On adore la fin d’année pour les bilans, oui, mais cette année, on aurait plus envie de se dire qu’on peut l’oublier, celle-là. Par contre, il n’y a aucun moment comme celui-ci: t’as parlé à personne dans ta semaine sauf au caissier à l’épicerie, mais un album te tombe dessus et semble tout rétablir. «T’as été l’affaire qui n’a pas été de la marde cette année» est la phrase que nous avons envie de hurler au balcon de bon nombre d’artistes qui nous ont sorti de notre marasme en 2020. Tel un vaccin contre le grand mal de l’année, voici votre injection de fin 2020: nos albums anglophones préférés de l’année, positions 20 à 11.
Photo: Pexels/Artem Podrez20 Nicholas Craven – Craven N 2
Pas évident du tout 2020 et cette année de malheur fut encore plus difficile pour nos artistes locaux anglophones dont certaines voix se sont élevées afin de critiquer le manque de couverture dans nos médias montréalais (coucou Kaytra!). Afin de remédier en partie à la situation, et surtout parce qu’on a tripé solide, on ne pouvait passer à côté de l’excellent Craven N 2 de Nicholas Craven. Le producteur gatinois s’est entouré de rappeurs américains sur la pente ascendante (dont notamment Mach-Hommy et Billy Woods), de vétérans de renom (Styles P et Ransom, pour lequel il a produit quatre EP cette année seulement), et d’une touche locale (avec la présence de D-Track sur la lumineuse Sorbonne) qui pose les rimes sur des productions sombres et crasseuses inspirées par le rap des années 90. Nicholas Craven nous offre une trame sonore idéale pour traîner dans les ruelles mal éclairées de la ville, en quête d’un petit rassemblement illégal, pour consommer les produits légaux et essentiels (S/O la SAQ et la SQDC) d’une économie locale en pleine déroute.
– NICOLAS SIMARD
19 Anachnid – Dreamweaver
Anachnid, Montréalaise d’origine oji-crie mi’gmaq, est l’artiste que j’ai préféré découvrir cette année. J’ai vraiment connecté avec son projet qui me sort de ma zone de confort culturelle, pour la grande place faite à ses racines autochtones, mais aussi pour son mélange d’électro aérienne, d’indie-pop, de hip-hop, de trap et de soul, genres vers lesquels je me tourne moins souvent. Comme on tisse la toile de l’araignée, son animal totem, l’assemblage est minutieusement réalisé sur ce premier disque sorti chez Musique nomade. C’est l’esprit qui plane sur le projet bien sûr qui m’y a fait me sentir très vite bien. Dreamweaver, c’est la démarche d’une femme qui se présente à un public en étant toujours un peu en recherche d’elle-même, mais aussi déjà tellement accomplie dans ses réflexions personnelles, artistiques, voire politiques. Dans un décor onirique où se côtoient hurlements de loups, crépitements de feu et bruits de la nature, on passe sans gêne d’une spectaculaire théâtralité (America) aux planchers d’un club (Summer Hunting, Braids) en passant par sa chambre à coucher (La Lune, China Doll). C’est la proposition artistique que je ferais jouer à mes amis lors de mon prochain retour en Europe.
– LISE BRUN
18 Zach Zoya – Spectrum
Ah! Le gars qu’on pense qu’il est américain, mais qu’il est Québ. Et qu’en plus on apprend qu’il est Abitibien. Là là, Zach, si on veut qu’il reste par chez nous, faudrait y donner un nanane, parce que sinon les Ricains vont nous le voler. Pis on veut pas ça. Protégeons nos ressources. Préservons notre jeunesse talentueuse. Gardons Zach Zoya à la maison.
