et célèbre pour ses multiples tubes - Aline et Les Marionnettes en 1965, Les Paradis Perdus en 1973, Les Mots bleus et Senorita en 1974, Petite fille du soleil en 1975, La Dolce Vita en 1977... Souvent des slows, jamais des bluettes. Et à la fois culte et célébré par les branchés et les stars du rock - d'Alan Vega du duo Suicide à Lou Reed - pour son attitude, sa liberté farouche, son avant-gardisme et ses chefs-d'œuvre de mélancolie et d'audace.
1) La légende veut qu'il a imaginé cette chanson en 1964, à l'occasion d'un déjeuner chez sa grand-mère. Elle évoque sa rencontre avec une assistante de son dentiste, comme Christophe l'a révélé dans Lui. Il s'agissait d'Aline Natanovitch, une Polonaise qui le jour était assistante dentaire boulevard Montparnasse et la nuit tenait le vestiaire de l'Orphéon Club, un club parisien dans lequel le chanteur se produisait.
2) Ecrite une nuit de juillet 1965 au prix d'une crise de claustrophobie, la rengaine fond trois sources. D'une part, l'empreinte sexuelle d'unepetite placeuse de cinéma"à bas résille"qui, un jeudi après-midi, accompagne le jeune Christophe (presque 13 ans) chez sa grand-mère -"placeuse"qui, dans la foulée, sera"okay pour un tour d'amour dans la chenille de la fête foraine au bord de la Seine, à Draveil". D'autre part, le souvenir descastelets hebdomadaire, dans la salle à manger grand-maternelle : les"castelets",féeries théâtrales buissonnières mobilisant douze marionnettes à têtes de linottes en pâte à modeler fichées sur des"crayons à mine",sont"préparés à l'école, les scénarios écrits pendant le cours de géographie". Enfin, la mémoire"fétiche"des travaux de haute couture de la mère du chanteur. Et en anglais, ça donne quoi ??? 3) Ce slow contient toutes les caractéristiques du genre : l'orgue aux échos presque funèbres, la basse qui contient toute la tension, et les chœurs rococo qui accompagnent la voix désespérée de l'artiste. Les paroles, signées Jean-Michel Jarre, mettent en scène un jeune homme qui n'arrive pas à déclarer à voix haute ses sentiments. Cliché sans être mielleux, l'auteur d'Oxygèneréussit ici à ne pas tomber dans les poncifs nunuches de la chanson d'amour. A (re) découvrir la version de Pale Grey, Johan Papaconstantino, Bashung,...4) Cette romance de séducteur sortie en single hors album reste un des slow les plus appréciés des années 80.
5) Dans ma veste de soie rose / Je déambule morose / Le crépuscule est grandiose... Qui d'autre imagine-t-on égrener ces vers de mirliton avec une telle solennité rêveuse ? "Un peu dandy, un peu maudit...", Christophe est parfait dans le rôle, son look se fixe, cheveux longs mais soignés, moustache hors d'âge, smoking de crooner ou blouson de rocker. La mélodie des Paradis résonnera longtemps sous de nombreuses lunes, écho frenchy du Bryan Ferry des morceaux lents de Roxy Music. Sans ironie, malgré ce curieux changement de voix au refrain. Une splendeur. A 're) découvrir la version de Christine and the Queens. 6) Thème au violon arabisant, tempo qui semble épouser la montée des étages. Historiettes croisées des locataires d'un immeuble inquiétant, non-situé. Peut-être seulement le fruit de l'imagination délirante du narrateur. Qui n'hésite pas à se déguiser en une variété mutique de concierge : " Je vois tout, j'entends tout, mais je ne dis jamais rien. " Paroles de Gilles Thibaut, qui œuvra beaucoup pour Johnny Hallyday et Claude François. Premier d'une liste d'auteurs amenés à traduire en mots les obsessions du chanteur. Ici la folie guette dans l'escalier, et ce 45-tours-là rata les marches du hit-parade. A (re) découvrir la version feat Jeanne Added. 7) Ici on touche un point limite du spectre. En ce temps-là (mid-70's), un amateur de rock eût préféré mourir plutôt que d'écouter un type chantant du Barbelivien. Seuls des oiseaux rares tel Gérard Manset présentaient le sérieux nécessaire - plus tard on apprendrait que ledit Manset fréquentait lui aussi Didier Barbelivien. Petite fille du soleil est sans doute une babiole variétesque au dernier degré. N'empêche. La mélodie simplissime. La voix qui se coule dans les inflexions du piano. Maintenant que le puzzle est complet, on peut penser que le dialogue avec un Barbelivien était plus naturel à Christophe que ses échanges avec Alan Vega en anglais de cuisine, quand bien même admiratifs. La plus banale peut-être de ce palmarès, Petite fille du soleil reste une grande chanson de Christophe, version latine.8) Ballade nostalgique pour les beaux yeux d'Elsa...