Minema // ma rainey’s black bottom

Publié le 21 janvier 2021 par Unis Son @unissonmag

Alors que le jazz prend le cœur et l’âme de beaucoup avec le nouveau Pixar, Soul, nous avons suivi la route du Blues à travers Ma Rainey’s Black Bottom (ou Le Blues de Ma Rainey en français). C’est notre revue musicale et cinématographique du mois. C’est notre Minéma.

Spoiler Alert: 7/10

Vous vous rappelez des salles avec des écrans immenses ? Les… cinémas ? ça fait longtemps, hein ? Heureusement que la fermeture de ces salles n’interdit pas la sortie de nouvelles choses. Et de nouvelles choses liées à la musique. Produit par Denzel Washington, ce biopic n’en est pas un.

BIOPIC ? DE LA SCENE À L’ÉCRAN

Dans ce moment de vie porté à l’écran, nous rencontrons Ma Rainey, aussi connue sous le nom de La Mère du Blues. Cette immense chanteuse à la voix d’or semblait pourtant assez discrète et reculée dans l’histoire de la musique américaine. En tout cas sa partie blanche.

Heureusement pour nous, l’auteur de théâtre August Wilson, en 1984, proposa au monde de redécouvrir le caractère sulfureux de cette grande dame avec sa pièce Ma Rainey’s Black Bottom, une fiction autour de la légende. Et en décembre 2020, c’est George C. Wolfe qui leur rend ses hommages avec l’adaptation de la pièce travaillée avec Ruben Santiago-Hudson, et diffusée sur Netflix. La fiction a une place importante ici, mais le caractère de la chanteuse semble correspondre à l’histoire et la réalité.

UN HOMMAGE AU BLUES

L’ouverture du film se fait sur un silence dans une forêt bleutée par la nuit. On suit deux jeunes hommes qui courent rejoindre une tente illuminée et dans laquelle le contraste avec l’extérieur est saisissant. Clair, chaleureux, et surtout mouvementé. Ma Rainey est sur son terrain : la scène. Viola Davis interprète alors l’artiste de main de maître. On avance dans la fiction et la musique s’emballe.

Lorsque l’enregistrement est bien entamé, l’été brûlant qui assomme Chicago se fait oublier. Si la tension est dans l’air et ne peut pas disparaître, la musique enregistrée derrière les volets fermés est un souffle bienvenu. Le son, est évidemment incroyablement mixé et se marie à merveille avec les images, parfois proche de peintures ou de photographies datées qui nous dépeignent l’époque.

UNE LUTTE ARTISTIQUE ET SOCIALE

Le trompettiste Levee fait un pas en avant et Chadwick Boseman nous le présente avec toutes ses strates : ambitieux, motivé, talentueux mais aussi entêté, impatient, brisé et violent. Une performance sublime qui devrait rester dans les mémoires. Tout au long de l’histoire, son blues et celui de Ma s’opposent, dans le rythme et la forme, dans le style et la façon de procéder, tissant la tension entre les deux personnages sur tous les plans, car en plus des faveurs du blues, les deux artistes veulent les faveurs de Dussie Mae, la compagne de Ma.

Autour d’eux gravite le groupe, très attachant, qui comprend pourquoi Ma est aussi dure mais qui la suit, coûte que coûte, avec le même amour de la musique. Vite, ce caractère difficile, violent, imposant, nous devient très logique et compréhensible. C’est une femme noire dans un milieu dominé par les hommes blancs. L’époque trouve un écho aujourd’hui encore.

Levee, lui affirme que l’homme blanc ne lui fait pas peur, pense pouvoir le maîtriser. À la fin du film, celui que l’on voyait comme un homme talentueux quoique arrogant, se change en l’ombre de lui-même, désespéré et qui n’a plus rien. Et on comprend que Ma lutte autant pour son art que pour sa place sociale de femme, de noire, de marginale. Le groupe en souffre. La musique en souffre. Le blues prend tout son sens. Le film est un essentiel.

Bande-annonce :


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