– ÉMILIE PELLETIER-GRENIER
17 Plants and Animals – The Jungle
Groupe culte de la scène indie montréalaise, Plants and Animals nous revient avec un cinquième opus tropical à souhait et éclectique! Que l’on pense à la folle ligne de basse sur la pièce homonyme ou la très Talking Heads House on Fire en passant par l’énergique The Sacrifice et les planantes In your Eyes et Le Queens (première chanson francophone du groupe!), le périple en jungle est tout sauf plate
– MATHIEU CATAFARD
16 Basia Bulat – Are You In Love?
On ne tombe pas d’amour tout de suite avec Are You In Love? de Basia Bulat. Son album de 2016, Good Advice, nous happait dans l’immédiat, dès la première écoute. L’album de 2020 nécessite qu’on s’y attarde, qu’on le laisse nous parler. Pour les adeptes de plus longue date, c’est un effort léger qui mène vers une belle lumière, une musique qui nous transporte vers une sérénité entière. Et oui, we are in love.
– ÉLISE JETTÉ
15 Marie Davidson – Renegade Breakdown
J’ai vogué de surprise en surprise en écoutant Marie Davidson prendre tantôt les habits d’une crooner de jazz bar enfumé (Just In My Head) ou bien ceux d’une nouvelle papesse du rock (Back To Rock) ou bien ceux d’une émergente égérie de french pop, avant de nous rappeler gentiment que même après y avoir fait ses adieux, Marie Davidson règne naturellement sur un dancefloor (Renegade Breakdown, Worst Comes to Worst). Le prix Arturo-Brachetti pour cette amazone au couteau suisse bien garni.…
– JULIEN ROCHE
14 Élie Raymond – Panels
C’est une année formidablement remplie pour Élie Raymond, divisé entre Foreign Diplomats, Totalement Sublime et ce projet solo qui en est à son deuxième album cette année (?!) On retrouve en Panels un album sensible, truffé d’idées intéressantes, marqué par un engagement entier, tripes sur tables, et une instrumentation touffue et colorée. Hâte de voir ces pièces vivre sur scène.
– JULIEN ROCHE
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13 Gus Englehorn – Death & Transfiguration
Death and Transfiguration a été incontestablement l’album le plus addictif de mon année 2020. En seulement neuf morceaux lo-fi, le candide ex-snowboardeur Gus Englehorn, accompagné sur scène à la batterie par Estée Preda, dévoile un projet de rock indie qui se démarque incontestablement dans le paysage québécois actuel, en particulier par le chant, qui alterne entre insouciance, gémissements, cris, voire rap, ainsi que par les textes personnels de Gus qui oscillent entre l’ombre et la lumière tout en rappelant aussi la vie, à bien des égards surréaliste, de Daniel Johnston. En show, l’expérience est encore plus extatique. Si vous avez besoin d’un guide, cherchez, quelque part au devant de la scène, Jed Arbour, une fille qui maîtrise superbement le grunge par ailleurs. Mention spéciale à tous les clips DIY ainsi qu’à la merch qui permet d’apprécier des illustrations d’Estée et de Shelby Menzel. Un deuxième album est déjà en route alors longue vie!
– LISE BRUN
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12 Kaytranada – Bubba
Sortie à la fin de décembre 2019, ce grand disque du producteur montréalais était un incontournable pour les TOPS de 2020 alors que ceux de 2019 étaient déjà sortis quand l’album a fait son apparition. Bubba, qui a récolté trois nominations aux prix Grammys, est un bijou du début à la fin. Avec toute la finesse et le travail derrière les rythmes, les basses et le synthés vintage du DJ, ajoutez à cela des collaborations de feu (Charlotte Day Wilson, Pharrell Williams, Teesha Moses, VanJess), Kaytranada nous offre un résultat exceptionnel. À danser, bien confiné dans votre salon!
– MATHIEU CATAFARD
11 Land of Talk – Indistinct Conversations
Les émotions que nous dessine Elizabeth Powell sont en déséquilibre total. L’intensité rencontre la réserve sur ce quatrième album de Land of Talk qui nous plonge dans une rêverie où l’on a beaucoup de demandes à faire exaucer par l’univers. Alors oui, c’est très actuel. Gros coup de coeur pour le single The Weight of That Weekend qui aborde le concept désormais tristement connu qu’est le gaslighting. L’intelligence des arrangements rencontre l’intelligence du propos du début à la fin de Indistinct Conversations. À réécouter en 2021 juste au cas où.
– ÉLISE JETTÉ