Normalement, ce lundi de canicule serait celui où FAV dévoile ses dernières impressions des Francos de Montréal. Le festival aurait présenté son show de clôture durant la fin de semaine, les gens auraient sué sur la Place des Festivals tels des plaisanciers sur la brosse à Rawdon. Tous les festivals québécois se réinventeront cette année avec des idées originales et l’an prochain avec une programmation qui en vaudra deux, mais en attendant, chacune de ces fêtes musicales représente un petit deuil pour nous.
Ce nous est inclusif. C’est un nous que je donne à tous mes amis journalistes musicaux qui passent leurs étés à couvrir les festivals avec moi. Mes amis de festivals, ceux que je ne croise qu’une fois par année sous une tente blanche caniculaire de show surprise en sirotant une bière dans un écocup. Le nous, c’est aussi les artistes avec lesquels on fait des entrevues dans des lieux enchanteurs ou entre deux speakers, ceux dont on espérait des shows et des tournées sur des scènes extérieures de mai à septembre, mais qu’on ne peut voir qu’à distance de balcon depuis mars. Le nous, ce sont aussi les festivaliers, mais surtout ceux qui nous amènent au cœur de la fête: les organisateurs qui, déjà en ce moment, ont les yeux rivés sur 2021 et entendent déjà les foules scander le nom des bands qu’ils veulent convoquer l’an prochain. Oui, nous vivons tous le deuil d’un été qui semble avoir été départi de tous ses atours.
Feu à volonté décernera des lettres d’amour aux festivals qui nous ont le plus marqués durant les dernières années, pour faire vivre l’amour des festivals jusqu’à l’été prochain.
Qu’est-ce qu’un été qui commence sans les Francos?
Les Francos, c’est le festival auquel on se rend en vélo. Il y a toujours quelqu’un pour surveiller le rack pendant qu’on regarde La Chicane vivre son revival. C’est le festival qui donne une visibilité à tous ceux qui aiment la musique, notamment, les animateurs de CISM, dont je fais partie, et qui peuvent animer devant les festivaliers et recevoir une ribambelle de musiciens durant 10 jours.
C’est une programmation riche et belle en dedans et en dehors (vous pouvez reprendre ce compliment pour votre prochaine date Tinder). En 2018, on y avait d’ailleurs vu Klô Pelgag qui soulignait la chance qu’elle avait de présenter un orchestre complet sur la Place des Festivals, un show gratuit qui donnait à voir la singularité de L’étoile thoracique à quiconque voulait bien s’y déplacer. Un homme extrêmement âgé s’était appuyé sur mon épaule en première rangée. C’était beau à voir.
Je suis originaire de Sherbrooke et la première fois que je suis venue aux Francos, j’avais 17 ans. Ma chum Katherine et moi faisions notre premier road trip (jusqu’à Montréal, je sais) pour aller voir Dumas. On a oublié les clés du char dans le véhicule alors que les portes étaient verrouillées, on a fait débarrer la porte in extremis par un chauffeur de taxi qui nous a coûté une beurrée, on a couru comme des folles, on n’a pas eu le temps de souper, mais on est arrivées juste à temps pour Dumas. Il faisait chaud, on avait eu la frousse de notre vie (la ville, c’est stressant pour des filles de région), mais je vais toujours me souvenir qu’il avait joué TOUTES NOS TOUNES.
Le texte le plus ancien concernant les Francos que j’ai trouvé sur Feu à volonté date de 2011. On était alors sous une autre mouture du site, j’étais encore à l’université. La collaboratrice Émilie Bergeron nous parlait du show de Jimmy Hunt à L’Astral en disant qu’il était timide. Aurait-il été sur la scène des Francos en 2020? Aurait-il été timide? Il a sorti un album surprise durant la pandémie en tout cas. C’est loin d’être un show, mais c’est bon pareil.
En 2016, on avait donné A+ à Fet.Nat et V à Mon Doux Saigneur dans notre bulletin officiel des Francos et on était passés par toute la gamme des émotions.
Dubmatique/Photo: Élise Jetté, 2017En 2017, je rencontrais Dubmatique qui célébrait aux Francos les 20 ans depuis La force de comprendre. Je racontais qu’à l’âge de 8 ans, le premier disque que j’ai acheté avec mes sous, c’était celui-là. Quelques jours après l’entrevue, je suis allée voir le show en suit de balle molle après un match enlevant. Rien ne pouvait m’empêcher de passer du Parc Lafontaine à la Place des Festivals en un temps record. C’est ça, les Francos: tu mets un show dans ton horaire déjà chargé pis ça marche quand même. Tu passes par hasard devant une petite scène en t’en allant chez ton dentiste pis finalement tu manques ton rendez-vous parce que c’est la musique qui s’est avérée être le rendez-vous dont tu avais besoin.
L’été dernier, j’ai vu Salomé Leclerc à L’Astral qui présentait Les choses extérieures à l’air climatisé. C’était un repos de la chaleur accablante et un repos pour l’âme. J’ai fait une chronique radio qui ne parlait que de mon émotion large et troublante durant le spectacle de Safia Nolin sur la grande scène.
Je m’ennuie de la terrasse des médias, un rendez-vous quotidien pendant plus d’une semaine où l’on peut voir tous les amis de la musique sans savoir si ça va finir en enfilade de verres de vin blanc ou en balade nocturne philosophique avec un nouvel ami qui partage le même amour pour le même artiste.
Cette année, les découvertes nous manquent: celles qu’on fait en première partie d’un show attendu, par exemple. Une Angèle qu’on voit brièvement avant Hubert Lenoir et qui affiche complet en solo l’année d’après. Les hot-dogs de fin de soirée, les files d’attente (qu’on haït moins que celles pour rentrer chez Maxi) pour entrer dans le métro après l’Hommage à Desjardins, les shows qu’on n’avait pas prévus, les rencontres qu’on n’attendait pas, les amis retrouvés, le signe que l’été est là, qu’il peut commencer.
La canicule nous décape la peau comme pour compenser et nous dire «n’ayez pas peur, l’été est commencé quand même».
Et les Francos reviendront.
Je t’aime, les Francos!
À l’an prochain!