Il n'est pas forcément aisé d'aborder Paranoid sans tomber dans les superlatifs, puisqu'il est désormais de notoriété commune que cet album a jeté les bases du heavy métal. Si leur premier album a inventé le son lourd et esquissé de grandes pièces lugubres et visionnaires, c'est véritablement ce deuxième disque qui a érigé nombre de codes allègrement recopiés par toute une secte d'adorateurs tombés en pâmoison devant un tel déferlement de nouveautés sonores et stylistiques.
L'album aurait d'ailleurs dû s'appeler War Pigs, mais la chanson en question, extrêmement critique à l'égard de l'engagement militaire des Etats-Unis au Vietnam, aurait pu être un frein à une lucrative tournée de Black Sabbath chez l'Oncle Sam, tout de moins est-ce ainsi qu'en a décidé leur manager Jim Simpson. C'est donc Paranoid qui est choisi comme patronyme, et tant pis si la pochette de l'album, un soldat casqué arborant un sabre recourbé et un bouclier, n'a rien à voir avec le titre.
"In the fields the bodies burning, As the war machine keeps turning, Death and hatred to mankind, Poisoning their brainwashed minds". War Pigs, débutant par un assaut de blindés lourds au son d'une sirène hurlante, se place comme une charge implacable contre la guerre, les officiers et les politiciens, mais c'est avant tout un morceau exceptionnel. Gargantuesque collection de riffs anthologiques égrenés sans discontinuer sur près de huit minutes, le titre étonne d'abord par l'aridité de son premier couplet, soutenu quasiment a cappella par les incantations grinçantes d'Ozzy Osbourne, mais dès qu'arrive le riff principal, Bang ! On s'en prend plein les mirettes. Tandis que le mur guitare/basse équarrit tous les recoins qui dépassent, on reste estomaqué devant l'excellence de la batterie de Bill Ward dans ce qui apparaît comme sa prestation la plus mémorable chez Black Sabbath. Et que dire du jeu de guitare de Lommi, de ses décharges de cordes sournoises, de ses crissements stridents, de ses oscillations glaciales, de ses soli resserrés et percutants ?
War Pigs (qui était à l'origine intitulé Walpurgis, une fête associée aux sorcières et aux satanistes mais rapidement modifié sur la recommandation de leur maison de disques) ne s'est pas bien vendu en single mais est devenu une chanson emblématique. Plusieurs critiques la considèrent comme la meilleure chanson anti-guerre de heavy métal jamais enregistrée.
Bonus du dimanche
1) Avec une approche totalement middle -east
2) Doté d'un clavier funky sinistre et d'une guitare déchiqueteuse
3) Quand le Bluegrass devient Métal